On oppose, le plus souvent, les
protestants libéraux et les protestants évangéliques
en oubliant, sur plus d’un point, les convergences qui les rapprochent.
Les partisans de ces deux familles spirituelles, eux-mêmes,
sont loin de se douter de cette assez surprenante proximité.
Nous aimerions ici, à titre indicatif et non limitatif, repérer
six points importants où il est possible de trouver des concordances
fondamentales.
- Libéraux et évangéliques refusent le sacramentalisme
et s’accordent pour définir dans la cène une présence
spirituelle du Christ et non “réelle” au sens lourdement
matérialiste.
- Libéraux et évangéliques manifestent les
plus extrêmes réserves en regard de l’œcuménisme
officiel ; leur commun refus, très catégorique, du romantisme
transforme des réserves en franche opposition. Quand on sait
l’importance actuelle de l’œcuménisme dans la
vie des Églises, on se doute que ce point d’accord dans
un désaccord n’est pas négligeable.
- Libéraux et Évangéliques se méfient
des confessions de foi trop facilement abstraites et déclamatoires,
voire un peu anonymes et impersonnelles. Vivant, très récemment,
un culte dans une communauté évangélique et baptiste,
j’ai été surpris de constater que la liturgie dominicale
ne comportait pas, ce dimanche-là au moins, de confession de
foi.
- Libéraux et évangéliques insistent, dans
une perspective finalement très bultmannienne, sur l’importance
de l’appel, de l’interpellation, de la décision personnelle
et de l’engagement individuel et du croyant.
- Libéraux et évangéliques s’accordent
dans un commun respect de la piété. Un certain piétisme
les caractérise. Cela est décisif, car la piété
est, tout compte fait, plus importante dans la vie des chrétiens
que leurs doctrines théologiques.
- Libéraux et évangéliques manifestent, en
matière de doctrine concernant l’Église, une très
nette tendance au congrégationalisme ; ce dernier s’harmonise
très naturellement avec leur exigence de liberté individuelle
et même un certain individualisme. Ils manifestent ainsi une
grande méfiance face aux institutions ecclésiastiques
et partagent une commune insistance sur la notion, chère aux
Réformateurs, d’Église invisible. Cela dit, sans
nous arrêter à des points de doctrine toujours difficiles
à cerner en quelques mots (Trinité, double nature du
Christ, théocentrisme ou christocentrisme, etc...) et qui ne
font l’unanimité ni des libéraux ni des évangéliques,
il nous semble possible de marquer entre eux une double opposition.
La première est plus théorique que pratique : elle
concerne l’analyse biblique ; les évangéliques
sont partisans du fondamentalisme, les libéraux en sont les
adversaires et se réclament d’une exégése
historique et critique. Mais, bien souvent, les uns et les autres
se retrouvent en fait dans une lecture assez spontanée de la
Bible.
La deuxième, elle, est essentielle et irréductible.
Les évangéliques opposent l’Église et le
monde, le christianisme et la culture, la société. Les
libéraux, au contraire, vivent et veulent entre ces deux réalités
une réconciliation, une possible harmonie réciproquement
enrichissante. La frontière est pour les uns ce qui sépare
et coupe, pour les autres ce qui rapproche et marque une proximité.
Cela dit, dépris de toutes les modes théologiques
qui se multiplient aussi vite qu’elles disparaissent, libéraux
et évangéliques restent fidèles à leurs
options fondamentales et ils demeurent là où tant d’autres
s’évanouissent dans la poussière des siècles.
Les chiens aboient, la caravane des libéraux et des évangéliques
passe !