Nous les croisons tous les jours sans les voir.
Ce sont des hommes et des femmes qui, après un problème
quils nont pas su résoudre, se retrouvent à
la rue et sy engloutissent jusquà perdre le respect
deux-mêmes.
Exclu
La grande pauvreté
entraîne lindividu dans une solitude tragique, une absence
de lien avec le monde, une dérive qui provoque un effondrement
intérieur : cest lexclusion.
Lanthropologie
néolibérale :
Libre, efficace, premier devant ses concurrents (et amis),
en bonne santé, jeune, « cool et relax », rapide,
lhomme moderne se « réalise » et réussit,
non sans fragilité, comme le montre les taux de divorces et la
consommation de drogue et dalcool. Il est manipulé, chosifié,
souvent dispersé dans un milieu lui-même éclaté.
Il est finalement le serviteur dune société de production
technique, matérialiste et impersonnelle.
« Libre » et seul, lhomme est en butte
à de nombreuses violences et confusions.
La société du plaisir est un mensonge :
elle crée du désir et de linsatisfaction, et connaît
de graves dérives : pollution, armements, violence. Des lieux
refuges sont détruits, tels la famille, lécole où
les « humanités » ne sont plus enseignées,
le sport où le dopage le dispute à largent, sans
parler de la politique
Quels repères dans une société
où règnent mensonges, non-dits et manipulations ? Confusion
du temps aussi marquée par limmédiateté et
le mélange des repères chronologiques. La compétition
à lécole, dans le sport, les loisirs, au travail
induit des comportements violents et des fragilités. Lhomme
moderne accompagne une évolution qui bouscule rites, repères
et modèles, ce qui explique en partie le drame de lexclusion.
Leffondrement intérieur
Lexclu nest plus un homme ! Il est un exclu,
un S.D.F., un clochard. Il nest pas un homme exclu ou un homme
sans domicile. Exclu ! Mot horrible dont létymologie nous
rappelle que celui qui est exclu est enfermé au dehors. Peu importe
les raisons : choc psychologique, blessure, chômage, deuil
Lexclu na pas su jouer la carte du libéralisme :
il a gâché ses chances. Lhomme exclu est culpabilisé.
Regards, police, administration lenferment et le rejettent.
Ruptures et pertes senchaînent désormais
: pertes des lieux familiaux, de lhistoire personnelle, des lieux-repères,
perte également du travail.
Rupture du temps par le mélange du rêve
et de la réalité. Hypertrophie de linstant car la
survie simpose avec force, pas de projets futurs. Les gens exclus
senfoncent dans la solitude et la peur.
La rupture identitaire et le rejet de soi sont le symptôme
final de leffondrement intérieur. La perte du sens de lhygiène
et de la dignité de son corps, perçu comme étranger,
expliquent beaucoup dinfections non soignées. Déviation
et appauvrissement du langage, sentiment dinutilité, mensonge
avec soi-même et les autres par peur de la réalité
expliquent, hélas, la consommation de drogues et alcool, les
maladies, les conduites violentes. Assailli par des peurs multiples
: peur du lendemain, de la police, des racketteurs
peut-être
peur de la vie et du bonheur, peur de lui-même, lhomme de
la rue souffre aussi de multiples problèmes psychologiques. Effondrement
intérieur jusquà une perception de soi déformée,
négative et suicidaire
Dans son enfermement lhomme
exclu est bien un résultat de lanthropologie néolibérale,
sa face cachée.
Face à une société qui idolâtre
une fausse liberté, la réussite et la puissance, il est
nécessaire de proclamer que jamais un être humain nest
une chose ou un esclave. Un être humain est toujours un être
de communication, de lien, digne damour, jamais un être
perdu.
Une théologie fondée sur lannonce
de la grâce et sur lexpérience est un des moyens
pour lutter contre lexclusion et toute forme didolâtrie
de la réussite.
Cest parce que le christianisme est un humanisme
quil peut sauvegarder la dignité humaine.
Vincens
Hubac