Je ne crois pas au diable parce que je ne lui fais pas confiance
A mon avis, la littérature chrétienne a abusé
de cette expression “ croire en “. Il n’y a qu’à
voir les credo qui ne parlent que de croire, et qui d’ailleurs
ont oublié le diable. Il s’agirait de croire en des dogmes
et, au delà des dogmes, en l’existence d’entités
plus ou moins surnaturelles qui séviraient dans ce monde ou
dans un autre monde.
Mais que veut dire “ exister “ puisque nous sommes dans
le domaine de l’abstrait, du mythe, de l’imaginaire ? S’agissant
d’abstractions, nous pouvons tout faire exister, y compris les
anges, bons ou mauvais et tous les démons de la terre. Mais
il s’agit de pures constructions culturelles, comme les djinns
de la forêt ou les sorcières de tous les contes populaires.
Dans la Bible, aussi bien l’hébreu “ âman
“ que le grec “ pisteuo “ n’a pas ce sens de “
croire en l’existence de “, mais signifie plutôt “
avoir confiance “; comme le latin “ credo “ d’ailleurs,
d’où l’expression “ donner du crédit
à “. Quand le Nouveau Testament parle de croire en Jésus,
on devrait plutôt traduire avoir confiance en Jésus.
Par exemple, l’évangéliste Jean écrit que
Jésus ne croit pas en ses disciples ( 2-24 ) dans le sens où
il ne leur fait pas confiance.
Suivant Eugène Ménégoz, je pense que la foi
devrait être beaucoup plus une question de confiance que de
croyance.
Alors comment pourrais-je faire confiance au diable ? L’idée
est absurde. justement, par définition, je ne peux pas lui
faire confiance. Donc je ne crois pas en lui.
Il faudrait quand-même qu’après Bultmann nous
sachions un peu mieux sortir de la mythologie qui fut le mode d’expression
des cultures anciennes mais qui n’est plus le nôtre. La
Bible présente différentes cosmologies; les Pères
de l’Église en ont rajouté d’autres, bien
plus précises, bien plus fantastiques. Mais, pour nous, ces
cosmologies ne sont pas “ à croire “. Elles sont
simplement une représentation imaginaire du monde qui n’ont
d’autres objectifs que d’exprimer le mystère de l’homme
et surtout le mystère du mal.
Jésus, bien sûr, parle du diable, en des termes d’ailleurs
vagues. Parfois c’est le calomniateur, parfois le méchant
ou l’ennemi ou le chef des démons. Mais jamais il ne demande
d’y croire. Il utilise le langage de son temps, il ne propose
pas des articles de foi sur le diable. Puisque même les évangiles
ne suggèrent pas de croire au diable, je ne vois pas pourquoi
je m’obligerais.
Moins j’ai à croire, plus il me semble possible de faire
confiance, au début de ce 21e siècle, à ce Jésus
qui a remis l’amour du prochain au centre des exigences éthiques.
Henri
Persoz