Val Webb
théologienne australienne
traduction Gilles Castelnau
Les cantiques et les sermons présentent traditionnellement le doute comme l’opposé de la foi ou des croyances. La prière bien connue de saint François dit :
Là où est la tristesse que je mette la joie,
là où est le doute que je mette la foi.
Les cantiques qui disent « chasser la sombre nuit du doute » confirment cette opposition.
Pourtant l’opposé de la foi est être sans foi. L’opposé de la croyance est l’incroyance. Il ne s’agit pas du doute. Le doute nait de la différence entre ce qu’on nous a enseigné et ce que nous vivons en réalité, entre notre système de croyances et notre raison. Le doute n’est donc pas faiblesse mais force ; il est notre capacité à affirmer notre propre individualité et notre approche de la réalité.
Il et vrai qu’une telle idée est difficile à admettre pour beaucoup de gens dans la mesure où le christianisme traditionnel tend à nous culpabiliser avec des histoires de péché et de corruption. Nous avons beaucoup de choses à revoir. Nous devons nous ouvrir à de nouvelles idées, faire place aux doutes qui surgissent lorsque nos enseignements religieux traditionnels sont mis en question par notre expérience humaine, nos lectures et notre raison.
La théologie, qu’elle soit abstraite, obscure ou doctrinale, n’est tout simplement qu’une tentative humaine de parler de Dieu dans un langage et selon des connaissance d’une certaine époque. Nous devons tous faire de la théologie afin de trouver les conceptions qui fonctionnent dans notre vie telle qu’elle est aujourd’hui sur les plans personnel, professionnel et public. Nous n’avons pas à critiquer les théologies qui sont été nées au cours des siècles passés et cristallisées en doctrines, mais nous sommes responsables d’affirmer des choses que nous croyons réellement, qui ont du sens dans nos vies et non pas de répéter les idées venant d’autres que nous. Et ces nouvelles idées tissées de foi, de croyances et de doutes ne seront pas fixées une fois pour toutes mais fluctuantes au rythme de la vie.
La tradition chrétienne a propagé au cours des siècles l’idée qu’ « avoir la foi » était équivalent à une « certitude » et que le plus on était certain, plus grande était notre foi. J’ai ainsi entendu dire d’une de mes amies qui était lancée dans une recherche passionnée de nouvelles manières de penser, qu’elle avait « perdu la foi ». A ce titre il me semble que nombreux sont ceux d’entre nous qui ont vraiment besoin de « perdre la foi ».
Richard Holloway disait :
Il est dangereux d’avoir raison car cela conduit à l’un des dangers de la religion, la certitude. Celle-ci peut nous conduire, alors que dans notre monde si peu de choses sont certaines, à haïr et persécuter ceux qui sont certains d’autres choses. Et c’est un fait que la religion y est prédisposée. Par contre […] nos doutes et nos amours peuvent faire éclore de magnifiques fleurs comme la tolérance et la compassion. Si la foi ne collabore pas avec le doute elle n’est plus la foi mais elle s’est muée en son contraire, la certitude. Plus de foi et moins de certitude donneraient aux religions du monde plus d’humilité et de compassion, ce dont tout le monde a besoin.
Je ne considère plus le doute comme une entité séparée mais comme la partie naturelle d’une vie saine.
Voici ce qu’écrivait encore la théologienne américaine du process Marjorie Suchocki : –
La théologie est un vêtement que nous avons fabriqué ; elle n’est pas une vérité universelle. Ce vêtement conviendra, comme tous les vêtements, à certains et pas à d’autres. Faudrait-il jeter tous les vêtements pour la raison qu’ils ne vont pas à certains ? Nous mourrions alors de froid dans les hivers de notre solitude ! Le mieux est encore d’ajuster la taille pour les uns et d’aider les autres à confectionner leur propre vêtement.
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