Jean-Marie
Pelt
Jean-Marie Pelt, Professeur de biologie
végétale à l’Université de Metz.
Il est Président de l’Institut Européen d’Ecologie
et est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés aux plantes
mais également aux conséquences de la technique sur
la nature, en particulier à travers son livre : “Le
Tour du monde d’un écologiste”. Il s’est également
intéressé au thème autour duquel nous débattrons
ce soir à travers son ouvrage “Dieu de l’Univers”.
Le dernier ouvrage paru de J.M. Pelt est “Des Plantes en péril”.
J’ai été très
frappé par les travaux d’Américains (une équipe
de neurobiologistes américains menée par Spéri)
qui nous a appris, il y a quelques années, que nos deux hémisphères
cérébraux n’étaient pas tout-à-fait
symétriques, ce qui n’est pas le cas pour les autres primates.
Notre cerveau gauche, dit “cerveau dominant” est le cerveau
du langage. C’est aussi le cerveau dont nous avons besoin pour
produire ce que nous appelons la Science. C’est le cerveau rationnel.
Le cerveau du raisonnement déductif, logique, analytique et
on pourrait dire aussi réductionniste, en tout cas cartésien
et éminemment français.
La deuxième partie du cerveau, qui est le cerveau droit,
est plus apte à visualiser et à ressentir qu’à
analyser. Lorsqu’on voit un beau paysage, une belle toile dans
un musée, on est d’abord saisi et c’est au niveau
du cerveau droit que passent ces émotions. C’est un cerveau
qui fonctionne d’une manière plus synthétique et
qui, peut-être, est le siège des émotions et en
particulier les émotions qu’éprouvent les mystiques,
disons des états de conscience modifiée, comme on le
dit en employant le langage du cerveau gauche. C’est un cerveau
qui s’exprime par des métaphores, qui aime le raisonnement
analogique, et qui fonctionne en même temps que l’autre.
Et vous voyez que c’est par cette distinction qu’apparaissent
les deux grandes voies de la connaissance qu’on a toujours distinguées.
Le cerveau droit c’est celui des connaissances des sociétés
traditionnelles qui n’ont pas inventé la Science et qui
émanent, en fait, de tous les pays du monde, sauf de l’Occident.
L’Occident a inventé la Science, d’abord avec les
Grecs. Ensuite, à partir de la fin du Moyen-Age, nous nous
exprimons par des chiffres, par des lettres, par l’écriture.
Dans les expressions du cerveau droit, par contre, on s’exprime
davantage par des symboles, par des mythes, et Dieu sait que les mythes
sont quelque chose de très puissant.
C’est un mode d’expression et de connaissance différent
de l’expression analytique et rigoureuse, éventuellement
mathématique que nous avons l’habitude d’employer
lorsque nous nous servons de notre cerveau gauche.
Alors, lorsqu’on lit la Bible, ou plus particulièrement
les Evangiles, on est très frappé par le fait que ceux-ci
nous offrent des paraboles. Une leçon s’en dégage.
Cette leçon, c’est une vérité profondément
humaine, et cette vérité profondément humaine
n’a pas d’âge. Cette vérité profondément
humaine nous touche, comme elle touchait l’homme du Moyen-Age,
comme elle a touché les Juifs qui, les premiers, ont entendu
ces paraboles. Ce sont des récits imagés dont se dégage
quelque chose qui fait partie du patrimoine immémorial et éternel
de l’Humanité et c’est la raison pour laquelle cela
nous “parle” alors qu’il est mortellement ennuyeux
de lire un texte scientifique datant de plus de trente ans, parce
qu’il est complètement dépassé. Parce que,
avec notre cerveau gauche, nous progressons en même temps que
nous effaçons derrière nous nos traces. La Science,
c’est une sorte de marche en avant qui, comme nous le verrons
dans un instant, aboutit à des hypothèses toujours nouvelles,
qui se renouvellent, et où les dogmes sont rares parce qu’ils
s’effondrent, et sont sans cesse remis en question.Par contre,
ce qui est l’apanage de notre approche disons “droite”,
dont on pourrait dire qu’elle est plus féminine que masculine.
C’est quelque chose qui s’imprime en nous et qui semble
appartenir à une sorte d’intemporalité, échappant
aux règles du temps et de l’espace.
François d’Assise et Thomas d’Aquin.
Pour mieux comprendre cela, nous
allons évoquer en un court instant deux personnages que vous
connaissez tous : François d’Assise et Thomas d’Aquin.
François d’Assise, on le connaît parce que c’était
le père des écologistes.On sait qu’il a apprivoisé
un loup, donc il était capable de parler aux loups (c’est
tout du moins la légende). Il aimait aussi les oiseaux ; il
circulait suivi tantôt par un faisan, tantôt par un agneau,
qu’il avait réussi à faire échapper à
l’abattoir. S’il voyait des vers sur la route, il les mettait
de côté pour qu’un char ne vienne à les écraser.
Il se demandait pourquoi les fourmis faisaient tant de provisions
; il les trouvait peu chrétiennes, car, à ses yeux,
la foi, c’était s’abandonner complètement
au Seigneur, et il trouvait que les fourmis ne s’abandonnaient
guère. Pour les mouches, il trouvait qu’elles avaient
une curieuse habitude de proliférer, sans qu’on sache
exactement pourquoi et il essayait de les situer dans la Création
: Les situer scientifiquement dans les écosystèmes,
n’était pas vraiment le problème de François
d’Assise. Il est devenu la tête de file des écologistes
et, en même temps, il a réussi un tour de force extraordinaire
: il a mis autour de lui les représentants de toutes les religions,
ce que personne n’avait jamais fait à Assise. Donc c’est
un grand personnage.
Pourquoi je l’évoque ? Parce que ce personnage n’aimait
pas la Science, et il n’aimait pas la Théologie. Il trouvait
que les Frères devaient se nourrir de la Bible et de lectures
spirituelles et non pas “ratiociner” dessus. Il disait,
aux prêcheurs qu’il faut qu’ils fassent très
attention à eux, parce qu’ils ont tendance à dire
“ah ! j’ai fait un bon sermon !”. Alors ça,
c’est déjà le début de l’orgueil.Ainsi
il pensait qu’il fallait être humble et modeste.Il ajoutait
d’ailleurs aux trois vœux monastiques traditionnels à
son époque, une sorte de vœu d’humilité spirituelle.
Il n’a pardonné qu’à St Antoine de Padoue
d’être devenu théologien.Il pensait que le monde
avait bien plus besoin de grands spirituels que de grands savants.
A une époque où c’était les grands savants
qui étaient en train de conquérir petit à petit
le monde de la fin du Moyen-Age (et notamment Thomas d’Aquin
que nous allons rencontrer maintenant), il pensait qu’il ne fallait
pas que ses petits frères aillent dans les universités,
qu’il ne fallait pas qu’ils fassent des études compliquées,
qu’il fallait qu’ils s’en remettent entièrement
à la Sainte Parole de l’Evangile. C’était
typiquement une approche du cerveau droit : plus apurant que rationnel.Et
il aimait la création, il aimait les créatures. Et ses
extases sont mémorables. Il a passé la fin de sa vie
comme c’était prévisible : ses petits frères
l’ont envoyé promener (ce qui arrive toujours à
des personnages de cet acabit), et il a fini sa vie sur une montagne,
en contemplation et en extase quasi-permanente.
Thomas d’Aquin, c’est le contraire ; d’abord il n’est
pas ascétique parce qu’il est très gros. Dans son
monastère, on a fait un trou dans la table pour qu’il
puisse s’attabler. Et sa tête était encore plus
grosse que son ventre ! Parce qu’il a eu l’idée extraordinaire
de faire la synthèse de toutes les connaissances de son époque.
Ce qui était vraiment un pari extraordinaire, que d’ailleurs
plus personne n’oserait faire aujourd’hui. On a tellement
de connaissances qu’on ne pourrait plus même avoir l’idée
d’en faire la synthèse. Alors, St Thomas a entrepris d’écrire
ses fameuses “Sommes”, où il a passé à
la moulinette Aristote et Platon, (qu’il découvrait d’ailleurs
à travers les Arabes, à travers Averoès en particulier).
Il a énormément écrit, et on a dit : “c’est
le Docteur Angélique, parce qu’il peut parler intelligemment
de tout”. Jusqu’au moment où; tout d’un coup,
il s’est tu. Ainsi, ce cerveau gauche qui était rationnel,
logique, philosophique, mathématique, ce cerveau gauche parfait,
à un moment donné s’est tu.Et alors, le secrétaire
a demandé à Thomas : “Mais, Père, nous n’écrivons
plus rien ?” et le Père a répondu : “Oh, tu
sais, on a d’ailleurs bien trop écrit.” Il a trouvé,
lui aussi, que ce qu’il avait écrit était assommant
et il a dit : “écoute, tu peux mettre tout ça au
feu, ça ne vaut pas plus que de la paille et du foin.”
Son cerveau (je n’ose pas trop dire le droit, parce que je pense
que nous sommes pris par la dualité des deux cerveaux), s’était
embrasé, il était devenu complètement mystique.On
dit qu’il passait ses nuits à la chapelle, au lieu d’écrire.
Il y a trouvé un tel bonheur complet, que ses réalisations
humaines, pourtant gigantesques pour son époque, lui ont paru
à la fin de sa vie complètement dérisoires.
En toute honnêteté, je ne suis même pas sûr
que cela soit une vérité scientifique, ce cerveau gauche
et ce cerveau droit.Les publications des Américains que j’ai
lues laissent planer encore quelques doutes. On connaît très
mal le cerveau. De toutes manières, c’est une magnifique
métaphore en tout cas qui, elle, fonctionne très bien.
La Science, découle sans aucun doute davantage du cerveau
gauche tel que je l’ai décrit.Mais quand on étudie
les sociétés traditionnelles et la manière dont
elles connaissent les plantes-médicaments, on est frappé
de voir que les grands sorciers ou les grands initiés disent
que, sous hallucinogènes (mais pas forcément sous hallucinogènes),
ils voient que telle plante sert à ça et que, pour telle
maladie et pour tel malade, c’est cette plante-là qu’il
faut choisir. Donc il y a peut-être deux voies à la connaissance
: celle de type cerveau gauche et celle de type cerveau droit.
L’histoire de la Science par rapport à Dieu.
Évoquons maintenant l’histoire
de la Science par rapport à Dieu.
Jusqu’à l’époque de François d’Assise
et Thomas d’Aquin, au XIIIème siècle, les choses
s’étaient bien passées.Il n’y avait pas de
science. Il n’y avait que la foi en Occident.Mais ensuite, il
y a eu une science, qui a d’abord été la science
des théologiens. Puis après, il y a eu la Science qui
est devenue la Science des Hommes de Science en Occident. Puis est
apparu Copernic, qui a dit : “la Terre tourne autour du soleil
et non l’inverse”. C’était une affirmation scientifique
totalement révolutionnaire, qui allait contre la Bible.Mais
Copernic a eu deux chances dans sa vie : la première c’est
qu’il était l’ami du Pape et qu’il vaut mieux,
quand on a des idées révolutionnaires, être l’ami
du Pape que son ennemi, surtout au XVIème siècle. La
seconde, c’est qu’il est mort le jour où son livre
est paru et qu’il ne pouvait plus être poursuivi. Galilée,
lui, n’a pas eu la même chance ; il a repris les idées
de Copernic, il en a donné une démonstration expérimentale
avec sa lunette.Puis il a écrit des choses admirables pour
se défendre : il a dit qu’il ne voulait pas parler de
la manière dont on va au ciel, qu’il voulait simplement
expliquer comment va le ciel, comment ça fonctionne. Et c’était
déjà là, la distinction fondamentale entre la
science, qui est de l’ordre des “comment”, (comment
ça marche ?), et de la foi qui de l’ordre des “pourquoi”
c’est-à-dire de l’ordre du sens.
Ensuite on voit s’effondrer l’astrologie, grande science
du Moyen-Age et de l’Antiquité ; puis avec Lavoisier,
on voit s’effondrer l’alchimie ; puis on voit l’astronomie
prendre la place de l’astrologie ; Laplace, qui explique pour
la première fois le système global du monde. A Napoléon,
qui lui demande “Où est la place de Dieu dans tout ça
?”, Laplace répond : “Je n’ai pas eu besoin
de cette hypothèse”. Dieu commence à être
en recul et la Science commence à prendre sa place.
Puis arrive Darwin, qui dit en gros que l’homme descend du
singe, et cela choque énormément les gens dans l’Angleterre
victorienne. Et une vieille Lady anglaise dit : “Mon Dieu, quelle
nouvelle ! Si c’est vrai. Pourvu que la chose ne s’ébruite
pas”. En espérant que cela ne soit pas vrai. Mais c’était
vrai. Cela s’est ébruité, et l’on a donc appris
que l’homme n’était pas fabriqué avec de la
glaise, comme l’avait expliqué la Genèse, mais
qu’il descendait probablement des singes. Et alors, c’est
la deuxième grande révolution par rapport à une
Eglise qui s’en remet au texte de la Bible et qui se trouve coincée.
Et la Science a gagné. Et c’est le Scientisme. C’est
la fin du siècle dernier. Et c’est là que se met
en place la société moderne, avec la lutte, du curé
et de l ’“instit”, du calotin et du libre penseur,
de la Droite et de la Gauche.Et pour d’innombrables gens on en
est là : La Science a gagné, la Science dit la vérité.
Et la foi, on ne sait plus où la localiser.
Puis il y a eu ce siècle. Et ce siècle a totalement
modifié l’appréhension des choses. Il y a eu beaucoup
de bouleversements dans la science.Il y a d’abord eu Einstein,
qui a joué un drôle de tour à la science.La définition
même de la science par Newton et par les théoriciens
de la science, était qu’elle fonctionne sur des preuves
irréfutables, que les faits doivent être reproductibles,
qu’ils doivent être mesurables et qu’ils doivent être
évidents. Et voila qu’Einstein dit qu’il n’y
a pas trois dimensions mais quatre, ce qui n’est pas évident.
Mais ce qui est bien pire : il dit que l’espace est courbe (c’est
encore moins évident). Et il raconte comment il a découvert
cela : il a eu des intuitions.Et il s’est demandé (cela
prouve qu’il était un vai scientifique) : “Comment
vais-je faire pour expliquer rationnellement ce que je découvre
à mes collègues ?” C’était ça
son problème : comment faire passer du cerveau droit au cerveau
gauche ces découvertes, qui ont d’abord été
intuitives ? On a découvert également que le grand Newton,
qui était l’homme le plus rationnel du monde (un cerveau
gauche à l’état chimiquement pur) avait révélé
dans ses carnets (qu’on a découverts plus tard) qu’il
avait fait ses découvertes scientifiques par des sortes d’hallucinations
où il était en état de transe. Ce qui est absolument
contradictoire avec la rationalité du cerveau gauche. Ensuite
les physiciens ont inventé, toujours au début de ce
siècle, la physique quantique.Ils nous ont dit des choses extraordinaires,
qui ne sont pas évidentes du tout. Ils ont dit que la matière
n’était pas quelque chose de tangible comme nous le percevons
; c’était certes des corpuscules, mais c’était
aussi des vibrations ; c’était des ondes aussi ; c’était
l’un et l’autre.Lorsqu’on croyait mettre la main sur
un corpuscule, c’était une onde qu’on attrappait.
Les physiciens ont dit aussi que la mesurabilité est liée
aux observateurs et aux instruments de mesure : il y a une interaction
entre l’observateur et ce qu’il observe, de sorte que l’objet
observé, est l’objet que l’observateur observe et
pas forcément le réel. De plus, au-delà de ce
réel que l’on perçoit, il y a quelque chose que
l’on ne peut pas percevoir, parce qu’on n’a pas les
instruments et les moyens. Ainsi il y a, quelque part, quelque chose
que les quanticiens appellent le “flou quantique”. Et quand
les astronomes parlent du Big-Bang, ils disent qu’il n’est
pas possible de situer le moment exact du Big Bang, parce que ça
se perd dans le flou quantique. Vous voyez que la science butte quelque
part.Ce n’est plus le scientisme bien fermé sur lui-même
de la fin du siècle dernier.La physique a ouvert des voies
tout à fait nouvelles et dans les ouvrages de Bernard d’Espagnat,
tout cela est bien expliqué.
Et puis arrive l’astrophysique, le principe anthropique, qui
se résume par l’idée suivante : pour que l’homme
puisse être et être là, aujourd’hui, il faut
que, dès l’origine, tous les paramètres de l’univers
soient tels que cela soit possible. Si un seul paramètre physique
de l’univers au moment du big bang avait été un
petit peu différent, ni la vie, ni l’homme n’auraient
été possibles. Donc, “l’univers savait que
nous allions venir”. C’est exactement le contraire de ce
que disait Monod. L’Homme était en gestation dès
ses origines.
Et puis pour terminer arrive la biologie. La biologie, jusqu’à
ces toutes dernières années, c’était Darwin
: tout le processus de l’évolution était basé
sur la sélection naturelle et sur les mutations. Les mutations
modifient les êtres et le milieu les trie. Mais cette idée
simple, malheureusement, est trop simple, c’est un paradigme
qui est en voie de perdition. Darwin est en cours de naufrage au moment
même où je parle. Mickael Denton, un néo-zélandais,
avec des arguments extrêmement pertinents, critique le darwinisme.
Le Darwinisme est en difficulté. Et là intervient une
jeune française, Mme Dambricourt Malasse, qui a étudié
les cerveaux fossiles depuis 60 millions d’années et qui
montre que le cerveau a évolué tout le temps dans la
même direction. D’abord, il était petit et derrière,
ensuite il est devenu gros et devant. Et cela s’est fait par
étapes successives : A des moments précis, ça
change brusquement ; et on voit ce cerveau devenir le cerveau humain,
par un mouvement qui n’est pas la sélection naturelle
et qui n’est pas non plus une mutation.On ne sait pas comment
ça se fait. Vous voyez que les grandes certitudes de la fin
du XIXème siècle sont en cours de perdition, de renouvellement.
La Science n’est pas en péril, mais elle a acquis une
certaine modestie.
Dans ma vie, je ne trouve plus aucune contradiction entre ma foi
et mon activité scientifique. Cela tient sans doute à
mon tempérament et à mon éducation. Au début
de ma vie je voyais beaucoup de contradictions. Mais ces contradictions,
je les sens aujourd’hui très ouvertes, beaucoup moins
prégnantes, d’autant plus que le monde de la foi s’est
soumis à la rigueur scientifique. On étudie les textes
sacrés avec toute l’objectivité des sciences contemporaines.
Ceci se fait sans conflit violent.
Une amie a posé un jour cette question à Ghandi :
où est la vérité ? Et Ghandi lui a écrit,
en guise de réponse, sur un papier qu’elle a soigneusement
conservé : Dieu est la vérité.
Une question sur la bioéthique (au cours de la discussion).
Vous avez pu voir les réactions immédiates en ce qui
concerne le clônage de la brebis Dolly.Immédiatement,
on a vu l’unanimité se faire, parce qu’on craint
qu’un jour on clône des humains. Il faut bien savoir que
ce n’est pas depuis quelques mois seulement qu’on clône.
Les plantes, on les clône depuis très longtemps et les
animaux aussi ; simplement, il y a eu une information qui a été
médiatisée. Ca prouve que nous sommes quand même
très sensibles à tout ce qui touche les possibilités
de transformation de l’être humain, tel qu’il est
naturellement engendré par les lois de la biologie.Nous n’avons
pas la même sensibilité en ce qui concerne ce qui est
non humain.
Cette distinction m’a beaucoup frappé et là,
je vais être un peu provocateur. Ce débat sur la brebis
est arrivé en même temps que le débat sur le transfert
des gènes. Vous savez qu’on a transféré
des gènes humains à des cochons, pour les faire grossir
plus vite. Ce qui est curieux, c’est ce qu’ont fait les
américains : on transfère des gènes de chien
à du tabac pour lui faire produire un médicament.Et,
en ce qui concerne les plantes, on transfère les gènes
dans tous les sens.Il y a alors plusieurs points de vue qui sont en
contradiction.
Un point de vue, qui est nettement majoritaire en ce moment, a tendance
à dire : “touche pas à l’homme, mais avec
le reste tu fais tout ce que tu veux, y compris de descendre (dans
“l’échelle des êtres” NDLR) : Tu peux
prendre quelque chose de l’homme et le donner à une violette,
à un chien, à tout ce que tu veux. Mais pas dans l’autre
sens. Dans l’autre sens, tu ne touches pas à l’homme.
Tu ne prends pas un gène de chien pour le mettre sur un être
humain”.
Et il y a deux positions minoritaires par rapport à cette
position majoritaire.Il y a la position non dite, mais qu’on
entend quand même dans les couloirs. C’est celle-ci : “moi,
je suis scientifique et je fais ce que je veux, c’est-à-dire
ce que je sais faire. Ce que je sais faire, je le ferai”. Ce
n’est jamais dit comme ça, mais ça traîne
dans beaucoup de têtes scienfiques et là, le problème
d’éthique se pose d’une manière immédiate.
Tout à fait à l’inverse, il y a une thèse
minoritaire qui pose la question : “d’accord, pour l’homme,
on n’y touche pas.Mais : est-ce qu’on peut faire n’importe
quoi avec les animaux et avec les plantes ?Et la réponse est
non. On ne peut pas faire n’importe quoi non plus. Il y a aussi
le respect pour la vie, qui est la création, et qu’on
ne peut peut-être pas bousculer n’importe comment.
En ce qui me concerne, je pense que je me situerais dans cette troisième
option qui est minoritaire.Je constate en effet qu’il y a une
sensibilité de plus en plus grande pour les animaux et que,
si l’on clônait par exemple les chiens, le chien de votre
voisin de palier serait le même que le vôtre.
Enfin, un dernier mot en ce qui concerne les plantes transgéniques.
C’est un débat très important, parce que là,
nous passons une barrière que la nature n’a pas franchie.
J’ai des amis scientifiques très proches avec lesquels
je travaille qui disent : attention, les gènes modifiés
sont des gènes qui muteront plus vite que les autres et qui
peuvent ainsi générer des phénomènes que
nous ne connaissons pas.
Donc il faut un moratoire, il faut d’abord réfléchir
et voir où l’on va. Nous avons été dans
ce pays entendus puisque, vous le savez peut-être, le gouvernement
n’a pas donné son accord pour la culture du maïs
transgénique, qui était la première plante transgénique
modifiée entrée en France. L’Italie, puis l’Autriche
ont suivi la France et les suisses vont voter bientôt. Il y
a une prise de conscience que l’éthique va peut être
plus loin qu’on ne le croit.
Jean-Marie
Pelt