Tout a déjà
été dit sur la situation des banlieues et sur les événements
de début novembre. Rappelons tout de même ici que la volonté
politique de surveiller de plus près les trafiquants de drogue
et les dealers, na pas été bien perçue. Aussi,
le premier prétexte a été bon pour essayer de faire
des quartiers de banlieue en difficulté des zones de non droit,
en y semant la terreur. Les plus jeunes ont été placés
en première ligne, face aux forces de lordre, comme rempart
des commanditaires. En quelques nuits, les banlieues se sont véritablement
enflammées. Voitures, magasins, entreprises, écoles, ont
été incendiés. Les populations de ces quartiers,
en plus davoir perdu le peu de bien qui leur appartenait, nont
plus osé sortir de chez elles, nenvoyant plus, pour certains,
leurs enfants à lécole de peur que les violences
ne gagnent la journée
Très vite il y eut un effet boule de neige, débouchant
sur une revendication plus sociale.
Au milieu de ces événements la paroisse
réformée dAulnay et les autres communautés
religieuses (catholique, juive et musulmane) ont réagi très
rapidement, marquant leur opposition et leur volonté dun
retour rapide au calme. Un temps de prière interreligieux pour
le retour à la paix a prouvé cet attachement commun.
Les Sapeurs-Pompiers éteignent
l'incendie d'un bâtiment public détruit lors des
nuits d'émeute de Novembre 2005. Photo D.R.
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Le résultat des ces nuits a été linstallation
légitime dun climat de peur quil nous faut maintenant
dépassionner et auquel il ne faut pas laisser de prise. Les amalgames
sont tellement rapides ! La volonté des instigateurs était
justement celle là. Une casquette, une couleur de peau, une appartenance
religieuse, ou encore le fait dhabiter certains quartiers doit
faire peur, comme pour faire croire que tous les habitants sont responsables,
associables et irrécupérables. Or la réalité
est tout autre. À Aulnay comme ailleurs, ce sont essentiellement
des groupuscules de jeunes désuvrés qui ont semé
la panique. La majorité des habitants ont marqué leur
opposition à ce qui se passait. Alors que les municipalités
et les habitants déploient tant dénergie à
valoriser leurs quartiers, tout le travail accompli depuis des années
se trouve anéanti en quelques heures.
La peur vient toujours de ce que lon ne connaît
pas, ou pire, de ce que lon croit connaître. Les médias
en ce sens ont une grande responsabilité. Le manque de recul
face aux événements leur a fait croire quil sagissait
exclusivement dune révolte sociale, en stigmatisant particulièrement
les personnes issues de limmigration.
Aujourdhui il nous faut reconstruire, pas seulement
ce qui est matériel, mais dabord des hommes, des femmes
et des enfants mis à lépreuve. Il sagit de
leur redonner confiance en eux, et de restaurer la confiance dans ces
populations victimes. La mission de lÉglise réformée
est sur ce point très importante : établir des liens entre
les quartiers (« sensibles » et « favorisés
»), mais aussi et surtout, entre les différentes communautés
dans nos Églises. La première volonté devrait être
de rechercher léchange, le partage et la rencontre. Ce
nest quen connaissant réellement les gens, en allant
vers eux, que nous savons véritablement ce qui les anime. Depuis
plus de trente ans la paroisse dAulnay a travaillé à
ce rapprochement, réunissant dans sa communauté des protestants
« historiques », des prosélytes mais aussi et surtout
des immigrés de première, deuxième et troisième
génération. Cette volonté de la paroisse de fédérer,
est commune à tous les paroissiens. Vivre avec lautre,
discuter, partager, nest-ce pas le seul moyen de faire tomber
les barrières que nous dressons entre nous et les autres ?
Aussi lÉglise doit se sentir un devoir de
rapprocher les populations pour vaincre les peurs. Elle doit être
un lieu de rencontre fraternelle, où lautre ne sera plus
« étrange ».
Isabelle
Lozeron-Hervé