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Sea of Faith, la théologie « radicale » anglo-saxone

  Le prêtre anglican Don Cupitt a déclenché en Angleterre dans les années 1980, par des émissions télévisées, un mouvement passionné de renouveau théologique. Il y faisait remarquer que la plupart des évêques, des prêtres et… des gens ordinaires, ne croyaient plus comme avant, ne prenaient plus la Bible à la lettre, ne respectaient plus vraiment la hiérarchie ecclésiastique et boudaient le surnaturel. Le mouvement « Sea of Faith » (mer de la foi) était né. Sa dénomination provient d’un vers tiré du poème Dover Beach de M. Arnold (1822-1888).

  Des centaines d’associations et de sites internet se sont constitués dans le Royaume Uni, en Nouvelle Zélande, en Australie et au Canada, rejoignant l’important réseau internet Progressive Christianity, né aux États-Unis, qui promouvait la théologie du Process et le libéralisme inclusif.

  De nombreux théologiens, pasteurs de paroisses, journalistes de la grande presse s’y reconnaissent et y collaborent : Lloyd Geering en Nouvelle Zélande, Anthony Freeman et Tony Windross en Angleterre, Greg Spearritt en Australie et tant d’autres.

  Les membres de « Sea of Faith » disent prendre en compte sans contrainte la manière de penser nouvelle de nos contemporains. « Nous n’oserions plus prétendre que notre religion est la seule vraie ou que la politique de notre pays est la seule juste et nous ne comprenons même plus comment nous avons pu avoir naguère l’arrogance de le penser ».

  Nos doctrines et nos pratiques religieuses, disent-ils, ne sont pas des révélations émanant d’un monde surnaturel. Elles sont des élaborations humaines répondant aux besoins et aux convictions d’une certaine époque et on doit aujourd’hui les repenser et les adapter à notre monde.

  Nos Églises implosent mais notre spiritualité est créatrice. Aucune Vérité immuable ne peut nous interdire d’ordonner ou de marier les homosexuels, d’abolir le sacerdoce, d’élaborer de nouveaux rites ou d’en abandonner. Nous pouvons féminiser l’image que nous nous faisons de Dieu et la repenser pour lui faire exprimer nos valeurs actuelles de compassion et de paix.

  Une nouvelle spiritualité détournera nos pensées d’un salut surnaturel dans un au-delà douteux et nous invitera à accepter la vie telle qu’elle est vraiment en cessant d’en créer une image impossible qui ne peut que nous rendre coupables et malheureux.

  Notre attitude sera novatrice, s’efforcera de donner sens à la vie et contribuera à construire un monde plus humain au lieu de répéter des affirmations immuables et des commandements descendus sur terre d’un audelà lointain.

  Nous ne pouvons pas voir Dieu, fait remarquer Cupitt, ni le décrire autrement que dans les limites de notre compréhension humaine. Les formulations doctrinales et éthiques ne correspondent à rien de « réel » dans l’au-delà.

  Cette manière de penser n’est autre que celle de nombreux mystiques pour qui la foi n’est pas un enfermement dans le cercle limité de certitudes fondamentales mais la plongée assumée dans le vide d’une radicale ignorance.

  Les membres du réseau Sea of Faith, en se disant « non-réalistes », reprennent en fait le vocabulaire de la scolastique du Moyen-Âge : les images véhiculées par le langage religieux n’ont pas de « réalité » en ellesmêmes. Dieu, le diable, le ciel, l’enfer, le bien, le mal, la vérité, la beauté n’ont pas d’existence métaphysique « réelle » mais sont des constructions de l’esprit humain.

  Aucune vérité religieuse ne peut être considérée comme absolue. Ainsi la foi au Christ a été vécue et exprimée dans les structures de pensée et de langage du monde juif du Ier siècle. C’est donc tout naturellement que l’on a dit de lui qu’il était l’Agneau pascal vainqueur des puissances de la mort, l’Agneau du Yom Kippour qui ôte le péché du monde, le Fils de l’Homme qui viendrait sur les nuées du ciel inaugurer la fin des temps, le Serviteur souffrant du Second Ésaïe qui devait souffrir et mourir pour sauver les hommes.

  Ce langage était inconnu en dehors de la culture juive et n’était donc ni universel ni éternel, ni « réaliste ». Il ne doit pas être interprété littéralement.

  Demandons-nous seulement dans quel langage la même foi au Christ aurait été transcrite si le Christ était apparu au Royaume Uni à la fin du XXe siècle et non dans la Palestine du Ier siècle. On n’aurait évidemment pas utilisé les mêmes images !

  On peut faire la même remarque à propos du langage des credo de l’Église élaborés aux IIIe et IVe siècles dans le monde hellénistique. Aujourd’hui où nous n’avons plus la notion d’un univers à trois étages, nous ne dirions plus que le Christ est descendu du ciel sur la terre, qu’il est descendu au séjour des morts, qu’il en est remonté et qu’il est finalement remonté au ciel. Un tel langage marqué par son temps n’a rien d’éternel. Les credo ne fixent pas la vérité immuable de Dieu, ils reflètent seulement l’expérience qu’en leur temps certains ont fait de cette vérité. On ne peut parler de « réalisme ». Si l’on veut pouvoir dialoguer avec nos contemporains dans le monde postmoderne qui est le nôtre, il nous faut tenir compte de ces évidences.

  Le « non-réalisme » ôte nos fausses certitudes, dévoile un monde sans Origine claire, sans Jugement dernier définitif, sans valeur absolue ni vérité indiscutable. Il permet toutes les interprétations que nous pouvons désirer. Et c’est alors que le monde peut devenir pleinement lui-même, brillant et ouvert à notre imagination. La lumière et la beauté sont le « réel du monde ».

Je crois à la force créatrice agissant en toutes

choses et en l’interdépendance de tous les peuples

et de la création. Et je crois que c’est l’esprit qui

donne son énergie vitale à tout ce qui existe.

J’aime la vie qui anime toutes choses et je crois en

elle.

Je crois en la puissance infinie de l’amour, du pardon,

de la compassion et de l’espérance.

Je crois qu’il faut lutter contre les forces négatives

de la méfiance, de la jalousie, de l’intolérance et de

l’impatience afin de promouvoir la justice et le fairplay.

Je crois au bonheur de chaque être humain à être

accepté tel qu’il est et à sa liberté de pouvoir être

lui-même.

Je crois au pouvoir de la musique, de l’art, de la

littérature, de la création et du dialogue entre les

humains pour éveiller le sens du divin.

Je crois que dans la tradition chrétienne, Jésus a

trouvé la « perle de grand prix » et a su montrer,

par son enseignement et sa crucifixion, la voie de

l’amour désintéressé.

Je crois qu’il y a d’autres voies dans le monde que

celle de la tradition biblique qui conduisent à la

Vérité.

Je crois que le Royaume de Dieu peut être atteint

ici et maintenant, que les vérités du credo que voici

sont éternelles, alpha et oméga, enracinées dans le

passé, le présent et l’avenir.

Je crois que ce qui survit de nous est l’amour que

nous avons donné aux autres et à la création.

Je crois que l’Enfer n’existe pas – sauf lorsqu’on

attend l’autobus sous la pluie un soir de novembre,

lorsqu’on est perdu, tout seul, abandonné, affamé,

dans le froid et la pauvreté ou lorsqu’on est traité

injustement.

Je ne crois pas que je suis « sauvé » par du sang, de

la souffrance et un sacrifice.

Je ne crois pas que Dieu soit au sommet d’une hiérarchie

qui descend jusqu’à l’Homme puis aux animaux,

aux plantes et aux objets inanimés.

Je ne sais pas si je crois en la vie après la mort. D’ailleurs

qu’elle existe ou non ne changerait rien à mon

comportement.

Je ne sais pas comment le monde a été créé. J’y réfléchis.

Je crois en la vie avant la mort.

Je crois en l’Esprit.

Je crois que Jésus était sensationnel.

Je crois que la Bible dit quantité de choses merveilleuses

mais aussi des choses discutables qu’il faut

trier.

Je crois en l’amour, en la lumière, au partage.

Trad. Gilles Castelnau

Le site web Protestants dans la ville publie la traduction d’une cinquantaine

d’articles de Sea of Faith : http://protestantsdanslaville.

org/gilles-castelnau-spiritualite/gc41.htm

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À propos Gilles

a été pasteur à Amsterdam et en Région parisienne. Il s’est toujours intéressé à la présence de l’Évangile aux marges de l’Église. Il anime depuis 17 ans le site Internet Protestants dans la ville.

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