Les orgues de Cavaillé-Coll
quil aimait tant se taisent, la silhouette de notre vénéré
ami se lève. Sa voix claire et chaleureuse se fait entendre,
avec une aisance, une ampleur et une richesse de vocabulaire étonnantes,
du haut de la chaire de Charles Wagner dont il a été
lun des derniers catéchumènes. Le sermon au Foyer
de lÂme, vers les années 1950-1960, durait quarante
ou cinquante minutes. Lensemble des sermons regroupés
chaque année en février, autour dun même
thème, constitue une mine inépuisable dont il faudra
un jour publier une anthologie, en y joignant sans doute des extraits
de ses nombreux articles dans Évangile et liberté, dont
il était le président. Ces sermons-conférences
attiraient à la fois des libres-penseurs spiritualistes, des
israélites, des catholiques à la recherche dun
dialogue avec des protestants issus de toutes les paroisses de Paris
et dailleurs. Les retardataires trouvaient péniblement
une place sur les marches qui conduisaient à la tribune !
Chef
de file de la pensée libérale en France, Georges Marchal,
qui a été le pasteur dune seule paroisse pendant
un demi-siècle, na pas été accueilli comme
il aurait dû lêtre dans tous les milieux protestants.
Il ma confié une fois, sans aigreur, mais avec une pointe
de tristesse, quil navait jamais été élu
délégué à un synode national. Paradoxalement,
lhégémonie de la tendance barthienne au sein de
la théologie protestante de son temps la conduit à
apporter le témoignage de sa forte pensée et de son
immense culture classique en dehors du protestantisme. Conférencier
apprécié de lAlliance Française, sa parfaite
connaissance de langlais en a fait le représentant du
protestantisme libéral dans les hautes instances internationales.
Il me souvient davoir entendu Gabriel Marcel dire son admiration
pour Georges Marchal au collège théologique de Paris.
Jai entendu André Siegfried tenir des propos semblables.
Laudience de Georges Marchal a été considérable
non seulement parce que toute prise de parole de sa part était
un véritable feu dartifice verbal, mais aussi en raison
de la rigueur et de la clarté de sa pensée. Issu dune
famille de hussards noirs de la République, atteint dune
grave maladie pendant sa jeunesse, il sétait tourné
avec passion vers des études de théologie et de philosophie
approfondies. Il faut lire les quarante pages de la remarquable préface
quil a consacrée à la réédition
de Les religions dautorité et la religion de lEsprit
dAuguste Sabatier, son maître à penser ; ou encore
ses Essais sur la Fait religieux, précédés dune
lettre-préface dAlbert Schweitzer dont il partageait
la plupart des idées, comme le lecteur peut sen apercevoir
en lisant la belle introduction quil a donnée à
La Mystique de lapôtre Paul. Toutes les uvres de
Georges Marchal sont épuisées en dehors de son dernier
ouvrage Signes et Visages, un recueil de prédications où
il aborde le problème du mal. Ce beau livre est encore disponible
aux Éditions de la Cause.
Ami de Léonce de Saint-Martin et de Pierre Cochereau, Georges
Marchal, organiste et improvisateur lui-même, avait été
initié à la technique dorgue par Georges Migot.
Il aimait dire que la musique nétait pas sur la note
isolée, mais entre les notes, un rite perpétuel de passage.
Toujours disponible notre « pastoral ami », comme il se
désignait lui-même, était une personnalité
dune grande sensibilité, douée dune forte
capacité découte. Il ne négligeait aucun
des aspects de son ministère. Sa présence était
souriante et rassurante. Il a reçu à son domicile du
boulevard Beaumarchais un nombre considérable de visiteurs.
Comment ne pas lui garder une profonde reconnaissance, sans oublier
dy associer sa femme, le docteur Amélie Marchal. Dieu
a accordé à ceux et celles qui ont eu le privilège
de le connaître un courage à la mesure de leur chagrin.
Plus nous aurons du recul, plus nous comprendrons la place quil
a occupée dans le protestantisme français de notre temps.
par Philippe
Vassaux