Cette fin de millénaire
n’est-elle pas un vaste carrefour où s’entrecroisent
des hommes, des techniques, des informations, des idées ? N’est-elle
pas le temps -et le monde entier serait le lieu- d’un immense
brassage d’hommes, capable d’entraîner soit des situations
dramatiques et des conflits idéologiques, soit au contraire
un enrichissement par l’acceptation du métissage des idées,
des comportements et des hommes ; ceci est vrai dans tous les domaines,
techniques, sociaux, culturels, politiques, religieux...
Il est clair que deux attitudes sont possibles devant ce constat
:
- une attitude conservatrice frileuse qui vise à préserver
les valeurs traditionnelles avec un réflexe identitaire chargé
le plus souvent de préoccupations exclusivistes et d’intransigeance
: c’est la source des idéologies politiques et religieuses,
qu’il s’agisse de nationalisme exacerbé ou d’intégrisme
religieux ;
- une attitude pluraliste d’ouverture, de disponibilité
à comprendre les autres, de tolérance qui doit respecter
l’authenticité, sans visée inclusiviste condescendante
mais aussi sans prosélytisme ni tentation syncrétiste.
Cette dernière attitude paraît la seule possible, car
les peuples n’ont pas d’autres choix que de vivre ensemble
: le côtoiement des cultures et des religions est une réalité.
Dans notre quotidien, l’Europe se dessine ; les religions doivent
aussi s’inscrire dans une démarche de mondialisation en
s’inspirant du propos du Cheikh Bentounès, maître
de la confrérie soufie Alawiya : “L’homme de demain
sera rattaché à une tradition mais se sentira l’héritier
de toutes.”
Dans ce sens, chaque homme doit :
- 1. avoir conscience de son identité : son enracinement
culturel et religieux est une nécessité ;
- 2. se révéler aux autres dans son authenticité
et les reconnaître dans leur identité et leur vérité,
acceptant l’idée d’une transformation réciproque
: son ouverture aux autres est aussi une nécessité.
Le titre même d’Evangile et Liberté l’oblige
à s’inscrire résolument dans cette démarche
au plan international : l’Evangile marque son identité
et la vérité qui est la sienne ; la Liberté est
liberté de conscience mais aussi liberté responsable,
liberté disponible, capacité à accueillir les
autres et à s’ouvrir.
1. L’enracinement culturel et religieux d’Evangile et
Liberté.
Le Réseau regroupe les confessions européennes qui
se positionnent aux frontières de l’orthodoxie protestante
: unitariens transylvaniens, remonstrants des Pays-bas, non-suscribing
presbyterians d’Irlande et libéraux d’Allemagne,
de Suisse et de France.
L’objet de ce Réseau est de favoriser la connaissance
mutuelle des différentes confessions européennes par
des colloques de théologie et d’éthique et de permettre
qu’une voix protestante libérale puisse peu à peu
se faire entendre dans les réunions religieuses. Dans sa charte,
le Réseau entend que le protestantisme conserve son approche
libérale -signifiant par là la primauté de la
foi sur les doctrines et les institutions- et prône la nécessité
d’une critique réformatrice : le fait qu’Evangile
et Liberté soit l’un des membres fondateurs de ce Réseau
s’inscrit donc dans une parfaite logique.
Ce Réseau s’est constitué à l’intérieur
de l’IARF (International Association for Religious Freedom) dont
la majorité des adhérents sont des groupes religieux
minoritaires dans leur pays.
2. L’ouverture d’Evangile et Liberté aux autres
religions.
Pour Evangile et Liberté, l’ouverture aux autres religions
est d’abord un dialogue avec elles, mais aussi une approche laïque
des textes fondateurs de ces religions, ceci, dans la mesure où
les participants restent authentiques et capables de “désabsolutiser”
et de relativiser leurs traditions religieuses. C’est précisément
la démarche que propose l’IARF dans ses réunions
et dans ses actions d’assistance aux minorités religieuses
opprimées.
Robert
Serre