Qu’attendent-ils tous ceux
et toutes celles sur qui les sectes et les communautés en tous
genres exercent l’attraction que nous savons ?
Ne les considérons pas trop vite comme des victimes que leur
crédulité excessive et naïve fourvoie dangereusement
tandis que temples et églises se vident. Dans ce jugement il
y a assurément quelque chose de vrai. Il n’en reste pas
moins superficiel.
Que cherchent-ils ? N’est-ce pas une guérison, un bien-être
? Et ce bien-être, ils le désirent non pas pour demain
mais tout de suite, pour ce temps en heures, en jours, en mois et
en années que nous avons à vivre ici-bas. C’est
la réalisation immédiate de ce qu’ils attendent
de l’existence qui les met sur le chemin des sectes ou des communautés
para-ecclésiales. Il est possible, certes, de trouver à
l’attente et au «savoir attendre» des aspects positifs,
voire dynamiques, mais la valeur dont ils affectent légitimement
l’existence terrestre l’emporte et les rend impatients.
Le langage futuriste que nos liturgies ou la prédication
ont longtemps tenu, et tiennent encore trop souvent, génére
chez eux le sentiment que l’aujourd’hui de l’existence
est oublié. Sans le savoir ils donnent raison au professeur
John Mbiti du Kénya, qui lors d’une assemblée du
Conseil Oecuménique avait lancé la remarque suivante
: « Nous posons toujours la question : Y a-t-il une vie après
la mort ? Mais très rarement la question : Y a t-il une vie
avant la mort ?».
Quant à nos querelles doctrinales qui nous divisent de façon
persistante, malgré toutes nos prières, elles les laissent
indifférents. En ce temps où la vérité
de toute chose évolue constamment, ils jugent ce genre de différent
archaïque et prétentieux.
Par ailleurs le caractère répétitif des cultes
dominicaux les ennuie.
Or, l’Evangile nous engage sur un chemin qui fait très
largement honneur au temps présent. Rien n’importe plus
pour lui que l’espace de temps entre naissance et mort.
N’est-ce pas le temps qui nous est offert pour passer de la
mort à la VIE ? (Jn. 5/24 - Luc 15/24) N’est-il pas clair
que l’Evangile nous lance dans une aventure de Vie Nouvelle,
riche de sens, ici et maintenant ? Et lorsque Jean Baptiste dit de
Jésus qu’il est au milieu de nous pour nous baptiser du
Saint-Esprit (Jn. I/33), créateur de Vie Nouvelle et de Liberté
(I Cor. 3/17), est-ce pour aujourd’hui ou pour demain ? Le sens
fort de ce que la théologie a nommé l’incarnation
ne se situe t-il pas dans la perspective d’une possible transformation
de l’existence quotidienne à l’écoute de l’Evangile
? Plus encore, lorsque Jésus parle de Vie Eternelle (Jn. 17/3),
il en parle comme d’une réalité immédiatement
saisissable. C’est aujourd’hui, en effet, que tout être
humain entre ou n’entre pas en Vie Eternelle. C’est selon
qu’il connaît ou ne connaît pas, selon qu’il
vit ou ne vit pas de la pensée de Dieu, telle que l’a
exprimée et vécue Jésus de Nazareth.
L’Evangile est EXISTENTIEL. Bonne nouvelle, nous ne naissons
pas pour mourir, comme il arrive qu’on le dise avec un air désabusé.
Nous naissons pour participer à la vie et plus nous participons
à l’Amour plus nous participons à la VIE. Et plus
nous donnons SENS et POIDS à notre existence, un POIDS d’ETERNITÉ.
Nous avons à présenter le salut autrement qu’à
travers le schéma que nous nous sommes employés à
rendre accablant : péché (surtout lui), pardon et vie
promise dans l’au-delà.
Parlons de fragilité humaine. D’un être humain
divisé, instable donc ou encore en situation de tentation,
entre deux arbres (Gen. 2). Tels nous sommes. Inutile de dramatiser.
Et cependant nous sommes considérés et discrètement
accompagnés par l’Esprit. Il nous est destiné.
Nous avons à l’accueillir comme un cadeau.Il nous questionne,
nous éveille et nous éclaire. Il clarifie, responsabilise
et dynamise la personne. Il l’oriente et la stabilise. Il se
reçoit dans le silence de la prière.
Ainsi se manifeste, dès les premières pages de la
Bible à la dernière, l’Amour de Dieu pour l’Humanité.
Cet Amour est acceptation de ce que nous sommes, au point de s’abandonner
totalement entre nos mains criminelles, en Jésus de Nazareth.
Mais cet Amour est nourri par une espérance inégalable
dont chacun de nous est l’objet.
Nous avons à retrouver le sens originel du mot «SALUT»
:
En langue hébraïque, la racine la plus employée
pour le dire indique une opposition à tout ce qui peut avoir
un caractère d’oppression, de mise à l’étroit
et par voie de conséquence de situation arrêtée.
Il s’agit de mise au large, d’ouvrir un espace à
celui qui est ou qui pourrait se sentir à l’étroit,
en manque d’air. En grec, sauver signifie : garder sain et sauf,
laisser vivre, conserver avec soi et garder en mémoire.
Nous retrouvons ici l’Amour inconditionnel et Éternel
de Dieu. Un Amour créateur de confiance, c’est à
dire de FOI (on ne s’abandonne pas à quelqu’un qui
n’aime pas) et tellement engageant, fort et puissant qu’il
nous transforme. Car l’Evangile de l’Amour manifesté
par Jésus de Nazareth a trois effets dès l’instant
où il est entendu et reçu. Tout d’abord, il rend
chacun à lui-même, à sa propre vérité.
Il le rend également à Dieu, au Dieu d’Amour. Et
enfin, il le rend aux autres semblables, aux prochains, à une
relation d’amour ouverte, confiante et paisible.
La santé de chacun et de chacune, son bien-être, son
équilibre et le sens de son existence sont au bout de cette
triple restitution. Et il n’en faut pas plus pour que l’Espérance
soit alors au rendez-vous. C’est bien ce qui advenait au passage
de Jésus. A cet égard le récit de sa rencontre
avec Zachée (Luc 19/ 1 à 10) est exemplaire.
Qu’avons nous fait de la puissance de l’Evangile, de sa
capacité à remettre d’aplomb et en état
de guérison l’existence de tout l’être humain,
ce qui constitue la manifestation la plus claire du règne de
Dieu ?
Nous avons dérapé. Les églises, leurs institutions,
quelles qu’elles soient et leur fonctionnement ; les débats
tournant autour de la confession de foi ; les démonstrations
destinées à établir le bien fondé des
positions de chacun ; le conservatisme peureux ou encore la recherche
de pouvoir nous ont accaparés et mobilisés au détriment
d’un Evangile, d’une Bonne Nouvelle dont le pouvoir est
thérapeutique.
C’est à cet Evangile explosif, porteur d’avenir
heureux et constructif qu’il faut faire retour. Comme Protestants
nous nous disons «Réformés», mais nous nous
sommes installés dans une réforme qui eut lieu au 16
ème siècle et nous l’avons crue définitive.
Nous sommes des «Réformés» d’hier !!!
Yves
Bernard