Je lis toujours avec beaucoup dintérêt
votre bonne revue Évangile et liberté dont la liberté
de ton me plaît. Jaime beaucoup les articles (« Cahiers
») écrits par Spong. Toutefois je minterroge au sujet
de la page « En bref » (n° 194 de décembre 2005,
p. 11) rédigée par Claudine Castelnau, plus particulièrement
dans les colonnes consacrées à la Turquie (« Les
chrétiens turcs et lEurope » et « Nos racines
chrétiennes sont en Turquie »).
Madame Castelnau pense quil faudra accueillir la Turquie dans
lUnion Européenne lorsquelle respectera les
critères fondamentaux pour deux raisons : la valorisation
du statut des minorités chrétiennes, et le souvenir de
lorigine du christianisme dans ce pays, dit elle.
Sur la première de ces raisons, on observera que les chrétiens
sont en très petit nombre, face à une très grosse
majorité de 80 000 000 de musulmans. Sur ce critère, pourquoi
ne pas accueillir plutôt le Liban, dont la moitié de la
population est chrétienne ? Ce serait plus cohérent.
Sur la seconde raison, on observera que lorigine du christianisme
se situe davantage dans dautres pays, dabord en Palestine,
tout de même, et aussi sur tout le pourtour méditerranéen,
à Alexandrie, en Grèce, à Rome, et en Tunisie.
Une décision sur un sujet aussi complexe ne relèvera
certainement pas daussi faibles raisons, mais de motivations économiques
ou stratégiques et culturelles. Et puis, il faudra aussi écouter
la voix des peuples de notre vieille Europe, qui est très largement
hostile. Ce serait imprudent de forcer le passage. En fait la Turquie
est un pays de culture musulmane. Il me paraît clair que lIslam
pose un problème de cohabitation avec le christianisme, même
dans notre société dite « laïque ». On
ne fait pas une bonne politique avec de bonnes intentions, mais avec
du réalisme.
Jean-Robert
Charles, Les Agettes, Suisse
Je nai jamais écrit
que la Turquie devait entrer dans lUnion européenne pour
deux raisons : « La valorisation du statut des minorités
chrétiennes et le souvenir de lorigine du christianisme
dans ce pays », comme le prétend mon contradicteur ! Je
ne faisais que répercuter des appels de chrétiens turcs,
et pas des moindres, ceux du patriarche de lÉglise apostolique
arménienne, du vicaire apostolique (catholique) pour lAnatolie
ou encore de la Commission des évêques catholiques de la
Communauté, qui tous expriment leur appui à ladhésion
de la Turquie à lEurope. Tous rappellent aussi, et ce nest
pas inintéressant, que la Turquie, qui est toujours en demande
dadhésion, doit respecter pour cela les critères
dadmission à lUnion dont : légalité
du statut des femmes, la liberté dexpression et dassociation,
la liberté religieuse et un statut juridique pour les minorités.
Lamélioration des droits concédés aux 100
000 chrétiens turcs que réclame le patriarche de lÉglise
apostolique arménienne en Turquie fait donc bien partie des «
conditions préliminaires » dont je parlais. Et le fait
que les chrétiens ne soient quune infime minorité
dans un océan musulman ne change rien au respect quon leur
doit ! Je nai pas non plus écrit que « lorigine
du christianisme » se situait en Turquie, mais jai repris
une citation du vicaire apostolique parue dans les Nouvelles cuméniques
rappelant aux Européens qui lont souvent oublié
que « la Turquie fut pendant des siècles le centre de la
chrétienté ». Que mon correspondant soit hostile
à ladhésion de la Turquie, cest évident.
Mais, nous disent les représentants des Églises européennes
: « On ne peut invoquer dobstacle de nature religieuse au
fait quun pays à majorité musulmane veuille entrer
dans lUnion. » Leur position est à prendre aussi
en considération.
Claudine
Castelnau