articles du N° 163 - Février 2003
( sommaire
)
L'ange de Fra Angelico
N'ayant trouvé aucune illustration
qui me satisfasse pour évoquer comme je le souhaite l'homosexualité,
j'ai retenu pour la couverture un bel ange de Fra Angelico. En effet,
dit Jésus, à la Résurrection, il n'y aura plus
ni hommes ni femmes, les hommes ne prendront plus de femmes et les
femmes plus de maris et ils seront comme des anges (Marc XII 25).
En attendant, ne jouons pas à l'ange ou ne discutons pas à
l'infini sur le sexe des anges - et des autres -, mais honorons au
mieux les problèmes auxquels nous sommes confrontés
aujourd'hui !
Éditorial : Homosexualité ?
Pourquoi l'homosexualité fait
beaucoup parler aujourd'hui et souvent oppose les uns aux autres, dans
la société civile - hier à propos du Pacs - comme
dans les églises ? Ce numéro de notre journal se veut
une modeste contribution au débat qui s'engage dans nos églises
protestantes. Sur cette question, plaise à Dieu que la générosité
l'emporte toujours sur les réflexes identitaires de conservation
ou sur le fanatisme !
Je ne suis pas expert en ce domaine. Pourtant, il me semble qu'il
s'agit ici d'un problème de société, pas récent,
mais qui aujourd'hui prend un certain relief, comme à d'autres
moments le problème du divorce, de l'avortement, ou simplement
de l'accession des femmes à des conditions sociales égales
à celles des hommes, question non encore prise en compte dans
tous les pays et dans toutes les églises !
Certains, à juste titre, ont pu évoquer les tendances
pédophiles de tels homosexuels. On a fait aussi état de
tendances exhibitionnistes - affectivement ou physiquement de certains
homosexuels. Lors de la Gay Pride, moi le premier, je ne prise guère
ceux qui se dandinent en string sur leur char. Cette provocation volontaire,
anodine à certains égards, agace mon éducation
protestante ! Mais soyons honnêtes ! La pédophilie, l'exhibitionnisme,
voire la perversité sexuelle ne sont de loin pas le monopole
des homosexuels. Dans la Porte Etroite, reportezvous à
ce qu'André Gide dit de sa tante Lucile Bucolin.
Par ailleurs, il importe sans doute de distinguer ceux qui sont homosexuel
normalement, de ceux qui le deviennent par seul souci de se distraire
ou de varier les plaisirs.
Voici maintenant quelques réflexions
personnelles à propos de l'homosexualité. J'en changerai
peut-être. En tout cas, je ne revendique aucune compétence
dans ce domaine et sollicite toute votre indulgence si vous pensez que
je dise des bêtises. Je crois que l'homosexualité n'est
pas dans l'ordre de la nature, ne seraitce que parce que l'une
des finalités du couple est la procréation. En revanche,
je ne crois pas que l'ordre naturel doive être sacralisé,
comme le nazisme a tenté de le faire avec la notion de race élue
et de race épurée. L'ordre de la nature n'a qu'une valeur
indicative. Les valeurs premières sont d'ordre affectives, altruistes
et spirituelles. C'est pourquoi nous ne devons ni juger, ni condamner
ceux qui aiment autrement. Si la nature, l'éducation qu'ils ont
reçue ou les influences parentales ont fait ou conditionnés
certains ainsi, de quel droit les rejetterions - nous ou les culpabiliserions-nous
de ce qu'ils sont ? Plutôt que de ressasser sans cesse les condamnations
de Paul à l'égard des déviants sexuels (Romains
I. 26 27), essayons de nous inspirer des évangiles qui
ne jugent jamais les petits, les faibles et les marginaux.
Le mariage des homosexuels ? Je serais plutôt contre. Qu'il
y ait une loi qui préserve leurs droits, tel le Pacs, il le faut.
Mais si l'une des composantes du mariage est la procréation,
pourquoi marierait-on des homosexuels ? En revanche, je conçois
tout à fait que des homosexuels puissent demander que l'on prie
pour leur vie commune. De quel droit et en quelles circonstances un
homme d'église pourrait-il refuser une prière ou une parole
de bénédiction à ceux qui le lui demandent ? J'ai
conscience de l'ambiguïté qu'il peut y avoir entre un mariage
ecclésiastique et une parole de bénédiction. J'en
maintiens pourtant la différence de portée et de lieux.
Il me semble évident que les homosexuels ont leur place dans
les églises comme les autres à une condition : que leur
vie privée reste une vie privée. Nous avons connu des
pasteurs et des théologiens homosexuels qui faisaient de l'église
une tribune pour défendre leur cause personnelle : « Pourquoi
croyez-vous que le centenier de Capernaüm était si soucieux
de la vie de son serviteur (Mathieu VIII. 6) ou Jésus de celle
de son ami Lazare (Jean XI. 35-36) ? » De tels propos tenus en
chaire avec un air entendu, pour exceptionnels qu'ils soient, sont inadmissibles.
Sur l'homosexualité, comme
en son temps sur l'avortement, l'opinion sociale est en mutation. Il
me semble que la sagesse, pour les églises comme pour le législateur,
consiste alors à légiférer le moins possible et
à être porte-parole de la grâce plus que de règlements.
Pour ce qui est de l'exercice du ministère pastoral des homosexuels,
soyons pragmatiques et souples. Que les églises n'érigent
aucun règlement restrictif. En revanche, les conseils presbytéraux
restent évidemment libres d'accepter ou de refuser des pasteurs,
quel que soit leur profil. On ne saurait les leur imposer. Pendant un
temps, selon les lieux et les personnes, il y aura des acceptations
et des refus de pasteurs homosexuels. Je gage que, par la suite, quel
que soit l'usage qui prédominera, ce type de préoccupation
ne défraiera plus la chronique.
Pierre-Jean
Ruff
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Textes divers, de Sébastien Castellion, Antoine de Saint-Exupéry,
Albert Schweitzer, Georges Brassens
Après avoir souvent cherché
que c'est d'un hérétique
je n'en trouve autre chose
sinon que nous estimons hérétiques
tous ceux qui ne s'accordent pas avec nous
en notre opinion.
écrit en 1554
Sébastien Castellion
Si je diffère de toi
loin de te léser
je t'augmente.
Antoine de Saint-Exupéry
Nous sommes un mystère les
uns pour les autres
il faut nous y résigner
on ne connaît, non pas quand on sait tout de l'autre
mais quand on a de l'amour,
de la confiance, de la foi
en son compagnon de route
il ne faut pas vouloir violer l'âme d'autrui.
Albert Schweitzer
Le jour du quatorze juillet,
Je reste dans mon lit douillet.
La fanfare qui marche au pas,
Cela ne me regarde pas.
Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant des chemins qui ne mènent
pas à Rome,
Mais les braves gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux.
Georges Brassens
Bâtir la paix,
C'est bâtir l'étable assez grande,
Pour que le troupeau entier s'y endorme.
C'est bâtir le palais assez vaste
Pour que tous les hommes s'y puissent rejoindre
Sans rien abandonner de leurs bagages.
Antoine de Saint- Exupéry
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La différence du figuier
L'histoire dont je vais vous parler
se trouve dans l'Évangile de Luc (13, 6-9) et c'est l'histoire
d'un figuier différent. Différent, parce qu'il ne donne
pas de fruit. Différent, parce qu'alors pèsent sur lui
toutes les condamnations de l'Histoire : « on reconnaît
l'arbre à ses fruits » paraît-il. Pire même
« tout arbre qui ne produit pas de bon fruit sera coupé
et jeté a feu » (Luc 3, 8-9). Et que celui qui n'a jamais
découvert dans ses branches un fruit pourri, que celui qui ne
s'est jamais senti desséché et stérile lui donne
le premier coup de hache... C'est aussi l'histoire d'un homme pas du
tout différent des autres, qui possède un figuier sans
fruit , et qui raisonne alors de façon logique et rentable. Il
n'a pas besoin d'un figuier inutile et l'accuse même d'épuiser
sa terre. Puisque le figuier ne veut pas tenir le rôle qui est
le sien, puisqu'il le déçoit, exit le figuier. Bon pour
le bûcheron, sans état d'âme.
Alors c'est aussi l'histoire différente d'un vigneron qui s'oppose
à la logique dans un combat dérisoire. « S'il te
plaît, dit-il au propriétaire, laisse -moi bêcher
encore une année. Peut-être donnera-t-il du fruit à
l'avenir... ». La bêche et le temps contre la tronçonneuse
efficace. Toute la bonne nouvelle de Jésus-Christ tient pour
moi dans ce « peut-être... » qui ouvre simplement
par amour le droit de vivre pour ce que l'on est et non pour ce que
l'on aurait voulu ou dû être. Avec son « peut-être
» qui ouvre un sursis, le vigneron reconnaît au figuier
le droit d'occuper son bout de terre sans contre partie. Gratuitement,
comme ça, parce qu'il l'aime bien. Il ne donne pas de fruit ?
Et alors ? En tant qu'arbre déjà il a quelque chose à
apporter, et c'est en tant qu'arbre qu'il veut le sauver. En Jésus-Christ,
je crois que Dieu prononce un « peut-être » salvateur
sur la vie de l'être humain. Une chance, encore une, une dernière,
d'être aimé pour ce qu'il est, malgré sa différence
vécue comme un manque. Une chance, encore une, pour qu'il puisse
porter dans sa vie les fruits de ce qui le dépasse et le nourrit
lui-même. Comme avoir parfois le courage de dire obstinément
des « peut-être » dérisoires contre toute logique.
Des peut-être qui résonnent non pas comme des menaces mais
comme des chances. Ce sont les « peut-être » qui sont
prononcés sur nos vies et que nous prononçons dans celles
des autres au nom du Dieu de Jésus-Christ qui font la différence.
Toute la différence.
Anne
Faisandier
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Etre soi-même, même si...
Témoigner ? Je ne peux pas.
Je ne peux plus. En tout cas je refuse de sacrifier à tout ce
qui pourrait de près ou de loin ressembler à une tentative
d'auto-justification. Le choix que j'ai fait sur le tard d'assumer une
« orientation sexuelle » dont j'avais longtemps cru pouvoir
esquiver l'insistance relève d'abord du consentement à
l'injustifiable. J'ai suffisamment tourné autour pour considérer
aujourd'hui que l'homosexualité m'est attachée, sinon
inéluctablement, du moins pour un certain temps qui pourrait
bien se prolonger jusqu'à ma mort. Pour le dire dans le jargon
du document du comité protestant luthérien réformé,
cette acceptation supposait comme préalable fondamental le consentement
à ma propre finitude. Comme si Dieu m'avait envoyé ce
poil à gratter afin que je n'oublie pas que la justice de ma
vie en dépendait que de lui seul.
Une certitude fondamentale à l'issue de cette épreuve
: Dieu m'aime tel que je suis... Et tel qu'il m'a fait : parmi les paroles
prononcées dès avant ma naissance et qui m'ont fait et
me font ce que je suis, paroles prononcées par des gens qui m'ont
aimé et que j'aime, celles qui ont pu déterminer mon homosexualité
ne sont pas des paroles mauvaises. Je ne suis pas maître, mais
j'en assume l'héritage.
Je peux aussi témoigner avec gratitude de l'accueil qui a été
réservé à l'annonce pour le moins bouleversante
de mon homosexualité par ma famille et mes ami(e)s. En ce qui
concerne l'Eglise réformée de France, la gratitude se
mêle à l'amertume. L'annonce forcée de mon homosexualité
à mes conseillers presbytéraux m'a fait passer en quinze
jours du statut de « bon pasteur » à celui de victime
émissaire, certains collègues m'ont indiqué sans
ménagement la porte de sortie et il m'a été difficile
de faire comprendre qu'en l'état actuel de la discipline de l'Eglise
Réformée de France à défaut d'un ordre explicite
que seul le Conseil national de l'Eglise réformée de France
pouvait me donner, toute démission équivalait à
une acceptation de ma part des motifs pour lesquels on me la demandait.
A chacun d'en tirer les conclusions qu'il voudra sur ce qu'il y a lieu
ou non d'appeler « discrimination ». Il ne s'agit de toute
façon là que de scories au regard de l'écoute,
du respect, du soutien et d l'amitié que j'ai rencontrés
au sein de cette Eglise qui reste la mienne.
Je voudrais enfin témoigner de mon sentiment d'être en
marche sur un itinéraire assez peu balisé et sur lequel
je me trouve en position de non-maîtrise, mais dans la gratitude
d'exister. En marche, mais certainement pas en errance : l'amitié
et l'écoute des autres ont joué et jouent le rôle
de phares, me permettant de tenir le coup et de ne céder ni sur
mon désir, ni sur ma vocation, ni sur mes responsabilités
à l'égard d'autrui ; plus profondément, la certitude
d'être aimé de Dieu sans condition, fut et reste pour moi
comme une boussole. Ma vie n'a pas sombré dans le chaos et j'ai
de bonnes raisons de penser que, Dieu voulant, il me sera possible de
construire du nouveau sans faire table rase du passé et même
si les modèles manquent.
Dans cette perspective, deux choses me frappent particulièrement
dans le document de base du comité protestant luthérien
réformé.
La première, c'est le vacillement du discours à propos
de la notion de modèle : on stigmatise l'homosexualité
comme « passion du même » sans prendre garde que la
notion de modèle d'identification dont on use par ailleurs abondamment
sacrifie beaucoup plus largement à cette même passion idolâtre.
Cela ne disqualifie pas le propos, mais pose d'une part la question
de modèles qui ne soient pas d'identification et d'autre part
celle d'une cohabitation possible de modèles différents.
Dégagés de la tentation d'idolâtrie qui leur est
inhérente, les modèles sont des outils indispensables
à toute construction éthique ou morale.
La seconde, c'est l'opposition entre courage et peur, entre invitation
à la créativité et crispation sur des repères
dont on reconnaît par ailleurs qu'ils sont en passe de devenir
inopérants. Pour le dire avec des mots de Jean-Claude Guillebaud,
cela ne signifie pas que le monde dans lequel nous évoluons serait
voué à la chute, mais qu'il est en phase de refondation.
Tous les discours de maîtrise qui prétendent dire de façon
péremptoire et définitive ce que la nature, l'humain ou
l'ordre symbolique sont, ont aujourd'hui plus que jamais pour destin
d'être voués au dérisoire. Mais plus encore, tous
ces discours sont depuis longtemps frappés d'inanité par
le logos de la Croix. Pas plus que les autres, nous ne savons vraiment
où nous allons, mais notre baptême nous appelle à
témoigner de notre confiance fondamentale dans le Dieu de Jésus-Christ.
Aussi, contrairement à ce qu'affirme le document du comité
protestant luthérien réformé, je ne suis pas sûr
qu'il y ait lieu pour nos Eglises d'« oser une parole forte »,
mais bien plutôt des paroles et des gestes humbles qui apportent
leur pierre au travail de recomposition en cours et tout particulièrement
sur des questions aussi délicates que celle de l'homosexualité.
Richard
Bennahmias
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Le centre du Christ libérateur
pour une Église enrichie par le droit à la différence
et non pour une Église appauvrie par l'indifférence
Actuellement - à la bonne
heure -, beaucoup d'églises se posent la question de la responsabilité
des personnes homosexuelles dans l'église, et aussi de la reconnaissance
de leur union, et peut-être d'autres questions. Le débat
est assez vif et je voudrais apporter en quelques lignes un peu de ma
propre expérience.
D'abord je tiens à vous préciser qu'il n'est ni dans
l'esprit du centre du Christ libérateur, ni dans mes intentions
de créer une église homosexuelle : cela serait aussi inacceptable
qu'une église réservée aux noirs ou aux femmes
ou à d'autres minorités. Nous voulons en premier lieu
aider les homosexuel(le)s à se sentir eux-mêmes bien dans
leur foi, les aider à savoir que Dieu les aime tels qu'elles
et ils sont.
L'orientation sexuelle est un don dans la vie de chaque être
humain, un don de Dieu dont nous devons être reconnaissants. Elle
doit être intégrée dans notre vie au même
titre que d'autres actions physiques, comme manger, dormir... Un excès
ou une privation dans ce domaine aurait les mêmes conséquences
fâcheuses et déséquilibrantes que l'abus ou la privation
relatifs à un autre besoin de notre corps.
Rassurez-vous, je suis loin de rejeter la morale chrétienne
qui souligne l'importance de la responsabilité dans la liberté
et dans l'amour. Ne créons pas une ségrégation
supplémentaire, donc ne créons pas des églises
spécialistes homophiles. Je n'ai jamais encouragé quelqu'un
à quitter son église, bien au contraire. Je crois que
les chrétiens engagés dans leurs communautés respectives
doivent y rester et y rendre un témoignage chrétien.
Nous aimerions que les églises existantes ouvrent leurs portes
et que bientôt notre centre soit superflu, que tous les pasteurs
et prêtres soient capables d'avoir une pastorale pour les homosexuel(
le)s.
Nous voudrions que les églises arrêtent de penser que
l'homosexualité est un choix de vie. Je suis préparée
théologiquement et psychologiquement à ce ministère
et je peux vous assurer qu malgré toute cette préparation,
il ne fait pas bon être homosexuel : dans une école, dans
un travail, dans une famille, dans une église.
Ce n'est pas non plus une mode d'être gay. S'il y en a davantage
aujourd'hui, c'est certainement parce que il y a plus d'information
sur le sujet, et que les gens qui n'auraient pas compris autrefois leur
orientation sexuelle ignorée, peuvent aujourd'hui plus facilement
trouver la raison de leur mal-être, une réponse à
leur mauvaise relation avec l'autre.
Nous voudrions que les églises choisisssent leur pasteur sans
racisme, sans sexisme, sans tenir compte de qui il ou elle aime, mais
en s'attachant à sa capacité à aimer.
Je comprends que les premières féministes nous aient
fait peur, à moi la première, car elles manifestaient
en provoquant la société, avec tous leurs excès
; mais il y en avait d'autres qui travaillaient le silence, et peut-être
l'ensemble a-t-il fait avancer la cause des femmes : nous avons pour
la joie de l'église des femmes pasteurs.
Il y a des gays avec des « plumes » à la Gay Pride,
mais j'ai également rencontré des hétérosexuels
qui ont profité de la Gay Pride pour mettre eux aussi des plumes
; il y a des homosexuel(le)s qui veulent être et qui sont parents.
Que va faire l'église avec ces familles hors norme, quelle morale
chrétienne comprendront les enfants de ces familles s'ils vont
à l'école biblique ? Il ne sera pas facile de les préparer
au baptême, sans accueillir leurs deux parents du même sexe.
Il y a des homosexuel(le)s qui veulent être pasteurs. J'ai été
pendant six ans co-présidente (avec un homme président,
respecter la parité) du Forum des groupes de chrétiens
gais et lesbiennes d'Europe, et j'ai eu un peu honte comme Française
de constater notre retard. Il est clair que là où l'Eglise
catholique est forte, l'Eglise protestante est craintive, lente et en
retard ; dans les pays du Nord en revanche, là où l'Eglise
Luthérienne est majoritaire, les réponses à toutes
ces questions sont favorables. J'ai rencontré une évêque
suédoise lesbienne, elle vivait avec son amie. J'ai un ami pasteur
luthérien à Kiel, Allemagne ; il vit avec son ami, professeur
d'université, et depuis dix ans déjà ils reçoivent
officiellement les paroissiens dans leur maison, le presbytère.
Toutes les années ils font une petite réception autour
de Noël, et toute l'église y est invitée, les membres
peuvent voir avec amitié ou curiosité leur foyer.
Je voudrais que l'église ait le même besoin de connaître
ceux qui depuis longtemps frappent à sa porte. Des exemples ?
Notre président du conseil, Serge, 35 ans de bonheur en couple
avec Roger, ou Robert qui depuis le 28 mars, jour où son compagnon
depuis 20 ans décède, rend visite tous les jours, sans
en manquer un, à sa belle-mère déprimée
par la mort rapide de son fils.
Je devine la pensée de certains lecteurs qui disent : «
Et la Bible ? »
Elle nous parle de l'humanité même du message de Jésus,
le pourquoi de sa venue : Il est venu pour nous apprendre à aimer
l'autre tel qu'il est, et surtout pas à le juger. Jésus
ne voulait pas que les règles existantes d'exclusion de l'époque
et rejetées par lui, soient remplacées par d'autres qui
font actuellement souffrir.
Il est certain que des premiers pasteurs homosexuel(le)s, la vie sera
regardée avec « une loupe » et que le sens de modèle
prendra là toute sa valeur, mais cela se passe toujours de cette
manière. Les premiers pasteurs homos devront gagner la confiance
pour tous les autres qui viendront après. Et il est à
peu près certain que le conseil et les membres de la communauté
seront beaucoup plus exigeants qu'avec un pasteur « bien marié
». Mais avec l'amour de Dieu laissons Le agir.
Il serait dommage qu'un jour vienne où les personnes homosexuelles
rejetteront une église qui les a mis dehors et cesseront de frapper
à la porte, alors qu'elles étaient fatiguées et
chargées de plus d'un fardeau. Voilà une terrible responsabilité
à assumer.
Caroline
Blanco
pasteur du Centre du Christ libérateur
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Le protestantisme libéral
Le protestantisme libéral
est une tendance qui non seulement applique à la religion la
méthode de libre et personnelle recherche, mais demande à
ses adeptes de se conquérir, par la réflexion et l'étude
des convictions individuelles, de soumettre leurs croyances à
l'épreuve perpétuelle de leur conscience et de leur lumière
nouvelle.
Le protestantisme libéral en outre, se déclare prêt
à supporter les conséquences de sa méthode, c'est-à-dire
une grande variété de vue parmi ses adeptes.
Notre liberté ne serait qu'une servitude et un trompe-l'il,
si nous avions tous les mêmes opinions. La preuve que chez nous
la liberté est positive, c'est notre extraordinaire variété.
Charles Wagner
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Du bon vouloir de Dieu
Cet été, le 27 juillet
2002, nous nous sommes pacsées. Pour nous, il s'agissait d'un
engagement important. Cela nous faisait sortir d'une relation «
privée », officieuse pour entrer dans une relation «
publique », officielle. C'était, et c'est un engagement
de notre couple vis à vis de la société. Nous aurions
pu aller discrètement au tribunal pour donner notre contrat à
la greffière : c'est vrai, nous aurions pu... Mais à nos
yeux, cela n'aurait pas eu de sens et du coup, bien peu d'intérêt
et de place dans notre vie. Non ! Nous voulions donner à ce Pacs
une autre dimension que des considérations matérielles
et des avantages fiscaux. Nous voulions dire notre amour devant nos
proches - familles et amis et affirmer que notre relation peut être
féconde à sa manière, qu'elle peut contribuer à
construire la société et l'Eglise dans lesquelles nous
vivons.
Nous sommes toutes les deux issues de familles très croyantes
et pratiquantes et notre foi est bien ancrée en chacune de nous.
Il nous était donc inconcevable de ne pas nous placer sous le
regard de Dieu. C'est pourquoi nous avons souhaité une célébration
chrétienne de notre Pacs, temps de prière et de recueillement,
entourées par les gens que nous aimons. Il était important
de le faire avec d'autres, de proclamer devant eux et avec eux, notre
joie. Cela participe du rituel. C'est par lui qu'on entre dans le sacré,
dans une autre dimension. Le rituel, c'est ce qui fait qu'un jour est
différent de tous les autres jours. C'est un passage, une transition.
En aucun cas, cette célébration n'était une fin
en soi. Elle n'était et ne doit être qu'une étape
(ô combien exceptionnelle !) qui nous ouvre sur le monde et sur
l'avenir.
Cette célébration a été l'occasion d'un
engagement spirituel fort. Témoignages, textes et chants se sont
succédés pour créer du sens : sens de nos vies
individuelles, sens de notre vie de couple, sens de notre différence.
Dieu était bien témoin de notre engagement ce jour-là,
présent dans tous les visages qui nous entouraient, mais aussi
dans l'amour manifesté par les absents pour qui cette célébration
était trop difficile à vivre.
Mais au cours de ce temps de prière et de partage, notre union
n'a pas été bénie. Seules nos médailles,
symboles de cet engagement, l'ont été. Autant rendre grâce
à Dieu du bonheur qu'il nous donne nous semblait essentiel, autant
la bénédiction de notre union ne l'était pas :
en tout cas, pas sous cette forme rigide et imposée du rituel
catholique. La bénédiction de nos médailles n'était-elle
pas un simple questionnement de Dieu ? « Si tu voulais bien...
».
Et si Dieu l'a bien voulu, il l'a sûrement fait... mais au moins
l'aura-t-il fait de son plein gré, sans que la religion des hommes
ne vienne interférer. Nous n'avons pas besoin d'avoir cette certitude.
Il nous suffit de savoir qu'il nous aime et de le remercier de cette
vie qu'il nous a donné de partager ensemble.
Bénédicte et Marie-Noëlle
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Avoir des enfants à deux plus deux
On parle depuis longtemps de familles
recomposées. Ici, il s'agit presque d'une famille surcomposée.
Un témoignage authentique appelle toujours l'attention et le
respect. Même si l'on n'approuve pas tout et si les innovations
humaines peuvent nous surprendre, elles ne présentent pas forcément
plus de risques que l'application simpliste de principes qui font partie
de nos habitudes (N.D.L.R.).
Notre histoire débute, comme il est assez habituel, par une
rencontre entre un homme et une femme : une belle amitié partagée
qui me donne, un jour l'envie de créer ensemble une famille.
David n'a que 23 ans (et moi 30 passés) lorsque je lui parle
de cette idée ; ma proposition le sidère. Son besoin de
paternité ne s'est pas encore manifesté. Il ne sait pas
du tout où il se situe dans un tel désir, mais il sent
qu'il faut dire oui là, ou alors jamais, car cette situation
a beaucoup de chance de ne jamais se représenter.
Mon désir d'enfant n'est pas récent, mais je ne veux
pas d'un bébé à tout prix. Je ne me sens pas capable
de créer un petit être sans papa. Ce serait prendre des
risques que je ne saurais pas gérer et de futures questions auxquelles
je ne pourrais pas répondre. Je veux avoir un enfant pour l'accompagner
à chaque étape de son existence et pour l'aimer, afin
de lui donner toutes les chances d'être un adulte équilibré
et heureux. La rencontre avec David va nous permettre de donner vie
à mon projet.
Sans nous presser, à partir de ce moment, nous allons nous
voir tous les deux très régulièrement; tantôt
chez l'un, tantôt chez l'autre, pour parler. Le but est d'apprendre
à nous connaître, échanger pour sentir si nous pouvons
aller dans le même sens auprès d'un enfant, savoir si nous
sommes aptes à dialoguer et à nous écouter, éléments
indispensables durant, au moins, le quart de siècle à
venir !
Sept mois plus tard, Lydie entre dans ma vie et simultanément
dans celle de David et dans notre projet commun. Nous reparcourons avec
elle toutes nos étapes, nos confrontations d'idées et
nos interrogations. Et elle adhère parfaitement à notre
cheminement ; David et elle s'entendent très bien. Nous pouvons
donc continuer à trois.
Nous débattons de divers thèmes : baptême, importances
éducatives, handicap, religion, pension alimentaire, rythme de
séjour chez le papa, etc. Quelques sujets nous demandent plus
de temps et de partage :
- La façon d'appeler Lydie. Nous pensons que, dans la société
dans laquelle nous vivons (et a fortiori celle où l'enfant grandira),
il y a des codes et un certain vocabulaire compréhensible par
tous. Il nous faut donc trouver un nom qui est représentatif
d'un certain statut auprès du petit. Les « Nounou »,
« Tara », « amie de Maman », ne conviennent
pas, les petits noms inventés ne feront pas écho chez
les cousines et les petit camarades d'école. Notre choix se porte
donc sur « Marraine ».
- L'organisation quotidienne demande toute notre attention car elle
nous semble primordiale. Nous ne voulons pas de nourrice car nous sommes
déjà trois à intervenir auprès de cet enfant
et nous avons envie de l'élever complètement. Or, si la
place d'un Papa et d'une Maman auprès d'un bébé,
comme d'un plus grand, n'est plus à créer, ce n'est pas
le cas de celui de la compagne de Maman, qui, lui, est à inventer.
Il est nécessaire que Marraine et bébé puissent,
ensemble, trouver et prendre leur place. De plus, ni David ni moi n'avons
le désir d'être père ou mère au foyer. Par
contre, Lydie aimerait beaucoup une activité plus centrée
sur la maison et les enfants. Aussi, après le congé de
maternité passera-t-elle à mi-temps.
- Nous prenons l'engagement de partir tous les quatre au moins une
semaine par an. Il nous parait important que nous vivions un quotidien
ensemble et que notre bébé ait son père, sa mère
et sa marraine sous le même toit au moment de ces vacances.
Conjointement à ces discussions, nous sommes convaincus que
l'enfant ne doit pas servir de « glisse-pilule » : les trois
familles doivent être au courant, avant le début de la
grossesse, de l'homosexualité de leur parent. Si la situation
est claire et acceptée sans souci chez Lydie et moi, ce n'est
pas le cas de David. Aussi va-t-il s'atteler à cette tâche
toujours ardue et plus ou moins douloureuse le plus vite possible car
nous sommes conscients qu'un environnement familial immédiat
n'est pas suffisant pour un enfant : il a besoin d'un cercle élargi
pour se construire, composé de grands-parents, d'oncles et tantes,
d'arrière-grands-parents et de cousins cousines.
Après une grossesse sans souci, notre bébé naît
le 19 février 1999 : elle s'appelle Maëlle.
David passe le congé de paternité chez nous : notre
apprentissage est commun ainsi que nos émotions d'ailleurs.
Notre vie s'organise bien, sans heurts, sans déchirements et
remplie de sentiments. Si bien que très vite, nous décidons
d'avoir un deuxième bébé : Eloïse naît
le 20 octobre 2000, juste vingt mois après Maëlle.
Bruno entre dans la vie de David trois mois après la naissance
d'Eloïse. Les enfants intègrent parfaitement « l'amoureux
de Papa » (comme dit Maëlle), et lui font une place auprès
d'elles proportionnelle à celle que Bruno sollicite petit à
petit. Au niveau des adultes, nous apprenons à nous connaître
et à nous apprécier mutuellement. Il y a assurément
de la place pour quatre autour des filles, chacun leur apportant des
choses différentes et complémentaires. Forts de cette
conviction, nous cheminons désormais à six.
Les enfants vivent chez Maman-Marraine ou chez Papa-Bruno. Nos rencontres
avec les garçons sont hebdomadaires au minimum, souvent multiples.
Les filles voient souvent chaque membre de leur famille. A certaines
occasions (Noël, baptêmes et enterrements), nous participons
tous ensemble à ces événements. Nous poursuivons
notre semaine commune de vacances six et les enfants adorent nous avoir
tous sous le même toit.
Notre famille ne s'agrandira plus. Nous sommes parfaitement heureux
avec nos deux petites filles. Puisse notre bonheur durer le plus longtemps
possible et aboutir à l'épanouissement de deux adultes
bien dans leur peau, fières de leurs richesse personnelles et
familiales.
Catherine et Lydie
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L'homosexualité dans la rue : pourquoi ?
Pour le spectateur non-averti la
marche de la Gay Pride (Fierté Homosexuelle) peut offrir l'image
bigarrée d'un carnaval. Il est vrai que les chars, les sonos,
les drag queens et autres folles dénudées rivalisent d'imagination
et de paillettes dans un but volontairement provocateur. Au-delà
des clichés qui peuvent choquer les adeptes du politiquement
correct, la Gay Pride est pourtant une commémoration, une manifestation
de visibilité qui a pour but la revendication du droit à
l'indifférence et à l'égalité des droits.
Une commémoration
La programmation de la Gay Pride le
dernier samedi du mois de juin n'est pas un hasard du calendrier. Les
homosexuels ont choisi cette date afin de commémorer les émeutes
dites de Stonewall.
En effet, l'histoire de la fierté gay trouve son origine à
New York en juin 1969. Ce jour là, comme souvent, le bar Stonewall
Inn est victime d'une descente de police. Les agents cherchent à
contrôler l'identité de la clientèle qui, hormis
son orientation sexuelle, n'a strictement rien à s reprocher.
Face à cette injustice les clients refusent d'obtempère
et se révoltent. Des centaines d'homos, se massent dan Christopher
Street aux abords du Stonewall Inn.
Plusieurs jours d'émeutes scellent d'une pierre angulaire la
volonté de la communauté homosexuelle : ne plus être
pourchassée au simple motif de son orientation sexuelle. A compter
de ce moment les homos ont rejeté la honte et se sont présentés
fiers de leurs différences... La Gay Pride que les américains
nomment Christopher Street Day (le jour de la rue Chritopher) vient
de naître.
Depuis, l'évènement est commémoré dans
la plupart des pays occidentaux. A New York près d'un million
de lesbiennes et de gays manifestent chaque année. A Paris, la
Gay Pride réunit près de 400.000 personnes alors qu'une
marche similaire est organisée dans les plus grandes villes de
France (Lyon, Marseille, Bordeaux, Montpellier, Nantes...).
Dans l'émission « Tout le monde en parle » Thierry
Ardison recevait Jack Lang. A la question provocante : « Si vous
étiez président combien de Gay Pride organiseriez-vous
chaque année ? » l'invité a répondu : «
Il n'y aurait plus de Gay Pride car l'homosexualité serait définitivement
acceptée ».
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Volontairement incorrect
« Pour vivre heureux, vivons
cachés ». Les homosexuels ont longtemps vécu dans
l'ombre de nos sociétés par peur du qu'en dira-t-on ?
Malheureusement, cette discrétion donnait libre cours aux «
lazzis et quolibets ». En choisissant d'apparaître au grand
jour et de revendiquer leur fierté ils ont bousculé les
préjugés et les idées reçues.
Lors des émeutes de Stonewall les gays bien installés
dans la société sont restés dans l'ombre. Ils pensaient
vraisemblablement avoir plus à perdre qu'à gagner dans
le combat pour la visibilité. Ainsi, ce sont les « folles
» et les travestis qui sont à l'origine du combat pour
l'égalité des droits.
Aujourd'hui encore, le côté bigarré et provocant
de la Gay Pride peut choquer les non-gays mais également certains
homosexuels qui ne comprennent pas forcément cette « exhibition
». Pourtant nous pouvons donner une explication simple à
ces extravagances. Par méconnaissance de nos différences,
une part de la société a peur de l'homosexualité.
Pourtant, elle est naturelle et certainement pas contagieuse. Le jour
de la Gay Pride les gays ont choisi de prendre le contre-pied des railleries
populaires. Certains d'entre-nous se montrent tels que la société
aime nous représenter. Cette faculté d'autodérision
démontre que nous ne sommes plus les victimes de nos «
agresseurs »... Volontairement, la Gay Pride est politiquement
incorrect.
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Une manifestation militante
La Gay Pride n'est pas seulement
une parade commémorative. Elle est également une manifestation
militante, une vitrine de la communauté gay citoyenne.
Lutter pour le droit à la différence c'est aussi et
surtout lutter pour l'égalité de traitement devant la
loi. Dans ce but des associations se sont constituées, des contacts
ont été pris avec les pouvoirs politiques et syndicaux.
Et une fois par an les homosexuels descendent dans la rue pour faire
avancer leurs revendications... A titre d'exemple, le vote de la loi
sur le PACS (Pacte Civil de Solidarité), doit beaucoup à
la mobilisation de la communauté homosexuelle lors de la Gay
Pride.
Nous avons toutes et tous des craintes au sujet de la différence
d'autrui. Au fil de l'histoire nos peurs se sont traduites par le racisme,
les guerres de religions... L'homophobie est une des réactions
de l'homme confronté à la différence.
C'est pour cette raison que j'ai accepté d'écrire ce
texte destiné à des lecteurs de la communauté protestante...
Une communauté qui mieux que toute autre peut comprendre le besoin
qu'ont les homosexuels de vivre librement et d'obtenir l'égalité
des droits... La Gay Pride est un outil dédié à
cet objectif.
Eric Seroul
Directeur du magazine BNEWS
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Un regard changé
Prenant à l'hôtel un
petit déjeuner avec ma femme, au cours d'un voyage récent,
j'observe un instant deux hommes d'âge moyen assis à une
table voisine, en train de boire un café et de déguster
un croissant. Rien de spécial dans leur comportement. Je me surprends
cependant à penser, involontairement : « Seraient-ils deux
homosexuels ? »
Quelques minutes plus tard, je fais part à ma femme de cette
idée sortie de mon inconscient sans que je le souhaite. Elle
aussi a vu ces deux hommes attablés et elle rejette mon idée,
les ayant entendus se parler d'un jogging à préparer !
Et elle ajoute : « En revanche, n'avais-tu pas remarqué
la semaine dernière, au restaurant à Palerme, ces deux
hommes placés en face de notre table... ? » Et je lui réponds
que si.
Il y a vingt ans, je n'aurais pas eu cette réaction spontanée
devant ce groupe, comme nous en voyage. De cette constatation je tire
la conclusion que, malgré moi, mon regard sur les autres a changé.
Pourquoi ? Ne serait-ce pas simplement parce qu'on nous parle partout
d'homosexualité, dans les media notamment, et qu'à la
longue, l'idée de la trouver souvent présente autour de
moi a fait son chemin.
Malgré tout, je suis surpris d'avoir senti naître en
moi un tel sentiment qui pourrait bien traduire un manque d'ouverture.
S'il m'avait fallu avoir telle ou telle conversation inattendue avec
ces deux hommes en les croisant au sortir de la salle à manger,
mon attitude aurait-elle été affectée par ce sentiment
?
Le phénomène de l'homosexualité se met à
susciter en nous une attention plus grande et la volonté d'accueil
peut s'en trouver heureusement accrue. C'est à condition que
notre regard se fasse autre de façon réellement positive.
Pour le petit épisode que je viens de relater, je me pose encore
la question.
Bernard
Felix
L'assomption
(1) psy
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Relecture du rapport sur Église et homosexualité
Le débat sur l'homosexualité
est aujourd'hui officiellement ouvert dans les Eglises luthéro-réformées
de France ! Si celui-ci intervient tardivement au regard du protestantisme
européen, il faut reconnaître aux instances de l'Eglise
réformée de France (pour parler de mon Eglise) le courage
d'entrer dans un débat réputé difficile. Et s'il
n'y avait, derrière, des attentes et des souffrances individuelles,
on pourrait déjà se féliciter du chemin parcouru.
Comment mieux mettre à l'épreuve notre dimension communautaire
; comment mieux vivre en actes notre profession de pluralité
et notre volonté de débat en interne et au sein de la
société ; comment mieux exercer notre tâche herméneutique,
notre élaboration théologique et éthique si ce
n'est à travers un champ d'expérimentation réel
où nos corps, nos appartenances, nos orientations, nos histoires
sont à ce point impliqués et imbriqués. Je me propose
ici de dire simplement quelques mots sur l'élaboration, le contenu
et les choix du document produit par le Comité Permanent Luthéro-Réformé,
en en pointant les présupposés idéologiques.
Entre ouverture et réalisme ecclésial
La configuration choisie pour ce projet
lui donne la forme d'un rapport de rapports le rapprochant davantage,
quoi qu'on en dise, d'une contribution pré-synodale que d'un
document de travail balayant large. Pour preuve, le choix restreint
des contributions en annexe, l'absence de parole donnée à
des homosexuel-le-s ou à des mouvements impliqués dans
la pastorale des gays et lesbiens, le silence sur l'histoire des débats
parmi les spécialistes chrétiens francophones, enfin une
bibliographie très orientée « psy ».
Si les annexes développent plus abondamment la chose, on peut
être fort déçu du traitement exégétique
de notre sujet. N'est-ce pas justement l'angle qu'il fallait approfondir
en débat avec l'aile orthodoxe, pour faire passer pédagogiquement
l'important renouvellement des interprétations. Pourquoi, par
exemple, passer quasiment par pertes et profits le récit de Sodome
et Gomorrhe alors que sa fallacieuse interprétation « sodomite
» a été d'un poids écrasant, jusqu'au XVIIIe
siècle, pour justifier la rigueur des législations anti-homosexuelles
et a marqué durablement les consciences ? Il vaut aussi la peine
de se demander pourquoi en invoquant l'altérité à
travers Genèse 1, on omet volontairement le second récit
de la création. Quant à l'anthropologie biblique comme
à la réflexion large sur la sexualité dans la Bible,
on reste sur sa faim : pas d'allusion aux passages sur l'érotisme,
la fidélité, l'attitude de Jésus, la liberté
paulinienne des enfants de Dieu... Le plus ambigu - et le plus grave
- me semble être l'impression laissée que le référent
biblique ne peut en rien nous aider en la matière. Comme si la
rigueur des textes et le décalage historique nous interdisaient
toute réappropriation contemporaine, toute herméneutique.
Symbole d'une crise de confiance en la « Bible, règle de
foi » et d'une inexpérience dans son usage herméneutique
appliqué à l'éthique.
Exit l'éthique, le droit, l'histoire
D'éthique justement, il n'est pas question, ici. Et nous sommes
tout de même en droit de nous étonner de cette révocation.
La question n'est elle pas affaire d'éthique personnelle, d'éthique
communautaire, d'éthique sociale ? Le plan adopté par
la commission Couple-Famille-Société (reprenant les trois
pôles « théologique, exégétique et
éthique, sans ignorer les dimensions psychologiques, sociologiques
et juridiques ») me parait en comparaison mille fois plus pertinent,
plus englobant, moins idéologique !
Car ici, manque bien sûr aussi une approche par le droit ecclésial.
L'une des questions est bien de savoir s'il faut inscrire et comment
la non-discrimination (quant à l'orientation sexuelle) dans notre
Discipline ? Les auteurs du document semblent plus soucieux de reconstruire
l'archéologie psychique du sujet individuel que de prendre en
compte la dimension historique, sociale et juridique de la matière
abordée. Comment d'ailleurs faire l'impasse de la discussion
avec l'argumentation socio-génétique d'un conditionnement
social négatif !
C'est que la vérité est ailleurs... dans la psychanalyse
! Celle-ci - après quelques réserves d'usage - apparaît
en fait comme l'élément central (matériellement),
déterminant (cf. la place qu'elle tient dans le texte et la bibliographie,
son débordement en un troisième chapitre psycho-sociologique)
et incontestable (alors que la Bible nous laisse dans le brouillard
exégétique). Voyez comment la « science »
freudienne et lacanienne tient lieu de vérité, volant
littéralement la place à l'approche théologique,
étrangement absente. Une vrai assomption ! Qu'on me comprenne
bien : l'apport psychanalytique en général, l'argumentaire
psycho-social d'un Tony Anatrella par exemple, doivent avoir ici leur
place. Et une place non négligeable. Mais comment ne pas porter
le même regard critique, historique, herméneutique sur
ces disciplines de sciences humaines ? Comment ne pas jauger et articuler
la force de leurs arguments à l'aune des autres champs du savoir
théologique ? Surtout, si l'on sait que la psychanalyse est devenue
aujourd'hui, chez nombre d'éthiciens et de théologiens,
l'argument principal et « moderne » justifiant les positions
conservatrices ! Et si l'on constate que parmi les psychanalystes eux-mêmes
toutes les approches ont pu être défendues.
Altérité et sexualité
Plutôt que d'évoquer l'aggiornamento
psychanalytique sur l'homosexualité, au lieu d'invoquer la notion
de sujet lacanien - qui ne nous aide pas vraiment en la matière
-, il aurait été plus profitable de travailler les notions
de bisexualité psychique, de choix d'objet narcissique ou non,
de déni de castration... autant d'apports qui nous aident à
penser la question. Sans oublier de mentionner les critiques, aujourd'hui
classiques, adressées à la psychanalyse : place accordée
à la sexualité, universalité de l'Oedipe, loi selon
Freud... Peut-être aurait-il fallu aussi - comme la commission
Couple-Famille-Société en a eu le courage, comme l'association
« David et Jonathan » nous y invite - affronter vraiment
la question de l'altérité dans son rapport à la
différence sexuée et dans son lien à l'orientation
sexuelle. Nous sommes là, avec aussi la question de la discrimination
sociale et légale, au coeur des vrais enjeux de notre sujet.
Arrêtons de tirer sur la corde ! Un document existe, produit
par nos Eglises, prétexte à ouvrir entre nous un large
débat. Prenons-le à bras le corps. Sans manquer les vrais
enjeux. En déployant une éthique de la discussion. Sans
jamais oublier celles et ceux dont on parle.
Joël
Geiser
1 Dans le sens psychanalytique d'une « naissance toujours
renouvelée ».
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Trois ouvrages
Trois destins hors du commun
Il est des vies dont le destin et surtout l'humanité nous
interpellent fortement
En voici trois exemples glanés au gré des étals
récents de librairies
Yves Congar
Yves Congar. Mon journal du Concile. 2 tomes. 1200 pages. Le Cerf.
2002.
L'ouvrage conséquent que
viennent de publier les éditions du Cerf n'est pas une biographie
(1).C'est le journal que le Père Congar , dominicain français,
tint pendant toute la durée du Concile Vatican II, de 1962
à 1965, mais aussi en amont, pendant la préparation
du Concile, et en aval, soit les suites de cet événement.
A ce Concile, le Père Congar est consultateur de la Commission
théologique.
Ce journal est le troisième du genre d'Yves Congar puisqu'il
publia antérieurement le Journal de la Guerre (1914-1918) et
le Journal d'un Théologien (1946-1956).
Dans ce journal, au jour le jour, Yves Congar évoque ses
rencontres, les débats conciliaires et ses réflexions
personnelles. On y retrouve tous les arcanes, les intrigues, les astuces
qui caractérisent toute assemblée appelée à
délibérer, tels nos synodes protestants, avec en prime
le poids de l'institution et de la hiérarchie. Les lecteurs
non-initiés, comme nous, pauvres protestants, sont impressionnés
par la valse des monsignori et des cardinaux évoqués.
C'est à vous donner le tournis !
La position, oh combien inconfortable ! du père Congar est
de rester toujours fidèle à son Église, tout
en y adoptant une attitude critique sans compromissions. Le tout,
avec un capital de santé bien déficient : « Aimer
Dieu de toutes ses forces. Je dois y être, puisque je n'ai plus
de forces. Sauf celles qu'il me prête juste chaque jour »
L'ouvrage a pour sous-titre : « Je marche pour que l'Eglise
avance ».
Yves Congar se fait ici l'écho de l'enthousiasme suscité
par la convocation de ce Concile par Jean XXIII, puis de la relative
déception de beaucoup de catholiques, suite aux atermoiements
et aux options de Paul VI : « Kung pense que le papa Paul VI
est très bon tant qu'il hésite, ce qui est son premier
mouvement ; mais ensuite, à la fin, il décide dans un
sens conservateur. Il est actuellement l'objet de grosses pressions
qui ont toujours un caractère politique, se référant
à la situation italienne. On lui fait valoir qu'en ce moment
les ouvertures (oecuménisme, collégialité, liberté
religieuse), favoriseraient le glissement à gauche et même,
avec l'évasion des capitaux, une crise économique en
Italie. D'où, chez le pape, des attitudes qui décevraient
les espérances soulevées par son début ».
Sur son Église Yves Congar déclare : « Je vois
le poids non dénoncé de l'époque où l'église
était seigneurisante, où elle avait un pouvoir temporel,
où les papes et les évêques étaient des
seigneurs, qui avaient une cour, protégeaient les artistes,
prétendaient à une pompe égale à celle
des Césars. Cela, l'Eglise ne l'a jamais répudié
à Rome. La sortie de l'ère constantinienne n'a jamais
été son programme... Je le crois à l'évidence,
Il n'y a rien à faire tant que l'Eglise romaine ne sera pas
sortie totalement de ses prétentions seigneuriales et temporelles.
Il faudra que tout cela soit détruit : et cela le sera ! ».
Et à propos du bilan de ce Concile : « A voir les choses
froidement, ce qui s'est passé est très grave. On a
reculé de plusieurs années. Les frères séparés
se sont remis à douter de nous... Le pape, qui est l'homme
de tous, a voulu donner satisfaction à tous. Mais, ce faisant,
il est apparu comme celui en qui on ne peut se fier totalement. Une
fois de plus, il n'a ni la théologie ni la structure intellectuelle
de ses gestes ».
Qu'il est beau ainsi de voir les lutteurs qui, jusqu'à leur
dernier souffle, se battent pour que la lumière déborde
les petites combines humaines et les crispations identitaires !
Anne Brenon. Les Fils du Malheur. Pèire Maury, berger d'exil
(1300-1311). Editions de l'Hydre. 2001. 280 pages. 19 euros.
Si le livre d' Anne Brenon sort
des presses, lui, n'est pas un de nos contemporains. L'ouvrage d'Anne
Brenon est le second volet d'une série intitulée les
Fils du Malheur (2). Cette saga, faite de romans historiques, relate
la fin du catharisme occitan, au travers de la vie d'habitants du
village de Montaillou.
Après l'évocation de l'existence de Guillelme Maury
l'Impénitente, c'est celle de son frère Pèire
qu'Anne Brenon retrace ici : un berger habitué aux transhumances,
un homme en un premier temps partagé entre ses souhaits, ses
désirs légitimes et sa foi, puis un ami et un défenseur
indéfectible des « bonshommes », alors que la traque
de l'Inquisition menace de toutes parts.
Les registres de l'Inquisition, scrupuleusement rédigés
et conservés, sont le vivier principal des faits, gestes et
croyances de tout ce petit peuple des contreforts des Pyrénées.
La qualité d'écriture d' Anne Brenon, son sens aigu
des choses humaines, son attachement irrévocable à la
cause cathare comme à la défense de ceux que les systèmes
autoritaires écrasent, font le reste. On trouvera difficilement
meilleure évocation des systèmes d'oppression des puissants
de ce monde, comme de la grandeur d'âme, parfois surhumaine,
de certaines de leurs victimes.
Ces pages sont consacrées à un homme hors du commun.
Elles le ressuscitent. Elles lui rendent justice et, au travers de
lui, à tous les humbles défenseurs des causes nobles
ou de l'honneur humain, dont l'histoire n'a pas gardé les noms,
ni évoqué la générosité, donc les
prouesses.
Ces pages font aussi la part belle aux derniers bonshommes cathares
: surtout Pierre Authié, mais aussi son frère Guilhem,
son fils Jaume, en attendant celui qui va clore cette belle série
: Guilhem Bélibaste. Elles relatent leurs faits et gestes,
plus encore leur dévouement indéfectible à la
cause de l'Evangile et le message qu'ils ont charge de transmettre.
Christophe de Ponfilly. Massoud l'Afghan. Celui que l'occident n'a
pas écouté. 300 pages. Le Félin et France Loisirs.
1998 et 2001.
Le onze septembre dernier, la
destruction du World Trade Center, en plein coeur de New York, projette
l'Afghanistan et les taliban sur le devant de la scène internationale.
Jusqu'à ce jour, les américains soutenaient l'Afghanistan
et les taliban pour deux raisons. Les taliban, moyennant indemnisation,
acceptaient la construction d'un pipe-line du Turkménistan
à la côte pakistanaise, via l'Afghanistan de l'ouest.
Par ailleurs, leurs exaction auprès de la population locale
hypothéquaient l'image et la cause de l'islam dans le monde,
ce qui ne pouvait que plaire aux américains.
Christophe de Ponfilly (3), journaliste et cinéaste, a été
légitimement l'admirateur du Commandant Massoud, le Lion ou
l'Aigle du Panjshir, homme avant tout, chef militaire charismatique,
mais par nécessité, inaccessible à la corruption.
Avec talent et sérénité, il tint tête aux
fanatiques de l'islam, aux nombreux chefs afghans gagnés par
la corruption et aux nations occidentales qui les ont toujours soutenus.
Notre auteur dira : « Ce jeune commandant a le génie
de la rencontre. Il sait, en écoutant intensément les
autres, manifester son intérêt pour les problèmes
qui touchent les paysans de la vallée, les mollahs, les combattants...
Il a la passion de l'organisation. Capable de dicter plusieurs messages
en même temps, de penser à une action future, de réfléchir
à ce qu'un tel lui a proposé, il ne laisse rien au hasard
et est omniprésent... Il interroge avec un calme qui semble
inaltérable et avec ce brin d'humour qui donne la mesure d'une
vraie intelligence ». Tous le perçoivent comme un ami
ou un grand frère. En souriant, il explique qu'il n'y a que
trois grades dans son armée : les moudjahidin (soldats), les
chefs de groupes et le commandant.
Contraint à être un homme de guerre, il est profondément
homme, c'est-à-dire, homme de paix. Christophe de Ponfilly
nous livre un reportage. Il n'est pas à proprement parler un
homme de lettres. Mais, suite au film qu'il a consacré au Commandant
Massoud en 1998, son récit nous permet d'approcher l'une des
figures les plus emblématiques de notre temps.
Pierre-Jean Ruff
Si vous me le permettez, mes
frères, je vous félicite pour tous vos succès
militaires. Je remercie, et nous devons tout le faire, le Tout-
Puissant qui, une fois de plus, nous a accordé sa grâce
et sa bienveillance. Il nous a donné une nouvelle chance
de servir notre peuple et de sauver notre patrie. Il n'existe
pas de meilleure mission que de sauver son peuple de ses oppresseurs,
d'hommes intolérants et éloignés de Dieu.
Nous nous battons pour la liberté. Pour moi, la pire des
choses serait de vivre esclave. On peut tout avoir : à
manger, à boire, de quoi se vêtir, un toit où
se loger. Si l'on n'a pas la liberté, si l'on n'a pas la
fierté, si l'on n'est pas indépendant, cela n'a
ni goût, ni valeur
Ahmad Shah Massoud
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Paroles de sincérité
Cueillez, coupez, faites vos gerbes
de vérités, respirez le parfum de ces fleurs de lumière,
mais ne vous enorgueillissez pas de votre moisson ! La modeste moisson
de vos frères moins heureux est de même nature que la vôtre
; ils emportent eux aussi pressés sur leur coeur, une provision
de vérités dont ils vont vivre.
Ne repoussez pas ceux dont la gerbe est moins riche, ne vous apitoyez
pas sur ceux qui n'ont pu saisir que de rares clartés, ne condamnez
jamais ceux qui, ignorant les soleils lointains clignotant faiblement
dans l'infini, ont jalousement saisi les rayons des planètes
prochaines, reflets trompeurs et blafards, vers luisants de la voûte
céleste, clartés de pauvres, de miséreux dont les
yeux n ont pas souvent le loisir de regarder au ciel et d'en sonder
l'infini profondeur.
Ne condamnons personne au nom d'une vérité que nous
ne possédons pas nous-mêmes : songeons seulement - si notre
moisson est riche - que notre richesse spirituelle nous crée
de plus grands devoirs. Plus de dogmatisme ! Plus d'autoritarisme !
Plus d'exclusion ! Plus de dénonciation pieuse !
Si, dans nos églises chrétiennes, nous étions
moins sûrs de posséder la vérité, croyez-moi,
nous nous aimerions davantage et nous serions plus près du Christ.
Etienne Giran
haut de la page
sommaire du N°
Courrier des lecteurs
A propos de l'éditorial d'octobre
dernier : « Pouvoir et autorité dans les Églises
».
Une remarque sur ce bon article de quelqu'un qui a vécu ce
métier difficile et admirable. Etre pasteur de la fin du 2°
millénaire entre d'une part cette merveilleuse mutation de la
pensée qu'ont pulsé l'étude des textes, les découvertes
archéologiques, l'évolution des théologies... et
d'autre part le traditionalisme des fidèles aux souvenirs de
leur pieuse enfance, des comportements ancestraux... est une gageure...
Il serait bon de rappeler que ce qu'on traduit par autorité
est le mot grec « exousia » qui a le sens de liberté...
Ce qui a frappé les gens de l'époque de Jésus,
c'est sa liberté de parole. Or les scribes et les pharisiens
ne pouvaient supporter cette liberté de parole de ce gars du
peuple, même pas diplômé du Temple ! Celui qui parle
avec liberté comme Socrate, Platon ou Jésus... a de l'autorité,
si ce qu'il dit correspond au besoin, au sentiment profond, à
la conscience de la vérité... des auditeurs. Il serait
bon que les paroissiens reconnaissent la liberté de parole qu'a
reçue leur pasteur, et qu'ils usent de la même liberté
de parole avec lui et entre eux, fraternellement.
Je demandais à un formateur de commando de la Légion
: « Que faut-il pour avoir de l'autorité ? » - «
D'abord aimer les hommes »... C'est pour cela que les protestants
persécutés, brimés... se sentaient tellement unis
et trouvaient en eux les ressources incroyables qu'on leur reconnaît.
Les gens d'église ont les pasteurs qu'ils méritent...
Il n'y a pas ici une accusation, seulement l'espérance d'un moment
où il y aura besoin « d'honorer la condition d'homme »,
comme le dit P. J. Ruff. Alors, il sera possible d'honorer ce petit
juif, professeur de « liberté de parole », qui nous
paraît si entraînant.
Hugues Vertet
Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)
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