Si le cinéma nous intéresse
en tant que chrétiens embarqués dans laventure
de ce monde, cest parce quil ne cesse dinventer
des histoires où se croisent, saiment et se déchirent
des hommes et des femmes qui nous ressemblent. Derrière linfinie
variété des situations, il est intéressant de
noter, dun film à lautre, la parenté dun
certain nombre de dispositifs psychologiques dont la récurrence
même peut alimenter notre connaissance de lhumain. Cest
ainsi que cet automne plusieurs uvres de qualité nous
auront proposé ce schéma sans doute classique dans lhistoire
du septième art : le face à face de deux personnages
totalement antithétiques.
Nous nous souvenons encore de LETERNITÉ ET UN JOUR
où le hasard de la rue lie un vieil intellectuel riche de souvenirs
et de remords et un petit albanais dénué de tout.
Dans MY NAME IS JOE, de Ken LOACH, Joe, prolo, chômeur, ex-alcoolo
et Sarah, lassistante sociale petite bourgeoise se rencontrent
sur les lieux de la drogue et du malheur, le premier parce que c'est
un brave type prêt à aider et la seconde parce que cest
son boulot. La curiosité réciproque et quelque chose
en plus les rend amoureux mais les règles de vie auxquelles
chacun se réfère sont tellement dissemblables que laventure
reste fragile et que les nuages viennent vite gâter cette joyeuse
lumière.
La passion amoureuse, avec tout ce quelle comporte dirrationnel,
est au tout début de lECOLE DE LA CHAIR, de Benoit JACQUOT.
Dominique, magnifique Isabelle Huppert !, a le coup de foudre pour
Quentin le barman. elle le veut. Bourgeoise bien située elle
aussi socialement intelligente et fine, la quarantaine, elle accapare
ce gamin fruste et ambigu qui essaie maladroitement de tirer parti
de la situation. Mais ces deux "monde" peuvent-ils sunir
? On naura même pas droit à lesquisse dun
espoir quamorçait dans sa dernière image le film
précédent.
Avec LA VIE REVEE DES ANGES, dErick ZONCA, qui eut le succès
quil méritait, les deux personnages féminins semblent
avoir, cette fois, des affinités. Toutes deux "galèrent"
et squattent un appartement.Mais le tempérament, dautres
diront le destin, et sans doute aussi un passé différent,
ne vont cesser de les éloigner lune de lautre jusquà
jeter lune vers la haine et la mort et conforter lautre
dans son besoin de vivre et daimer.
On comprend que les cinéastes provoquent ces confrontations.
Etre deux figures que séparent plus ou moins diamétralement
lâge ou largent ou la culture etc
souvre
à limagination un large espace dinventions, une
pâte extrêmement riche de sentiments et de situations
à pétrir. Ce ne sont pas forcément, Dieu merci
!, les chocs que nous-même subissons, mais cest en ce
sens que le cinéma est une provocation, la même proposition
de renvoyer notre regard vers la société humaine dans
sa complexité et finalement vers notre propre mystère
intérieur. Zonka avait dabord voulu intituler son film
CROIX, au sens de croisement, déclarait-il, de rencontre, au
sens de porter sa croix
sans connotation mystique, précisait-il
immédiatement. Certes. Il nempêche que croiser,
parfois, lêtre qui nous est le plus dissemblable risque
dêtre pour nous une bien cruciale expérience, renvoyés
alors face à Celui qui soffre à chacun comme le
point de rencontre et de réconciliation de toutes les créatures
de Dieu.
Jean
Domon