On le qualifie souvent
de journaliste, mais là n'est pas son premier métier.
Il est d'abord, en effet, médecin, mais c'est le côté
social qui touche le jeune médecin.
Théophraste Renaudot, né à Loudun,
huguenot (il abjure en 1628), observe les conséquences des guerres
de religion : morts, misère des campagnes, destructions des villages,
disettes, épidémies, etc. Il choisit d'étudier
la médecine à Montpellier, mais c'est la détresse
morale et matérielle auxquelles il va s'attaquer.
Installé
à Paris, Théophraste Renaudot fonde en 1629 un Bureau
d'adresse, où sont rassemblées toutes les informations
concernant achats, locations ou ventes. Pour faire connaître ce
Bureau, Théophraste fait imprimer une feuille volante de «
petites annonces », distribuée à coût très
modique par des colporteurs. En 1636 ce sera le premier Mont de piété,
puis le premier « hôtel des ventes ». Théophraste
n'en oublie pas pour autant son métier de médecin, et
va jusqu'à créer des consultations par correspondance,
des consultations pour les « pauvres malades », et ouvre
le premier dispensaire en 1640.
Pour toutes ces initiatives Théophraste Renaudot
bénéficie de la protection du roi et de Richelieu, qui
l'aideront toujours, notamment lors de la parution de la « Gazette
». Théophraste en effet s'est inspiré des «
Nouvelles ordinaires de divers endroits », feuille d'information
de ses deux fondateurs, Jean Martin et Louis Vendôme, sortie pour
la première fois en janvier 1631, pour publier en mai 1631 sa
propre publication : la « Gazette » est née, son
titre venant de « gazetta », pièce de monnaie italienne
que coûtait une même sorte de feuille volante à Venise.
Si Théophraste Renaudot n'est pas le créateur du premier
journal, il est sans doute le premier à avoir imaginé,
et écrit, une sorte de charte éthique du journalisme ;
il a su expliquer en outre la différence essentielle
entre le travail du journaliste et celui de l'historien, le premier
travaillant dans l'immédiat et l'actuel, le second s'efforçant
d'expliquer un fait. Théophraste Renaudot écrit : «
Guère de gens possible ne remarquent la différence qui
est entre l'Histoire et la Gazette, ce qui m'oblige de vous dire que
l'Histoire est le récit des choses advenues : la Gazette, seulement
le bruit qui en court. La première est tenue de dire toujours
la vérité. La seconde fait assez si elle empêche
de mentir. » Aujourd'hui on ne peut que saluer la conscience du
médecin-journaliste, son efficacité à trouver toutes
les informations via les courriers de la Poste royale, la cour elle-même,
ou encore les dépêches étrangères qu'il fallait
donc traduire. Au XVe comme au XXIe siècle la rapidité
est de rigueur, le travail de nuit obligé pour les ouvriers de
l'imprimerie de Théophraste qui compte trois presses pour sortir
au petit matin près de 1500 exemplaires de la Gazette de France,
puis Gazette nationale de France en 1792, pour redevenir Gazette de
France au XIXe siècle, avant de disparaître le 30 septembre
1915.
Marié en 1608 avec Marthe Dumoustier, huguenote,
qui n'abjurera jamais, Théophraste Renaudot sera père
de neuf enfants, dont Isaac et Eusèbe qui seront médecins.
Veuf, remarié en 1651, Théophraste meurt en 1653 ; il
est inhumé à Saint-Germain l'Auxerrois.
Pour perpétuer le souvenir de leur « patron
» les journalistes créent en 1925 le prix Renaudot, et
à Loudun, où la maison natale de Théophraste a
été transformée en un riche musée, la ville
a créé deux prix Renaudot : le Renaudot junior et le Renaudot
benjamin. Ainsi l'homme de lettres n'est-il pas oublié, mais
n'effaçons pas non plus l'homme de sciences et l'homme généreux.
N'oublions pas le huguenot dont l'abjuration reste, jusqu'ici, sans
sources sûres et seules quelques hypothèses peuvent être
émises : fatigue morale des incessantes guerres de religion ?
protection du roi et de Richelieu ? rencontre de catholiques dont l'action
généreuse le touchait, comme le père Joseph ? ou
simplement une sorte d'indifférence à toute forme de religion,
son abjuration n'ayant jamais été suivie d'une quelconque
réelle conversion, ni même daucune pratique religieuse
quelle qu'elle fût ? Gageons, s'il est possible, que le huguenot,
qui a abjuré, est resté relaps
Nicole
Vray