M.-N.D. : Pouvez-vous expliquer en quelques
mots ce que sont Les Réseaux du Parvis ?
Lucienne Gouguenheim : Quatorze associations et groupes chrétiens
ont décidé en 1999 leur mise en réseau sous ce
titre. Elles sont actuellement plus de 40, issues le plus souvent
du monde catholique, et fort diverses, qui se reconnaissent dans lobjectif
de « permettre la liaison et laction de tous ceux qui
veulent des Églises plus radicalement engagées dans
la modernité » et pour cela de « promouvoir des
pratiques démocratiques dans les Églises et la société,
dexprimer la diversité des visages dÉglises
et de travailler au service de lÉvangile avec la richesse
de toutes les Églises, dans un vrai partage cuménique
».
Caricature protestante de l'époque
de la Réforme représentant le pape têtant
le sein d'une gorgone diabolique.
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Le réseau assure essentiellement la circulation de linformation
sur lactivité de ses membres, à lextérieur
et entre eux, en particulier par la revue.
Certaines associations se regroupent parfois sur un thème
dintérêt commun ; un exemple est celui de la laïcité,
qui a donné lieu à un colloque en 2003 puis à
la création de l« Observatoire chrétien
de la laïcité ».
Pour quelles raisons restez-vous dans lÉglise
catholique romaine ?
Le Réseau européen Église et liberté,
auquel nous appartenons, formule ainsi le défi majeur qui est
devant nous : « maintenir le message despérance
de lÉvangile dans un milieu hostile, tant social quintra-ecclésial
».
Dans le paysage religieux glo--bal de repli sur la piété,
le fondamentalisme ou lintégrisme, qui est autant celui
du protes-tantisme que du catholicisme, il existe des niches : celle
que nous tentons de construire « sur le parvis » ; celles
plus institutionnelles des mouvements réformés libéraux,
dont je me reconnais proche.
On sinscrit toujours dans une histoire : la mienne passe par
le Témoignage chrétien de ma jeunesse, Temps Présent,
le CCFD
NSAE est aujourdhui la communauté dÉglise
à lintérieur de laquelle je rencontre la pensée
libre, avec laquelle je me sens en harmonie ; elle privilégie
ce lien, pour moi essentiel, entre foi et politique, et donne la primauté
à la lutte contre linjustice : « la justice est
dans une large mesure la question de Dieu », disent nos amis
des communautés de base espagnoles.
Par ailleurs, lÉglise catholique occupe une position
de quasi monopole au sein de la société française
et lexpression de sa hiérarchie est souvent lue comme
unanimement catholique (et même chrétienne) : quune
parole différente, associée à une action, soit
présente en son sein, me semble aussi important.
Peut-on aujourdhui être catholique
et libérale ?
Il est des catholiques, dont je suis, pour qui la foi ne peut pas
être enfermée dans un carcan dogmatique. En sus des engagements
concrets communs pour rendre le monde plus juste, la réflexion
dune pensée libre, qui tienne compte des données
culturelles, est lintérêt majeur que je vois à
lcuménisme et plus largement au dialogue interreligieux.
La conception catholique de la hiérarchie nest-elle
pas un obstacle insurmontable à lévolution de
lÉglise ?
Linstitution est totalement bloquée par son choix dune
position intransigeante. Ceci dit, dans nos sociétés
sécularisées, où prédomine la culture
du réseau, il est difficile de brider la pensée autonome
: cest tout le sens de notre dénomination, « Nous
sommes aussi lÉglise »
Lucienne
Gouguenheim
Propos recueillis par Marie-Noële et Jean-Luc Duchêne
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