Profitant dune
nouvelle édition de cet ouvrage (Parler de Dieu, nouvelle édition
revue et augmentée, Van Dieren éditeur, Paris, 2004),
lancien professeur de théologie précise son propos
: parler de Dieu dans notre société de plus en plus sécularisée,
en proie au doute et à lincertitude, cest parler
dun Dieu qui « paraît de plus en plus problématique,
contestable, évanescent ou absent. Nous nous demandons parfois
avec angoisse : se trouve-t-il encore quelque part et, si oui, que faire
pour quil nen soit pas délogé?»
Parmi les sujets de doute et dincertitude à
lorigine de la remise en question radicale dune façon
traditionnelle de parler de Dieu, on pourrait citer la question des
origines du monde que lon peut poser aujourdhui indépendamment
de lexistence de Dieu ou celle des écrits bibliques,
dont on connaît de nos jours le « caractère humain,
contingent et culturel ». Ce ne sont pourtant pas ceux-là
qui inquiètent le plus André Gounelle, qui ne craint pas
de « mettre en questionnement le questionnement lui-même
». La vraie difficulté tient davantage à ce que,
aujourdhui, parler de Dieu signifie parler de quelquun qui
se dérobe devant nos pas : « Dieu est toujours en même
temps avec et devant nous, tout proche et très loin. »
Autant il était facile de parler de lêtre divin à
une époque où lon ne doutait point de lendroit
où pouvoir le trouver (au ciel, dans la nature, dans son for
intérieur
), autant il est difficile de parler dun
Dieu qui a décidé de mettre les clés sous la porte
pour sen aller « ailleurs que là où je le
place et le perçois ». Même la Bible peut servir
de prétexte à localiser Dieu, comme le fait une certaine
scolastique protestante pour qui les « Saintes Écritures
» ne sont finalement quun oreiller de paresse permettant
de contourner le doute et lincertitude. Que le lecteur se rassure,
Gounelle reste sur ce point plus protestant que jamais. Sa confiance
au Dieu dAbraham demeure totale
à la condition de
préciser que, « dans la Bible, les révélations
divines qui se succèdent guident vers autre chose quelles-mêmes
» Il reste par ailleurs fidèle à la démarche
qui consiste à ne pas opposer systématiquement la façon
dont lhomme parle de Dieu à celle dont Dieu parle de lhomme.
Ou, si lon préfère, à ne pas différencier
radicalement parole divine et parole humaine comme la longtemps
prôné une théologie dogmatique fondée sur
la seule Parole de Dieu.
Rajouté à la première édition,
le deuxième chapitre du livre est à cet égard instructif.
Intitulé « Où trouver Dieu ? », son sujet
touche à la question capitale et particulièrement actuelle
de la Révélation. À la question « à
quel endroit Dieu se manifeste-il ? », André Gounelle distingue
deux types de réponses traditionnelles. Dun côté,
les spiritualités de la sagesse se refusent à faire une
coupure entre la vérité divine et la réalité
du monde : « Dieu se perçoit dans ce que nous vivons et
expérimentons. » Même si Dieu est présent
en tout lieu, cest au fond de son âme que lhomme peut
le mieux le percevoir et, du coup, parler de lui. De lautre, les
religions de type sectaire (au seul sens sociologique du terme) affirment
au contraire quil y a rupture et antinomie entre Dieu et le monde
: la vérité ne se trouve pas en nous mais extra nos selon
la formule de Luther. La conviction dAndré Gounelle est
de croire possible la synthèse entre ces deux approches que tout
oppose en apparence, sinscrivant ainsi dans la lignée dun
Alexandre Vinet et de sa distinction entre Évangile intérieur
et Évangile extérieur ; ou encore dans celle dAlbert
Schweitzer qui affirmait que le « christianisme ne doit pas se
référer seulement aux révélations historiques,
mais aussi à la révélation intérieure qui
leur correspond ». Et comme rien ne vaut une bonne histoire, le
chapitre se termine par un conte où le rôle de la parole
intérieure est confié à la Belle au bois dormant,
et lextérieure à son prince charmant.
Geoffroy de Turckheim
André Gounelle, Parler de Dieu
Nouvelle édition revue et augmentée,
Van Dieren Éditeur, 2004. isbn 2-911087-48-8, 160 pages,
22 €
Nicole
Vray