Il faut avoir ressenti au moins
une fois la peur, une vraie peur, pour comprendre comment elle peut
susciter à lintérieur du corps, des réactions
où lon se trouve stupide, ou pire encore des sueurs froides,
des envies de diarrhées, un souffle court ou la perte de réactions
intelligentes.
Que ce soit au milieu dune paroi descalade, dans la
banalité de relations quotidiennes ou sous lemprise dune
colère, la peur nous tombe dessus, comme ces giboulées
dAvril qui nous glacent le dos et nous contraignent à
un repli brutal et frileux.
Avez-vous déjà observé ces enfants et souvent
ces adultes en haut de plongeoirs.Ils savancent, prudemment,
observent, reculent, hésitent, et reviennent ! Ca peut durer
longtemps ! Inutile de pousser, de bousculer, dexpliquer raisonnablement
que la hauteur est ridicule, que des milliers dautres ont déjà
sauté de cet endroit.La peur est là, paralysante. Elle
vient réveiller et exprimer du plus profond de notre émotion
des inhibitions, des angoisses qui prennent là une forme.
Sauter dun plongeoir ou faire le pas. Oser se lancer. Oser
adresser la parole, à un inconnu, parler en public ou plus
simplement se montrer devant lautre. jai rencontré
des personnes qui sont restées des années à ne
pas oser demander à leur conjoint une information qui semblait
douloureuse. Je connais des parents qui ont peur de dire leur amour
à leurs enfants, des enfants qui ont peur de dire leur colère
à leurs parents par peur de détruire tous les liens
établis. Plutôt que de prendre le risque de blesser lautre,
ils préfèrent rester blessés eux-mêmes.
La peur est vainqueur du courage. Elle étouffe nos désirs.
Elle rétrécit notre existence et accorde aux autres
un pouvoir démesuré. La peur nous diminue et nous rend
impuissant.
Dans le récit de Pâques, je regarde avec étonnement
les femmes revenant du tombeau vide. Mais de quoi peuvent-elles avoir
peur ce jour-là?
De la liberté ! Cest sans doute de quoi la peur nous
protège le plus ! Elle nous permet déviter dêtre
vraiment libre ! Dommage !
Jean-Paul
Sauzède