Ces mages étaient
sans doute des savants, persans ou arabes, païens certes, mais
intéressés par le messianisme juif. Plus quintéressés
puisquils voulaient venir se prosterner devant ce Fils de lhomme
qui arrivait en ce monde. Létoile leur avait bien dit quil
venait de naître, mais ne leur avait pas dit où. Il était
en effet courant, dans la culture de lépoque, que la naissance
des grands personnages soit saluée par lapparition dune
nouvelle étoile. Les mages entreprirent donc le grand voyage
jusquà Jérusalem pour demander au roi Hérode
le lieu de la naissance du héros. Le roi, ne sachant pas, se
retourna vers les prêtres et les scribes. Ceux-ci savaient par
lÉcriture où le Messie devait naître, mais
ne savaient pas quand. Chacun disposait donc dune partie de lénigme,
mais insuffisante, à elle seule, pour trouver le nouveau-né.
Entre ceux qui savaient où, mais ne savaient
pas quand,
et ceux qui savaient quand, mais ne savaient pas où
.
Hérode fit une bonne communication entre les prêtres
et les mages de sorte que chaque groupe finit par disposer de linformation
qui lui manquait. Quoi de plus fructueux que cette concertation entre
les savants et les religieux ? Il semblerait que lEmmanuel ne
puisse être trouvé et reconnu quà travers
une mise en commun des connaissances, celles qui viennent de lobservation
de lUnivers et celles qui viennent des croyances transmises de
génération en génération.
Cependant les mages se précipitèrent à
Bethléem, tandis que les prêtres repartirent tranquillement
vaquer à leurs occupations. Nous voyons donc deux types de personnages.
Celui des religieux qui savent déjà tout
sur le Messie, le situent très bien grâce à lÉcriture,
mais préfèrent ne pas savoir quil est arrivé,
de sorte quils lattendent toujours, bien installés
dans le service du temple. Ils restent enfermés dans les murs
de Jérusalem, alors que Bethléem est à dix kilomètres
de chez eux. Ils ne veulent pas reconnaître que cest maintenant
quil faut se lever, prendre son bâton et aller à
la rencontre du porteur de lespérance du monde.
Au contraire, les autres personnages, les mages, situent
mal le nouveau-né, dans la culture juive comme dans la géographie
dIsraël. Ils ne savent pas très bien quel sera le
rôle de ce « roi des juifs », mais ils ont compris,
grâce à leur science profane que cétait maintenant
quil fallait réagir et entreprendre courageusement ce long
voyage, traverser le désert, pour rendre hommage et soutenir
ce petit dhomme qui apportera à lhumanité
le plus grand message damour.
Entre ceux qui savaient et ne bougeaient pas,
et ceux qui bougeaient sans trop savoir
.
Finalement, lenfant Jésus ne fut soutenu
que par les humbles, les bergers, et par les étrangers, venus
de très loin lui apporter les parfums et les douceurs de lOrient.
Je me demande si, dans notre religion chrétienne,
nous navons pas parfois ce réflexe de penser bien connaître
le Messie par lÉcriture et dattendre tranquillement
son retour du ciel, plutôt que daller aujourdhui à
sa rencontre et se laisser bousculer par ses exigences. Tant que nous
lattendons, nous ne sommes pas en retard. Mais ne serait-ce pas
lui qui nous attend à Bethléem ? Depuis si longtemps.
Saurons-nous marcher avec les païens, utiliser leur savoir, pour
retrouver ensemble celui qui voulait sauver le monde ?
par Henri
Persoz