Homme douverture, disponible,
peu dogmatique, modéré mais très libéral
(il a refusé lunité des Églises réformées
de 1938), Louis Langlade (1903-1978) fut 34 ans pasteur à Montagnac
petit village à lest de Béziers. Homme de terrain,
mais aussi théologien, il prônait lunion et non pas
lunité.
En
désaccord avec Évangile et liberté dont la devise
était alors « Quils soient un » (Jn 17,22),
Langlade participait, dès sa création en 1936, à
LEsprit et la Vie, journal qui, animé ou soutenu par des
théologiens nettement minoritaires, souhaitait lindépendance
des paroisses libérales et refusait lcuménisme
intraprotestant.
Dans son mémoire de théologie à Montpellier,
il avait tenté de réconcilier le libéralisme théologique
de Jean Réville et Lirréligion de lavenir
dun Guyau. Langlade souhaitait que le protestantisme reste plus
proche de la mystique laïque que des stratégies ecclésiastiques.
En cela, il était fidèle à lidentité
exprimée par la Déclaration de 1912 des Églises
réformées de France (distinctes des Églises réformées
évangéliques) annonçant le libre examen, la méthode
scientifique et la recherche de réconciliation entre la pensée
moderne et lÉvangile. Comme pasteur, il était connu
pour ses orientations pacifistes et chrétiennes sociales. Il
faisait bloc avec ses paroissiens, tout en fréquentant les libres
penseurs.
Le libéralisme dalors, celui des W. Monod, A.-N. Bertrand
et dÉvangile et liberté, était en train dêtre
renouvelé par le symbolo-fidéisme (dont notre cartouche
exprime bien lessentiel en affirmant la primauté de la
foi sur les doctrines). Langlade préférait valoriser la
croyance, même si elle devenait pour lui un minimum : «
Dieu compris de façon non anthropomorphique » ! Le symbolo-fidéisme
dAuguste Sabatier avait le tort, selon lui, de créer une
ambiguïté : pour maintenir les dogmes anciens on leur donnait
en fait un sens différent
Dans une prédication (sur Jean 12,36) marquée par un
net concordisme, Langlade montrait que lélectromagnétisme
et lhistoire des religions fonctionnent comme des précompréhensions
naturelles à la foi... Dans son mémoire déjà
cité, il renvoie à Sir O. Lodge et Richet, surprenantes
figures à la fois rationalistes et parapsychologues ; et cela
pour dépasser lantagonisme entre linerte et le vivant,
réconcilier ainsi la matière et le spirituel.
Langlade avec Jean Richardot, alors pasteur dans les Cévennes
(frère du pasteur André Richardot, futur directeur dÉvangile
et liberté), organise dans sa paroisse héraultaise, puis
à Vauvert dans le Gard, une petite croisade ! Réveil libéral
qui mériterait dêtre comparé avec les fameuses
Brigades (orthodoxes) de la Drôme et de Gardonnenque.
Langlade a su se faire « tout à tous ». Sans doute
avait-il eu le sentiment dêtre un peu sur la touche quand,
dans les années 60, nombre de ses collègues organisaient
des camps de jeunes ou des tournées dévangélisation.
Des pasteurs, alors étudiants en théologie et qui durent
remplacer Langlade, mont raconté avoir trouvé ces
mots sur un carton dans la chaire du temple villageois : «Pas
de christomanie, mes amis » !
Confectionnait-il sa propre liturgie ? Sans doute nemployait-il
pas la formule trinitaire pour les baptêmes préférant
baptiser au nom de Jésus-Chist, comme le fait Pierre selon les
Actes des Apôtres (2,38)
Un vrai libéral est souvent inclassable. À sa retraite,
il nhésitait pas à assister à des réunions
pentecôtistes ou de lArmée du Salut tout en participant
régulièrement au culte du Foyer de lÂme ou
à celui de lOratoire à Paris ; il était ouvert
à la dimension mystique du christianisme. « Beaucoup plus
que les pasteurs qui lont suivi, cest lui qui ma appris
à prier ! », remarque Sur Danielle, supérieure
de la communauté protestante de Pomeyrol, qui la eu comme
pasteur et père spirituel.
« Il est toujours plus modeste que le plus modeste de ses paroissiens
», a-t-on pu écrire de lui.
par Michel
Jas