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Pour un partage théologique : Pizza

Nous étions dans un petit village un peu perdu dans le Massif Central, et nous cherchions de quoi manger. Il y avait là un seul bar-restaurant et, au lieu de la traditionnelle charcuterie de montagne, le seul menu était la pizza ! Ainsi, partie du golfe de Naples, la pizza, la meilleure et la pire, est devenue un plat européen, au point que donner à la nouvelle monnaie le nom de “pizza” aurait mieux convenu que celui d’euro.

Pourtant, ce n’est pas seulement de nourritures terrestres que je veux parler. Car de nos jours la théologie ne se nourrit et ne nourrit que de pizza. Certes, c’est un plat complet, ne revenant pas cher, fait avec des éléments simples, voire naturels. mais à force cela peut lasser ; une fois qu’on a fait le tour des variantes possibles, on a envie d’autres cuisines, d’une bonne choucroute, d’une brandade, ou d’une daube.

Aujourd’hui, le discours théologique est souvent d’une platitude et d’un convenu extrêmes. Et même ce “théologiquement correct” se limite bien souvent à répéter ce que tant d’autres, chrétiens ou non, répètent urbi et orbi : on est contre la pollution, contre la mondialisation (1), pour la paix et pour le dialogue inter-religieux. Qui d’ailleurs pourrait être d’un autre avis ?

Quand les Eglises abordent des thèmes plus “religieux”, cela ne va pas beaucoup plus loin. Elles n’imposent plus de dogmes, mais des idées reçues. Un des derniers exemples ont été les décisions du Synode National de l’ERF quant à la possibilité de “présenter” les petits enfants plutôt que de les baptiser. Sans trancher la question sur le fond, on peut remarquer qu’en 2001 ce sujet n’a pas soulevé autant de vagues que voici cinquante ans. Rien à voir avec le débat qui a eu lieu dans l’après-guerre, où s’affrontaient gaillardement pédobaptistes et anti-pédobaptistes pour ou contre le baptême des enfants ou leur présentation !

Le débat théologique se ranime en certaines occasions chez les protestants, comme si quelques braises persistaient encore. Par exemple quand le Cardinal Ratzinger a lancé son texte Dominus Jesus, déniant à tout autre qu’au catholicisme le titre d’Eglise. Ou bien à l’occasion de la signature de la Charte œcuménique à Stransbourg en avril 2001 - et encore, dans ce dernier cas, qui s’est aperçu du fait dans les paroisses ? A l’occasion du passage au catholicisme de l’ex-Inspecteur luthérien Viot, nous avons surtout eu droit à quelques banalités plutôt qu’à une analyse théologique.

Mais est-ce vraiment un débat théologique qui renaît alors de ses cendres, ou un simple réflexe identitaire ? Tout se passe comme si un consensus mou s’était instauré, qu'on pourrait qualifier de “centre gauche”, en théologie comme en politique (2).

Or, quand il est question de théologie, cela ne signifie pas seulement discuter de dogmes, de manière académique, avec patois de Canaan et langue de bois. mais aussi d’un partage d’expériences, de l’élaboration d’un projet d’Eglise, d’une discussion sur les ministères, de tout ce qui a des conséquences dans la vie quotidienne des communautés…

Souffrons-nous d’une absence de “Ténors” ? Il en existe, et certains diront qu’ils s’expriment. Pourtant, cette expression touche-t-elle plus que certains cercles, convaincus d’avance ? Des “laïcs” suivent des études de théologie : où cela se manifeste-t-il ? Cela débouche-t-il sur une réflexion commune et partagée ? Existe-t-il des lieux de débat ? A coup sûr guère dans les institutions, quelles qu’elles soient. Plutôt dans des réunions informelles, souvent œcuméniques, d’ailleurs, telles des rencontres de recherches bibliques (3). Et Internet, qui pourrait être un instrument possible, est sous-utilisé.

Cette absence de débat fait que trop souvent les croyants sont mal armés pour résister à l’offensive de sectes ou d’autres religions.

C’est l’honneur d’un mensuel comme “Evangile et Liberté” et de certaines publications de relancer des débats, toujours utiles. Bien que l’Histoire ne repasse pas les mêmes plats, ne sommes-nous pas dans une époque du même genre que les 15 et 16 èmes siècles, où il apparaît qu’une Réforme de l’Eglise serait souhaitable, mais que les moyens habituels et institutionnels ont été épuisés ?

Pierre Stabenbordt

(1) “Mondialisation”, ou son équivalent anglo-saxon “globalisation” est un mot qui date des années 60, en particulier quand avec Nixon les Etats-Unis se sont rapprochés de la Chine.

(2) Le thème de l’aide aux pays “en voie de développement”, assez fort dans les années 80-90, semble s’être affaibli, ou bien s’être transformé en exigence de la suppression de la dette pour ces pays. Qu’est la “théologie de la libération” devenue ?

(3) Et certains de dire : nous voulons lire la Bible, mais ne pas faire de théologie. Car du coup, ce terme est devenu péjoratif. Monsieur Jourdain, lui, faisait de la prose…

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