Parce que l’humain déficitaire
sur le plan mental et spirituel ne résiste pas au fait d’imaginer
D’ à son image en projetant (tel un automatisme de répétition)
ses affects et représentations sur le Divin inconcevable par
essence, il génère des énergies déréglées
qualifiées de diable ou de démon.
Par contre, satan n’existe plus dès lors que cesse ce
réflexe idolâtre vis-à-vis de D’. Cette bénédiction
qu’est l’anéantissement de satan se produit parce
qu’en s’interdisant de se représenter D’, le
croyant se trouve directement face à la sainteté et
à la puissance inouïe du Divin qui n’ont d’égal
que Sa miséricorde infinie.
Une telle expérience de la foi authentique parce que non
anthropomorphique évacue définitivement, par la lucidité
qu’elle génère, le mythe du diable.
Dans ces conditions, il va de soi que l’éveil spirituel,
né du vécu d’un contraste entre humain et Divin,
a pour corollaire immédiat l’inexistence du hasard, qui
se trouve remplacé par la conviction qu’en son lieu et
place existe désormais une justice immanente d’essence
divine. Tous les événements de la vie sont alors perçus
par l’initié comme autant de signes, d’actes de justice,
de vérité et donc de miséricorde.
La sanctification du croyant consiste dès lors à identifier
et à interpréter toujours plus profondément le
sens des messages venus de l’En-Haut divin qui lui sont adressés
au travers des circonstances multiples de la vie.
C’est bien dans ce contexte de l’existence d’une
justice immanente d’essence divine qui ne laisse pas de place
au hasard et au diable, que le Nouveau Testament enseigne que tous
nos cheveux sont comptés en permanence, et que pas un passereau
ne tombe en dehors de la justice immanente (Mat. 10,29-30).
C’est dans ce sens que de son côté le judaïsme
authentique et sa tradition orale traitent de satan, sans lequel l’homme
ne pourrait pas travailler, se marier, avoir des enfants…, la
pulsion charnelle “yètser hara” étant identifiée
au diable dès lors qu’elle dérègle dangereusement
le comportement humain, inféodant la victime à l'idolâtrie,
c’est-à-dire à la méconnaissance du contraste
absolu et bénéfique entre l’humain et le Divin.
Enfin, contrairement à des idées désuètes
associant trop souvent la chair au sexe, c’est ce dérèglement
qui est qualifié de “chair” par le N.T. (Romain 8,6
; Galates 5,17…), qui reprend à son compte la tradition
orale juive faisant ici figure de racine (Romain 11,18).
Croire et craindre le diable et les démons, c’est ouvrir
la porte à l'idolâtrie et au thème du bouc émissaire,
l’ignorance superstitieuse se permettant d’assimiler au
diable tout ce qui ne correspond pas à ses présupposés
et ce, après avoir osé décréter unilatéralement
ce qu’est D’.
Encore aujourd’hui le mythe du diable reste l’origine
profonde des atrocités et des guerres.
On ne peut dès lors qu’être attristé en
lisant l’ouvrage du prêtre catholique René LAURENTIN
intitulé “Le démon mythe ou réalité
?” (Fayard 1997)
Ce prêtre se situe en effet aux antipodes des réalités
exposées ci-dessus parce qu’il ne comprend pas que le
dogme de la Trinité chrétienne et le rite eucharistique
sont des ingrédients parmi d’autres, générateurs
d’inhibitions magico-religieuses de la pensée et donc
des croyances au diable et démons qui sont accompagnées
par l'émission d’énergies humaines déréglées.
Rabbi
Léonard Sztejnberg