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Le « discours de Latran » de Nicolas Sarkozy
J'ai lu, comme beaucoup
et via un grand quotidien national, des extraits du « discours
de Latran » de Nicolas Sarkozy, discours dans lequel il affirme
que « les racines de la France sont essentiellement chrétiennes
» et qu’il « assume pleinement […] ce lien particulier
qui a si longtemps uni notre nation à l’Eglise ».
On pourra se réjouir de cette reconnaissance et de cette ouverture
au champ religieux ; on pourra également adhérer à
cet avènement souhaité d’une « laïcité
positive ». Mais, à bien des égards, les pères
de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat
voulurent, précisément, avec elle, un tel avènement
à savoir la paix et le respect de tous, croyants ou non.
Mais de quelles racines « chrétiennes »
parle-t-on ici ? Des racines catholiques romaines, comme l’indique
le rappel significatif d’une union de la France à «
l’Eglise », au singulier. Or la Loi de 1905 est bien celle
de la séparations des « Eglises », au pluriel, et
de l’Etat. Les propos du Président de la République
ne sont-ils pas en réalité la négation de tout
un pan de l’histoire des religions dans notre pays ? Les racines
« chrétiennes », mais lesquelles ? Quid du judaïsme,
de l’islam, du protestantisme et plus spécialement, en ce
qui nous concerne, du protestantisme français persécuté
dans ce rappel ? Les racines chrétiennes sont aussi celles de
l’Inquisition, de Louis XIV et de la révocation de l’Edit
de Nantes. Et les racines ne sont pas que chrétiennes, mais aussi
celles des Lumières (qu’attaque régulièrement
le pape) et de la Déclaration des droits de l’homme en 1789.
On sait les liens du protestantisme avec ces racines-là ; on
pense aussi à Rousseau et à sa Lettre à Christophe
de Beaumont, archevêque de Paris, lettre dans laquelle il affirme
sa foi protestante. Quant à notre protestantisme, il a un lien
étroit, sorte d’alliance objective, avec les racines de
la République et de notre laïcité. C’est en
cela que les propos de notre Président ont quelque chose d’assez
scandaleux et provocateur ; ils ignorent une part immense de notre histoire
religieuse et sont la négation même de ce qu’a défendu
et veut encore notre protestantisme. Ils sont à sens unique,
orientés par et vers Rome.
L'enterrement du cardinal Lustiger à Notre Dame
avec une brochette de ministres qui, à part celui de l'Intérieur
(et des cultes), n'avaient rien à y faire en tant que ministres,
fut l'inauguration intolérable de ce qui se déroule maintenant
sous nos yeux. 
Laurent
Gagnebin
Réaction d'André Gounelle
De Tillich, j'ai appris
- entre autres - une chose essentielle : toutes les religions sont ambiguës,
à la fois angéliques et démoniaques, à la
fois admirables et odieuses, elles engendrent le meilleur et le pire.
Si les "laïcistes" de fermeture oublient ce qu'elles
ont de positif et de précieux, Nicolas Sarkozy passe sous silence
ce qu'elles peuvent avoir de négatif et de dangereux - en particulier
quand elles ne se critiquent pas elles-mêmes, lorsqu'elles ne
portent pas et ne nourrissent pas en elles un "protestation"
contre elles-mêmes: ce que ne font ni le catholicisme ni le fondamentalisme.
Si le catholicisme, ce serait stupide de le nier, a beaucoup
apporté à la France, sa fermeture à la Réforme,
son refus des grands principes de la Révolution, son hostilité
à la République naissante, son rejet du modernisme ont
été néfastes pour notre pays. 
André
Gounelle
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