Castellion est né en 1515
près de Nantua dans une famille de paysans. Il passe quelques
jours chez Calvin à l’époque où ce dernier,
ayant dû quitter Genève, est pasteur de la paroisse francophone
de Strasbourg (1538-1541). De retour à Genève, le Réformateur
l’appelle pour diriger le collège de la cité. Rapidement,
des tensions, d’ordre biblique et théologique, vont se faire
jour entre eux.
Quand
Castellion, en 1544, demande à être reçu comme pasteur,
la Compagnie des pasteurs refuse finalement cette reconnaissance et
cela sous la présidence de Calvin. Castellion démissionne
de son poste et gagne Bâle en 1545, la ville des humanistes. Il
vit là dans la misère jusqu’en 1553 où il
est nommé professeur de grec à l’Université.
Date décisive : c’est en effet le 27 octobre 1553 qu’a
lieu, sous la responsabilité de Calvin, l’exécution
de Michel Servet, brûlé pour hérésie à
cause, principalement, de son opposition à la doctrine de la
Trinité . Ce bûcher indigne et révolte Castellion
qui proteste vigoureusement par trois œuvres majeures.
D’abord, Le traité des hérétiques en 1553
: recueil de textes, même de Calvin, où les auteurs s’élèvent
contre la persécution des hérétiques. Castellion
montre que la Réforme se contredit quand elle les pourchasse
et les tue. Ensuite, Contre le libelle de Calvin écrit en 1554
; immédiatement censuré, il ne paraîtra qu’en
1612 après la mort de Castellion. Ce livre a été
traduit par le romancier suisse Étienne Barilier, avec une belle
introduction (Zoe, 1998). Enfin, L’impunité des hérétiques
de 1555. Castellion défend la liberté de conscience et
se fait l’apôtre de la tolérance. C’est dans
le deuxième de ces textes qu’il écrit : « Tuer
un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est
tuer un homme. » C’est là aussi que s’adressant
à Calvin, il l’apostrophe en ces termes : « Nous diras-tu,
à la fin, si c’est le Christ qui t’a appris à
tuer des hommes ? » La voix de Castellion a, en cette occasion,
sauvé l’honneur du protestantisme.
La traduction de la Bible
Castellion a traduit la Bible en latin (1551), puis en français
(1555). Cette traduction fut et reste un événement considérable.
Castellion opte en effet – et il est seul en son époque
à le faire – pour une langue courante, un « langage
commun et simple » et adressé au « simple peuple
», comme il l’écrit. On verra là, Calvin en
tête, un véritable sacrilège par rapport à
la majesté biblique. Il est vrai que cette langue vivante et
savoureuse est tout à fait remarquable. Par rapport à
nos versions actuelles en français courant, la traduction de
Castellion a quatre siècles d’avance.
Deux autres œuvres de Castellion
On peut citer encore Conseil à la France désolée,
publié en 1562 seulement et immédiatement condamné
par le Synode national des Églises réformées de
Lyon en août 1563. Castellion s’en prend là vigoureusement
aux catholiques et aux protestants qui lèvent des armées
ou prennent les armes pour des causes religieuses. Le choix de l’une
ou l’autre de ces deux religions doit être pour chacun absolument
libre.
Un autre ouvrage, capital, est son De l’art de douter et de croire,
d’ignorer et de savoir ; c’est sa dernière œuvre.
Éditée en 1953 seulement, elle a été rééditée
en 1996 par La Cause avec une remarquable introduction du pasteur Philippe
Vassaux. Ce livre fait preuve d’une grande rigueur et science exégétiques
; il annonce la méthode historico-critique, distingue la foi
des croyances, défend le caractère positif du doute. Exprime-t-il,
avant l’heure, un protestantisme libéral ? Incontestablement
oui. 
Laurent
Gagnebin
On peut lire sur le site
de Gilles Castelnau
une version beaucoup plus complète
de ce texte de L. Gagnebin avec, entre autres,
une présentation plus détaillée d’œuvres
de et sur Castellion.