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Comment faire pour bien faire ?

Notre société est en train de succomber au syndrome du dinosaure : ses possibilités en techniques, en économie, en armements, en communications, en loisirs ont enflé au point de constituer un corps gigantesque, démesuré au regard d’une conscience dont la taille n’ a guère progressé depuis les temps de Cro-Magnon, de Moïse, de Bouddha, d’Aristote ou de Jésus. Au point qu’elle n’est plus capable de coordonner son agir et qu’elle risque de crever, écartelée entre les logiques non maîtrisées de ses formidables pouvoirs.

Certes, on tente ici et là de réunir des comités d’éthique, on évoque parfois la nécessité de moraliser telle entreprise, on essaie de monter des barrières juridiques : toutes ces démarches sont nécessaires. Mais elles arrivent généralement trop tard. Convoquée quand on est dans l’impasse, la morale s’épuise en service après-vente de nos bêtises. Plutôt que de se lancer dans une course-poursuite après nos actes, la morale doit de toute urgence se faire une place au coeur de nos conduites. Elle doit être valorisée dans sa fonction de pilotage plutôt que de servir de mauvaise conscience ou de pompier après nos ratés.

Cette nécessité de réhabiliter la morale est exploitée par les moralistes tournés vers le passé qui proclament des solutions autoritaires et des condamnations définitives. Ce retour en arrière, véritable régression vers une morale de clan, exerce une fascination chez ceux qui sont déboussolés par le tohu-bohu moral de la société actuelle. Des slogans nazis aux moralismes américains en passant par les ordres de conduite sectaires, on réduit la morale à des règles édictées par le chef ou le mouvement, règles que l’on peut maintenir seulement si l’on désigne un bouc émissaire, si l’on succombe à la tentation de croisade.

Ce n’est pas en réduisant la morale à un livre de recettes que l’on va s’en sortir. Le choc des morales qui agite notre société plurielle exige lucidité, réflexion et courage. Ces vertus ne sont pas de trop pour rassembler les humains par- delà leurs conduites divergentes. On les retrouve chez Eric Fuchs, qui, après avoir arpenté depuis un quart de siècle le champ de la morale, propose un maître livre : Comment faire pour bien faire ?…

Mais aujourd’hui les éthiciens sont trop isolés et leur démarche n’est pas vraiment intégrée dans les prises de décisions sociales ou individuelles. Qui va inscrire l’exigence morale dans les lieux où se décide la société de demain ? On forme les gens en administration publique ou privée, en gestion ou en communication, mais la question éthique y est terriblement sous-développée. Quelle est la place de l’éthique dans la conduite de l’État ? de l’économie ? de l’information ? Chacun touche un peu à la morale comme M. Jourdain fait de la prose, mais encore…

Quelle est la place de l’éthique dans la formation des enfants et des jeunes ? En d’autres termes que dans le « bon vieux temps », la préoccupation morale y est présente, mais elle manque d’élaboration, de méthode et de repères pour s’y retrouver au sein de la violence, du mercantilisme et du désarroi. Il ne suffit pas d’apprendre des techniques et des langues pour former des personnes.

À moins que notre société dinosaure ne se pose même plus la question : comment faire pour bien faire ?

Claude Schwab 1996
Extrait du livre “L’actuel et le durable”

Jean Martin et Claude Schwab. Cf. page 11.

Bibliographie : Eric Fuchs : Comment faire pour bien faire ? Ed. Labor et Fides, Genève, 1995.

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