Les Juifs firent cercle autour
de lui et lui dirent : “Jusqu’à quand vas-tu nous
tenir en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement”.
Jésus leur répondit : “Je vous ai parlé
et vous ne croyez pas.Les œuvres que je fais au nom de mon Père
me rendent témoignage, mais vous ne me croyez pas parce que
vous n’êtes pas de mes brebis.
.........
Les Juifs à nouveau ramassèrent des pierres pour le
lapider. Mais Jésus reprit : “Je vous ai fait voir tant
d’œuvres belles qui venaient du Père.Pour laquelle
de ces œuvres voulez-vous me lapider ?” Les Juifs lui répondirent
: “Ce n’est pas pour une belle œuvre que nous voulons
te lapider, mais pour un blasphème, parce-que toi qui es un
homme, tu te fais Dieu”. Jésus leur répondit :”N’a-t-il
pas été écrit dans votre loi : J’ai dit
: vous êtes des dieux ?Il arrive donc à la loi d’appeler
dieux ceux auxquels la parole de Dieu fut adressée. Or nul
ne peut abolir l’Ecriture. A celui que le Père a consacré
et envoyé dans le monde, vous dites “Tu blasphèmes”
parce que j’ai affirmé que je suis fils de Dieu.Si je
ne fais pas les œuvres de mon Père, continuez à
ne pas me croire. Mais si je les fais, quand bien même vous
ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres. Et ainsi vous connaîtrez
et vous connaîtrez de mieux en mieux que le Père est
en moi comme je suis dans le Père.
Jean 10/24-38
Une fois de plus, à la question posée : “Es-tu
le Messie ?”, Jésus ne répond pas par un oui franc
et massif.Les bibles en français essayent bien de tirer la
réponse vers le oui en traduisant le grec “eipon umin”
par “je vous l’ai dit”. Saint Jérome, plus fidèle,
traduisait en latin “loquor vobis” : je vous ai parlé.
Et Jésus explique que le vrai débat porte sur son
travail, sur ce qu’il a fait et non pas sur ce qu’il est.
Ses œuvres témoignent pour lui bien mieux que tous les
titres glorieux que les autres veulent lui faire porter.L’évangéliste
Jean (mais aussi les autres évangélistes) fait donc
un terrible retour en arrière par rapport aux épîtres
pauliniènnes qui ne parlent que du Messie et jamais de ses
œuvres.
Qu’est-ce d’ailleurs que le Messie ? La pensée
juive sur ce point est à l’époque très diverse.
Pour les uns, le Messie est le nouveau roi, tout ce qu’il y a
de plus humain, pas du tout surnaturel, qui chassera les Romains et
restaurera Israël dans ses droits légitimes.Pour les autres,
il est le rédempteur surnaturel qui bouleversera le Temps et
inaugurera le grand jugement de Dieu. On comprend que Jésus
n’aie pas voulu se laisser enfermer dans ces catégories
puisqu’il n’a été ni l’un ni l’autre.
Donc Jean se méfie pas mal de ce titre de Messie et préfère
situer Jésus par rapport à son travail, à ses
réalisations, celles qui donnent la vie. Donnez donc la vie
à tous ces pauvres gens au lieu de perdre votre temps à
vous poser des questions métaphysiques sur les titres à
donner à Jésus.
Mais le débat rebondit, car le vrai blasphème, ce
n’est pas d’être pris pour le Messie, mais d’être
pris pour Dieu lui-même. Et voila que Jésus s’embarque
dans une théologie osée : ceux qui recoivent la Parole
de Dieu sont dieux eux-mêmes ! L’homme est divinisé
par la Parole. Celle-ci unit celui qui la proclame et celui qui la
reçoit dans une même atmosphère divine.Pour Jean
la Parole est Dieu (cf. prologue), mais l’homme, touché
par la Parole, participe aussi au Divin.
Alors, si beaucoup sont appelés dieux, Jésus le premier
peut l’être, évidemment. Jésus n’est
pas Dieu tout seul ; il l’est avec la multitude de ceux qui sont
touchés par la Parole.
Le seul titre que Jésus parait accepter est celui de fils
de Dieu. Mais tout bon juif est fils de Dieu. C’est pour cela
que les prières juives (et chrétiennes) commencent par
“Notre Père”.
Et Jésus ramène une fois de plus le débat sur
les œuvres qu’il fait au nom de Dieu. S’il faut croire
en quelque chose, c’est en ce travail qu’il a accompli,
travail de solidarité vis-à-vis des malades, des souffrants
et des exclus. Voila les œuvres d’amour qui, mieux que les
titres ambigus, expliquent comment Jésus s’est approché
de Dieu.
Henri
Persoz