Visitant la grande mosquée
de Paris avec un groupe de jeunes, le gardien, à l’entrée,
me demande si nous sommes croyants. Je lui explique que nous appartenons
à une Église protestante et que nous ne sommes pas musulmans.
“Les gens du Livre, me répond-il, sont aussi des croyants.
Vous avez droit au demi-tarif !”
Dans ma jeunesse j’ai été embarrassé par
la question indiscrète: “As-tu la foi ?” De quelle
foi s’agissait-il ? Quelle est l’origine de la foi ? J’ai
mis un certain temps pour faire la différence entre la foi
qui est avant tout confiance et qui est insufflée en nous par
l’Esprit lorsque nous sommes à l’écoute de
l’Évangile et la croyance, expression humaine et par conséquent
discutable de la foi.
Est-ce que je crois en Dieu ? S’il s’agit du Dieu des
talibans , du “Dieu avec nous” des boutons des uniformes
ou du “nous croyons en Dieu” des billets verts, s’il
s’agit du Dieu vengeur assoiffé de sang dont la colère
ne peut être apaisée que par le sacrifice de son fils,
je m’empresse de dire que je me considère comme résolument
athée par rapport à ce Dieu-là. L’Évangile
ne m’invite pas pour autant à m’en vanter et à
paraphraser la prière du pharisien; “Seigneur, je te remercie
de ce que je ne sois pas comme tous ces adeptes d’une orthodoxie
absconse, prêts à croire n’importe quoi alors que
j’ai trouvé dans un libéralisme bien compris la
seule voie authentique”.
Dans l’évangile selon Saint Luc être devant Dieu,
c’est être introduit par le Christ dans la familiarité
de Dieu au point de pouvoir l’appeler abba, ce qui signifie “papa”
en araméen. Même si Jésus de Nazareth est tout
simplement le fils de Joseph et de Marie, comme l’a confessé
Jean Vallière, le premier martyr de la Réforme française,
brûlé vif, au marché aux pourceaux ; à
Paris, le 8 août 1523, ou encore s’il est le fils de Marie
et d’un soldat romain, selon l’hypothèse, fort peu
vraisemblable, il est vrai, des tout premiers détracteurs de
la foi chrétienne, cela ne retirerait rien à l’éminente
dignité de sa personne et à la véracité
de son message.
Nous n’avons nul besoin des longues et emphatiques formules
de politesse ni des lourdes constructions dogmatiques qui cherchent
à scruter l’état civil de Dieu, comme le disait
le pasteur Elie Lauriol. Dieu est la réalité supra-personnelle
qui nous donne la vie. Cette réalité peut nous sembler
proche ou lointaine car elle est à la foi dans et au-dessus
de notre histoire. Si elle transparaît à travers le monde,
elle s’y cache parfois aussi. Dieu est celui sur qui nous ne
mettons pas la main. Dire qu’il est dans les cieux n’est
évidemment pas une localisation géographique.
Dieu nous échappe, mais nous ne lui échappons pas.
Il vient à nous en Libérateur. Comme l’ont souvent
dit les sages de l’Ancienne Alliance : “Dieu était
là et je ne le savais pas”. Son Esprit vivant et vivifiant
rend pourtant témoignage à notre esprit que, grâce
au ministère de Jésus-Christ, notre frère aîné,
nous sommes tous ses enfants adoptifs.