Les textes bibliques
reflètent le vocabulaire et la culture de lépoque
qui les a vus naître. Cest dailleurs le cas de tous
les textes, y compris celui-ci. Pour ce qui est de la Bible, il sagit
de cultures qui distinguent très fortement la place de la femme
de celle de lhomme dans la société. Dès le
départ, lhumanité est sexuée et constituée
dhommes et de femmes, si différents quils ne sont
même pas créés simultanément. Ainsi il y
eut un temps, même bref, pendant lequel lhomme existait
sans la femme, au moins pour le texte de la Genèse. La signification
est claire (trop claire), lhomme na pas besoin de la femme
pour vivre. Ainsi Dieu est mâle, puisquil subsiste aussi
seulement par lui-même. On lappellera donc Père.
De nos jours, la réflexion sest épanouie
dans un sens plus large, prenant en compte la réalité
biologique dune espèce humaine sexuée. Ainsi, il
devient possible, voire nécessaire, dappeler Dieu, Mère.
Cest une lumière nouvelle sur toute la pensée.
Dans une première étape, il convient de
relire lensemble pour y débusquer ce qui nest que
le produit dune culture «patriarcale» et le distinguer
de ce qui est vérité permanente et indépendante
de la culture. Cela peut conduire au vertige quand on saperçoit
que ce qui reste devient évanescent; tout ne serait-il que le
produit de cette culture?
Dans un second temps, il devient éclairant dexprimer
ce qui demeure dans le langage de lautre genre. Ceci conduit à
une lumière véritablement nouvelle et rafraîchissante
des anciens textes. Ainsi, les lectures féministes apportent-elles
une sorte de résurrection aux vieilles idées. Doit-on
sarrêter là?
Il me semble quun troisième temps simpose.
En effet, si lhumanité constitue une espèce
sexuée, lensemble du vivant ne se reproduit pas sur ce
mode. Il existe des reproductions par séparation (parthénogenèse)
ou encore des reproductions dans lesquelles un individu est tantôt
mâle, tantôt femelle, et la découverte probable de
vies extra-terrestres dans un avenir plus ou moins proche, nous montrera
peut-être des situations encore plus «exotiques».
Ce troisième temps serait leffort dun
discours au-delà du sexué, au-delà du Père
ou de la Mère. Sans aucun doute délicat, tant il est difficile
de sortir de ses habitudes de pensée.
Ce serait enfin la sortie véritable dune
compréhension anthropomorphique du divin.
Jean-Claude
Deroche