La perte de sens, lopacité
de lavenir, la dilution des idéologies dans léconomique
alimentent un malaise général dans les sociétés
occidentales. À linstar des cadres,enseignants, médecins,
les pasteurs sont touchés par ce problème. Ce malaise
est accentué ici par des questions touchant la relation quil
y a entre les pasteurs et les conseils presbytéraux. Questions,
conflits, difficultés, défis de tous ordres sont à
gérer tout au long dun ministère pastoral auquel
la progression de lindifférence religieuse ou lintérêt
pour dautres religions ont fait perdre du prestige. Mais
ces problèmes réels, signes dune mutation de la
société, de lÉglise et du ministère
pastoral, peuvent être dépassés précisément
dans le cadre du ministère qui nest pas un métier
même sil nécessite du métier !
Lexercice du ministère est avant tout réponse
à un appel de Dieu. Il est vocation par excellence dans laquelle
le ministère de lÉglise et celui du pasteur puisent
la source du sens. Annoncer la Bonne Nouvelle est toujours quelque chose
dextraordinaire. Cette annonce se dit, se communique, se vit dans
la variété : cultes, visites, études bibliques
et théologiques, prière, catéchisme, etc. Autant
dactivités qui permettent aux charismes des uns et des
autres de sexprimer pleinement auprès de populations très
diverses.
Ce ministère-là ne peut que sexercer
dans le partage et la complémentarité. Aussi dans lémerveillement
de la grâce annoncée, partagée. La vocation doit
permettre aux ministres de dépasser leur malaise.
Si ce malaise peut être apaisé dans le recentrage
des fonctions et dans le rappel de la vocation, il nen demeure
pas moins que des aspects techniques de lexercice des ministres
peuvent être revus.
À quoi correspond aujourdhui le genre de
vie dun pasteur ? Diplômé du supérieur, au
service dune vocation qui le mobilise au moins 70 heures par semaine
comme le soulignait un professeur de théologie ,
le pasteur « profite » davantages en nature
pas toujours très avantageux puisquil sagit principalement
du logement dont létat et la situation sont extrêmement
variables dune paroisse à lautre. Quant à
la feuille de paye, elle est proche du SMIC. Deux conséquences
graves : les conjoints de pasteurs travaillent de plus en plus souvent,
ce qui nuit gravement à la mobilité du corps pastoral
et au pourvoi des postes isolés. Ensuite, le pasteur a du mal
à assurer sa formation continue compte tenu du prix des ouvrages
de théologie, philosophie, sociologie quil doit travailler
et avoir chez lui. Il est vrai que des bourses de livres et des aides
locales peuvent atténuer ce problème.
Langage convenu et langue de bois, dans ce domaine comme
dans dautres, deviennent insupportables. Dire par exemple que
les salaires des pasteurs sont les mêmes pour tous est tout à
fait vrai sur le papier mais faux dans la réalité. La
variété des paroisses, leur taille, le nombre de foyers,
leurs activités ne mettent pas du tout les pasteurs dans des
situations de travail équivalentes. Quel est léventail
exact du salaire horaire dun pasteur ? Autre question gênante
: pourquoi tant dabandons temporaires ou définitifs du
ministère pastoral ?
En fait poser les questions du ministère pastoral,
cest poser la question du fonctionnement même de lÉglise.
En pleine révolution des médias et des transports, le
ministère de lÉglise et de ses serviteurs doit sûrement
évoluer rapidement et profondément sous peine dune
fossilisation de notre Église. Réfléchir aux découpages
géographiques des régions et des postes pastoraux, aux
moyens donnés aux ministres semble une nécessité
absolue. Rendre obligatoire la formation et le suivi des ministres est
impérieux. Créer un corps de ministres « laïcs
» formés, reconnus et aidés financièrement
est une question quil ne faut pas éluder. Dans ce cadre,
le régime presbytérien-synodal est peut-être lui-même
à revoir. Ici la question est : avons-nous vraiment la volonté
de changer ?
Vincens
Hubac