Sur les plages cet été,
on a eu droit aux “papa regarde, maman regarde”, des enfants
qui vocifèrent pour attirer le regard, si possible intéressé
et admiratif, de leurs parents sur les exploits aquatiques de ces
chers bambins.
La vie scolaire ou la vie artistique de nos enfants sont jalonnées
de ces demandes répétées d’admiration, de
reconnaissance.
Je suis impressionné et souvent bouleversé par l’énergie
que nous pouvons, et que j’ai pu, dépenser pour obtenir
l’attention suffisante de nos parents. j’ai observé
des amis qui faisaient des choix amoureux ou professionnels pour “plaire
à papa ou maman”, d’autres qui ont pris des risques
inconsidérés à en devenir physiquement malades
pour être sûrs qu’enfin le ou les parents feraient
attention à eux. D’autres encore qui se sont refusé
à des changements importants dans leur vie pour rester dans
une loyauté parentale. Comme si le regard parental continuait,
non seulement à veiller sur l’enfant devenu adulte (mais
l’est-il vraiment ?), mais aussi à l’observer, éventuellement
le juger et finalement le limiter.
Une fille de mes amis montrait récemment ses photos de voyage.
Elle était partie dans une sorte de tour du monde, engagée
dans des programmes caritatifs alors que son père lui-même
dirige en France une importante association humanitaire. Je la voyais
qui étalait ses photos, devant le regard de son père,
tentait de raconter son périple en insistant sur les moments
les plus dangereux. Mais son père écoutait d’une
oreille distraite, incapable dans cette situation de prendre plus
de temps avec sa fille. Jusqu’où devra-t-elle aller, jusque
dans quel excès devra-t-elle se perdre, à quel risque
devra-t-elle se confronter pour qu’il la regarde vraiment, peut-être
qu’un instant, mais qui sera suffisant, et qu’enfin il l’entende
et la reconnaisse ?
Mais pourquoi un tel acharnement à être vu et reconnu
? Sans doute parce que nous obéissons à cette logique
qui fait que nous existons d’abord à travers le regard
de l’autre et d’abord celui de nos parents. C’est eux
qui, enfant, nous confirment dans notre compétence, dans notre
capacité à être, dans notre désir. Chacun
de ces vrais regards, de cette attention patiente et profonde, de
cette admiration sincère sont autant de ferments engrangés
qui ouvrent l’enfant à la permission, à l’audace,
au courage d’être et lui permettent de devenir adulte.
C’est aussi cela la foi qui permet de grandir. La foi en un
Dieu qui veille et non pas qui surveille.La foi en un Dieu qui touche,
accompagne et s’efface, accueille puis envoie, reconnaît
puis disparaît. Un Dieu qui est présent et absent.
- “Papa, regarde”
- “Cesse de crier, tu sais bien que je te vois”.
Jean-Paul
Sauzède