Si je déclare que Jésus-Christ
est l’unique objet de ma foi, est-ce que j’exclus en même
temps toute autre forme de foi, pour tous les autres habitants de
l’univers ? Ou bien est-ce que j’admets que d’autres
personnes, croyant en d’autres noms, puissent aussi être
au bénéfice d’une religion qui les sauve ? Ma conviction
est que l’Évangile a un caractère unique, mais
non exclusif. Cette attitude n’est pas suspecte de syncrétisme,
c’est à dire de mélange religieux ; elle se fonde
sur le respect de l’autre : je ne sais pas tout de lui et je
ne peux le condamner simplement parce que je crois avoir raison.
Prenons un exemple simple : l’aéroport de Zurich s’est
donné - sans rire - le nom d’ “Unique Airport”.
Il n’y a pas d’autre aéroport que Zurich, si l’on
croit les tenants de l’équation unique = exclusif. C’est
évidemment faux : d’autres aéroports existent,
capables de remplir des fonctions semblables en d’autres lieux.
Si Zurich est unique, c’est qu’il y a un seul aéroport
à Zurich, et un seul aéroport de Zurich au monde. Les
autres existent néanmoins, plus ou moins grands, plus ou moins
bien situés, plus ou moins sûrs... mais tous sont bel
et bien là.
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Le chrétien intégriste tient que Jésus-Christ
et l’Évangile sont uniques, donc exclusifs: il n’y
a pas d’autre moyen de salut. Le musulman intégriste pense
la même chose de Mahomet et de l’islam. Chaque sectateur
d’une secte ou d’une religion qui se prétend détentrice
unique et exclusive de la vérité a la même attitude.
Le dialogue est impossible, le seul chemin est celui de la conversion
de l’autre à soi-même, ou de la reddition pure et
simple de soi-même à l’autre et à sa vérité.
L’intégriste parle à la place de Dieu.
Si l’on pose en revanche que Jésus-Christ et l’Évangile
sont uniques, oui, mais non exclusifs, on ouvre une porte au dialogue
inter-religieux et à la concorde entre les croyants du monde.
Le procès qu’on fait facilement aux partisans de cette
position est de réduire la religion chrétienne au rang
des autres. Ils allèguent l’apôtre Pierre qui déclare
en Actes 4,12: “Il n’y a pas d’autre nom que celui
de Jésus-Christ qui ait donné aux hommes pour être
sauvés”. Les chefs juifs lui répondent qu’il
n’y a que Moïse, et l’avenir est à la guerre
; elle fera de nombreux morts, et la guerre fondée sur des
prétextes religieux en fait encore beaucoup trop.
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Le christianisme est unique, mais l’islam, le judaïsme,
le bouddhisme le sont aussi. Ni équivalents, ni égaux,
mais dignes de respect dès l’instant qu’ils sont
la religion d’êtres humains sincères et loyaux.
Et surtout pas exclusifs. La différence a trop longtemps provoqué
l’exclusion entre les humains, il est temps que cela change.
Une fois admis le principe selon lequel “unique” ne signifie
pas “exclusif”, on peut commencer à discuter vraiment
et chercher à comprendre l’autre. En sachant que je suis
unique, mais que mon existence n’exclut pas celle de l’autre,
je deviens quelqu’un et permets à l’autre de le devenir
aussi. Il y a un “Je” et un “Tu”, une relation
se crée, un “Nous” devient possible - possible aussi
une paix dans la recherche de la Vérité.
Jean-François
Rebeaud