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Secret de famille

Le décès de leur mère était maintenant achevé. Après bien des hésitations, par pudeur, ou parce qu’ils savaient, sans se le dire, qu’ils trouveraient quelque chose d’embarrassant, les enfants ont rangé les affaires, nettoyé les placards, vidé le grenier. C’est là qu’ils l’ont trouvée. Posée négligemment entre le vieux mannequin démantibulé et des portes d’armoire vermoulues. Elle gisait, triste valise empoussiérée, avec cette épitaphe : “A ne pas lire. Documents confidentiels et personnels”. Paradoxalement, cela les descendants devaient le lire !

Que vont faire les enfants de cette valise ? Soit ils la jettent et respectent le désir du défunt. Mais toute leur vie, ils peuvent se poser la question “qu’avaient-ils donc à nous cacher ?” Alors ils continuent à entretenir le secret.

Soit ils l’ouvrent et lisent au risque de découvrir l’inattendu. Mais la santé de la famille peut être à ce prix.

Secrets de famille ! Le secret souvent est nommé, mais il doit être oublié. dans des familles, on se rappelle, par exemple qu’il ne faut pas souhaiter un anniversaire parce qu’il y a une date à ne pas découvrir.On parle de cet acte commis par le petit cousin dont personne ne parle, mais dont chacun sait et dit qu’il ne faut pas en parler. On se rappelle des clés de la malle qui sont dans le tiroir mais que personne ne doit toucher. Un secret de famille c’est : “Je sais que je ne dois pas savoir”.

Le secret de famille n’est pas un non-dit, ça n’est pas qu’une information oubliée. C’est une information cachée parce que sa charge émotionnelle est tellement forte qu’elle pourrait déstabiliser l’équilibre familial.Mieux vaut taire que nuire.

Au lieu de se perdre, le secret de famille se répand. Son silence qui est nommé ou connu lui sert de haut-parleur. Moins il se dit ouvertement et plus il se propage. Plus je sais qu’il ne faut pas dire et plus le secret se charge d’émotion, de mystère, d’insécurité, plus il se répand au sein du groupe familial. Il peut se créer alors une mémoire inconsciente, avec des syndromes de répétition, des “c’est comme son grand-père” ou “dans la famille c’est toujours comme ça”. Comme s’il y avait là une sorte de nécessité mais dont la logique échappe à toute la famille.

J’en finis par accepter, à regrets parfois, que l’annonce de l’amour de Dieu, de la grâce ou du pardon ne sont que vent et vanité lorsqu’ils ne sont pas assortis de l’effort de nommer ce qui est caché, d’oser ouvrir les valises de nos greniers familiaux, et du courage de la parole vécue dans la relation à l’autre.

J.P. Sauzède

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