D’origine araméenne, ce mot si commun, attesté en hébreu, syriaque et arabe, évoque la fermeté, la fidélité (Es 65,16). Dans l’Apocalypse, le Christ est identifié à l’amen (Ap 3,14) ; et « tout le peuple dira amen ! » (Dt 27,15 ss). Sous la forme adverbiale, il confirme la parole entendue (Ps 41,14). Il est présent dans toutes les liturgies des Églises d’Occident et d’Orient. Pour Paul, « c’est par le Christ-Jésus que nous disons amen à Dieu pour sa gloire » (2 Co 1,20). À l’origine, il est probable que l’amen était lancé pour signifier que tout était en ordre, que le camp pouvait être levé, les bêtes en ordre de marche. Pourtant ce mot, si riche de sens, est utilisé de manière si routinière qu’il n’interpelle plus. Kiekergaard l’a bien vu : « Qu’il est rare de pouvoir tout à fait dire amen dans une prière » et encore : « Dire amen, de sorte que l’on n’a plus un seul mot à ajouter, le seul mot qui satisfait et rassasie. » Cette attitude implique que l’on a épuisé notre prière, qu’on a vidé son cœur, devant Dieu et en pleine transparence, humble et confiant. La prise de conscience de notre impuissance à trouver les mots qui pourraient remplir les vides de notre prière, publique ou privée (Mt 6,6), oriente tout naturellement vers le Christ, l’amen par excellence. « Je sens bientôt le besoin de ne plus dire un seul mot sinon cet amen ; car je suis accablé de reconnaissance envers la providence pour ce qu’elle a fait pour moi. » (Kierkegaard) Il faut avoir vécu, auprès d’un être aimé, les dernières heures lorsqu’il n’y a plus d’espoir, à vues humaines, que tout a été dit, que c’est l’heure de Dieu, que tout est en ordre pour le départ, pour sentir tout le poids de ce mot… Il nous faudra retourner vers les hommes, multitude et désert à la fois, vivants, porteurs de joie et d’espérance, de gratitude aussi. 
Camille
Jean Izard
