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Sur le progrès de l’humanité

Je vois Satan tomber comme l’éclair

Un examen un tant soit peu attentif montre que tout ce qu’on peut dire contre notre monde est vrai : il est de très loin le pire de tous. Aucun monde, on le répète sans cesse et ce n’est pas faux, n’a jamais fait plus de victimes que lui. Mais les propositions les plus opposées sont toutes également vraies à son sujet: notre monde est aussi et de très loin le meilleur des mondes, celui qui sauve le plus de victimes. Il nous contraint à multiplier toutes sortes de propositions incompatibles les unes avec les autres.

Puisque la mode est au pèsement des victimes, jouons le jeu sans tricher. Examinons d’abord le plateau de la balance qui contient nos succès : depuis le haut Moyen Age, toutes les grandes institutions humaines évoluent dans le même sens, le droit public et privé, la législation pénale, la pratique judiciaire, le statut des personnes. Tout se modifie très lentement d’abord, mais le rythme s’accélère de plus en plus et, vue de très haut, l’évolution va toujours dans le même sens, vers l’adoucissement des peines, vers la plus grande protection des victimes potentielles.

Notre société a aboli l’esclavage puis le servage. Plus tard sont venues la protection de l’enfance, des femmes, des vieillards, des étrangers du dehors et des étrangers du dedans, la lutte contre la misère et le sous-développement.Plus récemment encore on a universalisé les soins médicaux, la protection des handicapés, etc.

Tous les jours, de nouveaux seuils sont franchis. Lorsqu’en un point quelconque du globe une catastrophe se produit, les nations non sinistrées se sentent tenues désormais d’envoyer des secours, de participer aux opérations de sauvetage. Ce sont là des gestes plus symboliques que réels, direz-vous. Et ils répondent à un souci de prestige.Sans doute, mais à quelle époque avant la nôtre, et sous quels cieux, l’entraide internationale a-t-elle constitué pour les nations une source de prestige ?

René Girard, extrait du livre
Je vois Satan tomber comme l’éclair,
Grasset 1999

Qu’a apporté ce XXe siècle ?

“Une solidarité beaucoup plus développée, l’émancipation de la femme, l’accessibilité de l’école… J’ai vu l’Eglise s’universaliser, apprendre à respecter les autres religions, abandonner cet esprit de domination qui était le sien, vivre en bonne intelligence avec le pouvoir et la science,… à condition qu’on la laisse libre d’être un souffle.”

Soeur Emmanuelle
Extrait d’une interview dans Le Figaro (novembre 1999)

Horreurs et avancées au vingtième siècle

Horreurs !

Quand on essaie de prendre un peu de recul vis-à-vis du vingtième siècle qui se termine, on est d’abord frappé par la liste des horreurs que nous, nos parents et nos grands-parents avons connues. La sauvagerie des hommes semble d’autant plus avoir marqué ces cent années que le meilleur fonctionnement des moyens d’information fait apprendre plus vite et mieux ce qui se passe sur la planète. Les deux grandes guerres mondiales ont fait couler tant de sang et ont laissé tant de victimes atteintes dans leur chair ou dans leurs affections. Des régimes totalitaires d’origine fasciste ou communiste, voulant tout prendre en charge de la vie des peuples, ont perpétré des déportations et des massacres massifs (Goulag, Khmers Rouges, etc.). La Shoah, qui a perpétué, du temps du nazisme, cette monstruosité de l’antisémitisme, ne peut quitter notre mémoire. Après elle, ont suivi cent conflits plus localisés, tout aussi atroces, de l’Europe à l’Afrique, à l’Amérique et à l’Asie (les derniers au Congo, au Kosovo, en Tchétchénie, à Timor, etc.). Des dictatures militaires sont en général à leur origine, souvent issues de réflexes tribaux ou du fanatisme religieux.

Chez nous chrétiens, qui nous disons fiers de ce que notre religion a apporté, ce bilan peut-il être considéré sans susciter un frisson de culpabilité et de dégoût ?

C’est pourtant un regard non complètement négatif que nous invitent à porter sur ce siècle quelques grands spécialistes de l’histoire, à commencer par M. René Rémond, tant dans un livre collectif récent (Les grandes inventions du christianisme paru chez Bayard) que dans diverses conférences, telles que celle qu’il a donnée à Thouars en janvier 2000, ou encore dans différents articles. Les citations qui suivent renvoient à une interview contenue dans le numéro de décembre 1999 de L’Actualité des Religions sous le titre : “Un bilan positif”.

Un peu dans le même sens, l’encadré ci-dessus nous apporte des éléments de jugement provenant du philosophe M. René Girard dans Je vois Satan tomber comme l’éclair paru chez Grasset.

Avancées ?

En face des horreurs que nous avons évoquées, quelles avancées dues aux idées chrétiennes doivent être tenues pour positives ? Le christianisme se distingue des autres religions par sa pensée universaliste. Citons R. Rémond : “Le christianisme porte un message d’universalité qui lui est propre. Il postule l’unité de la famille humaine. Les “gentils”, c’est la terre entière à qui l’Evangile va et doit être annoncé. Il n’y a plus ni Grecs ni Juifs, mais des êtres humains, hommes et femmes, des créatures de Dieu rachetées... Ces êtres, tous fils du même Père, sont les frères de Jésus et ils sont appelés en tant que frères.”

De là découle la proclamation des Droits de l’homme, plus solennellement affirmée encore en ce vingtième siècle. C’est un progrès incontestable, reconnu, au moins théoriquement, par une part très notable de la planète (à l’exception d’importantes nations asiatiques, entre autres de quelques Etats à forte tendance théocratique, ainsi que de ceux qui pratiquent l’esclavage sans oser le dire !).

A l’opposé de bien des rejets des Droits de l’Homme, n’oublions pas les avancées attribuables souvent à des hommes mus par des principes chrétiens (les Eglises établies ont souvent suivi avec retard). Avec R. Rémond, nous pouvons en dresser un tableau sommaire :

  • - l’idée de laïcité, c’est-à-dire la dissociation de la sphère de la religion et de celle de l’Etat : “Je maintiens que le christianisme est la seule religion à avoir admis, dès le départ, une dissociation entre le religieux et le temporel... A cet égard, les martyrs chrétiens sont les premiers témoins de la liberté de conscience” ;
  • - une forte diminution de l’opposition entre science et religion aboutissant à la réconciliation des chercheurs et des hommes de foi (sauf, hélas, dans certains Etats aux Etats-Unis !) ;
  • - la réconciliation de peuples longtemps ennemis tels la France et l’Allemagne ;
  • - l’émancipation de la femme : “L’émancipation de la femme, à mon avis le phénomène le plus important de la seconde moitié du XXe siècle, n’est pas sans rapport avec le christianisme ; les sociétés chrétiennes sont les plus respectueuses des femmes ; c’est là qu’elles ... jouent un rôle et ont une influence” ;
  • - un souci grandissant de la santé de tous, depuis l’enfance jusqu’à l’extrême vieillesse, d’où résulte une augmentation spectaculaire de l’espérance de vie ;
  • - dans le même sens, la moindre pénibilité du travail et la diminution de sa durée dans le temps de vie de la plupart ;
  • On note aussi, sans qu’un lien étroit puisse être établi avec le christianisme :
  • - l’auto-destruction généralement pacifique des régimes totalitaires ;
  • - l’émergence de relations internationales mieux fondées sur le droit et sur la morale (penser au concept d’ingérence et voir l’entretien avec M. P. Joxe, plus loin dans ce numéro).

Enfin on pourrait ajouter à ce tableau la reconnaissance des devoirs que nous avons vis-à-vis de la nature et des espèces qui y vivent.

Conclusion

M. R. Rémond note : “Le Dieu chrétien est en effet très particulier. Il est le Dieu-Père qui entretient, si l’on peut dire, des relations d’humanité avec tous les hommes. Des relations personnelles, intimes : chaque être existe en tant que personne unique au regard de Dieu”.

Dans les avancées que nous venons de recenser, le chrétien sent, en définitive, l’action secrète du Dieu Vivant. La foi en la présence de Dieu dans l’histoire du monde est une originalité de sa religion. Elle a une implication immédiate, c’est que les chrétiens s’efforcent d’être présents en corrigeant les soubresauts de l’histoire, en agissant auprès des pauvres, des humiliés, des démunis. De cette volonté sont nés bien des mouvements qui tentent d’atténuer les maux de l’humanité.

Horreurs et avancées, oui, inextricablement mêlées. Nous chrétiens souhaitons voir dans les avancées le signe que notre espoir est solide en Celui en qui nous croyons.

Bilan tenté à l’aide de contributions
de Monsieur René Rémond
Bernard Félix

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