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articles du N° 164 - Mars 2003

( sommaire )

Des ambiguïtés des techniques modernes

Les portables sont de plus en plus sophistiqués. Des E-mails et des techniques de plus en plus performants permettent une diffusion extraordinaire de l'information. En appuyant sur quelques touches on peut envoyer des messages aux quatre coins du monde par dizaines de destinataires. Magie de communication à distance. Ubiquité ? S'il s'agit d'information fort utiles, c'est un succès. Mais j'ai constaté un pataquès parce que des “ informés ” n'avaient pas cru devoir répondre à une information ne les concernant pas. Si cette précieuse information doit être considérée comme un échange personnel, n'y a-t-il pas une dévalorisation de la qualité des échanges entre les êtres ? Utilisons à plein les moyens nouveaux mais pour améliorer les relations humaines. La confiance nait de la confidentialité.

Le monde politique, économique, littéraire ou sportif est englué dans des contradictions. Et aussi le monde ecclésiastique.

Des apôtres de l'Évangile des Béatitudes prônent la guerre. Des tenants des Droits de l'homme manifestent pour la défense du pouvoir d'un tyran sanguinaire. Des orateurs luttent contre la pauvreté dans le monde mais vivent dans une abondance obstantatoire. Ceux qui demandent des restrictions, s'offrent des augmentations de salaires. Les adeptes d'une religion de paix se lancent dans des actes meurtriers. Des pacifistes menacent de violences. Des écologistes sont opposés à l'énergie renouvelable des éoliennes. Des pays vendent des armes (bien cher) et s'étonnent que les acheteurs s'en servent (parfois contre eux..). Des Églises au régime épiscopal constatent avec regret l'affaiblissement des initiatives et des reponsabilités des Églises locales.

Chaque lecteur pourra ajouter nombre de contradictions dans les êtres et les sociétés.

Sur le plan personnel, seule une orientation décidée, seule une foi dans la recherche d'absolu et de transcendance, seule la vision vers l'Ultime de l'être peut donner cohésion à une vie humaine. De même pour les peuples et les sociétés.

L'évangile de Jésus propose cette unité de l'être et de l'humanité.

Christian Mazel

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Textes divers

Tu sais mieux que moi

Tu sais mieux que moi

Seigneur, tu sais mieux que moi que je vieillis,

et qu'un jour je ferai partie des “ vieux ”.

Garde-moi de cette fatale habitude

de croire que je dois dire quelque chose

à propos de tout et en toutes occasions.

Débarrasse-moi du désir obsédant

de mettre en ordre les affaires des autres.

Rends-moi réfléchie mais non maussade,

serviable mais non autoritaire.

Il me parait dommage de ne pas utiliser

toute ma vraie réserve de sagesse,

mais tu sais, Seigneur...

que je voudrais garder quelques amis.

Retiens-moi de réciter sans fin des détails,

donne-moi des ailes pour parvenir au but.

Scelle mes lèvres sur mes maux et douleurs,

bien qu'ils augmentent sans cesse

et qu'il soit de plus en plus doux,

au fil des ans, de les énumérer.

Je n'ose pas te demander d'aller jusqu'à prendre goût

au récit des douleurs des autres,

mais aide-moi à les supporter avec patience.

Je n'ose pas te réclamer une meilleure mémoire,

mais donne-moi une humilité grandissante,

et moins d'outrecuidance

lorsque ma mémoire se heurte à celle des autres.

Apprends-moi la glorieuse leçon qu'il m'arrive de me tromper.

Garde-moi. Je n 'ai pas tellement envie de la sainteté :

certains saints sont si difficiles à vivre !

Mais une vieille personne amère

est assurément l'une des inventions suprêmes du diable.

Rends-moi capable de voir ce qu'il y a de bon

là où on ne s'y attendait, et de reconnaître des talents

chez des gens où on n'en voyait pas.

Et donne-moi la grâce pour le leur dire...

Amen.

Écrit par une religieuse anglaise du XVIIe siècle
(Cathédrale de Canterbury).

Simplement être chrétien

J'ai eu le privilège, très jeune, de devenir un adepte de la non-violence, ce qui m'a jeté dans l'opposition contre toutes les violences. Écoutez-moi donc. J'ai été opposé à la haine anti-allemande qui régnait en France après 1918 ; on m'a stigmatisé comme un communiste dès 1927.

J'ai été opposé au nazisme naissant en Allemagne ; on a prétendu, en Allemagne même, que j'étais un propagandiste français venu pour berner les Allemands.

J'ai été opposé à la course à la guerre ; on m'a accusé d'être un complice d'Hitler.

J'ai été contre la guerre en 1940 ; on m'a dénoncé comme agent de la 5e colonne, puis comme fasciste italien clandestin à cause de ma femme. J'ai résisté contre l'occupation allemande et contre la vassalisation de Vichy ; on m'a dénoncé comme agent de l'Angleterre, puis comme Américain, puis comme juif, puis comme communiste de nouveau. Je me suis opposé aux représailles infligées aux prisonniers allemands ; on m'a de nouveau considéré comme un “ boche déguisé ”.

Or, j'essayais simplement d'être chrétien. C'est l'opinion qui tombait d'une violence dans l'autre.

André Trocmé (1901-1971)

Pardon

Pardon pour cette fille que l'on a fait pleurer

pardon pour ce regard que l'on quitte en riant pardon pour ce visage qu'une larme a changé

pardon pour ces maisons où quelqu'un nous attend et puis pour tous ces mots que l'on dit mots d'amour et que nous employons en guise de monnaie

et pour tous ces serments qui meurent au petit jour pardon pour ces jamais

pardon pour ces toujours.

Pardon de ne plus voir les choses comme elles sont

pardon d'avoir voulu oublier nos vingt ans

pardon d'avoir laissé s'oublier nos leçons

pardon de renoncer à nos renoncements

et puis de se terrer au milieu de sa vie

et puis de préférer le salaire de Judas

pardon pour l'amitié

pardon pour les amis.

Pardon pour ces hameaux qui ne chantent jamais

pardon pour les villages que l'on a oubliés

pardon pour les cités où nul ne se connaît

pardon d'être de ceux qui se moquent de tout

et de ne pas avoir chaque jour essayé

et puis pardon encore

et puis pardon surtout

de ne jamais savoir qui nous doit pardonner.

Jacques Brel (1929-1978)

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Mon ado me fatigue !

Ses voisins auraient dit de lui que c'était “ un jeune blanc bec ”. En fait un ado, comme on en croise si souvent. Boutonneux, la démarche un peu gauche dans un corps mal apprivoisé, habillé Nike, le blouson Elesse et le Jean de marque. Le baladeur collé aux oreilles et le soir vissé sur l'ordinateur.

Chaque jour les mêmes litanies reviennent, comme une liturgie aux heures sonnées.

Le matin : “ Tu vas être en retard ” - “ mets ton anorak ” - “ n'oublies pas ton carnet de correspondance ” - “ Non, tu manges à la cantine ” - “ non je ne te dispense pas de gym ”.

Le soir : “ et tes devoirs ? ”

Au repas : - “ arrête de ne manger que du pain ” - “ Ton coude sur la table ” -

“ Tu pourrais faire autre chose que regarder la télé et jouer sur ton ordi ”.

Et de temps en temps la grande messe avec des cris, une porte qui claque, une injure qui vole, ou de longs moments de mutisme.

Les parents sont dans une peur vigilante : “ pourvu qu'il ne se drogue pas, qu'il rentre ce soir et qu'il ne lâche pas ses études ” !

Période nécessaire et délicate où l'enfant est pris avec ses propres violences internes et externes. Il fait l'apprentissage de la liberté et de l'autonomie. L 'ado a besoin de s'opposer pour s'affirmer, de trouver un projet pour exister, d'errer pour se trouver.

La tentation est grande alors pour les parents de modéliser son enfant sur le modèle familial. Digne produit familial, héritier de la culture et des aspirations parentales ! Beaucoup d'adultes vivent leur vie dans la loyauté aux projets de leurs parents, y compris dans leurs projets de couples et leurs choix professionnels. L 'enjeu est de trouver le juste milieu entre ce que les parents transmettent d'eux-mêmes, et l'expression de l'individualité de l'enfant dans son choix de vie.

Freud écrivait que “ quoi que fassent les parents, ils feront mal ”. C'est dire que l'adolescent, et certains adultes ne le font que bien plus tard, au besoin, quels que soient ses parents de prendre distance des modèles qu'ils a reçus pour tourver la propre expression de son être. Eduquer, c'est bien “ conduire hors de.. ”.

Atteindre la maturité, devenir adulte passe par une mise à distance et une appropriation de ce que chacun a reçu. Se séparer de ses parents prend parfois toute une vie.

Jean-Paul Sauzède

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Appelés à une vie nouvelle
(Évangile selon Marc, chapitre 10 versets 17 à 28)

Pour entrer dans ce texte, on peut suggérer de commencer par la fin. On y trouve en effet cette phrase de Pierre, “ Eh bien ! nous, nous avons tout laissé pour te suivre ” (v. 28), où s'exprime un certain contentement de soi. Comme pour nous avertir d'emblée qu'il peut y avoir des richesses “ spirituelles ” aussi redoutables que les richesses matérielles et que, malgré les apparences, le plus riche n'est pas forcément celui qu'on pense !

Devoir, faire, avoir

Et pourtant l'homme qui vient vers Jésus, ce jour-là, est riche à tous points de vue. Sur le plan culturel et religieux, il est instruit, il connaît les Écritures. Sur le plan spirituel, il a “ depuis sa jeunesse observé ” la Loi de Dieu (v. 20). Sur le plan social, c'est un homme, ce qui avait son importance, et il nous est dit “ qu'il avait de grands biens ” (v. 22). C'est un “ notable ” indiquera Luc (18/18). Il est “ jeune ” précisera Matthieu (19/22). Cet homme a tout pour lui. Et d'ailleurs les termes mêmes de la question qu'il pose sont révélateurs de sa condition et de sa compréhension du monde. “ Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? ” (v.17).

En homme qui partage la piété juive de son temps, la vie éternelle ne peut être qu'une réalité qui se mérite par l'obéissance à la Loi. Homme de pouvoir et de pratique, la vie éternelle ne peut être que le couronnement de ses oeuvres humaines, de son faire. Homme riche enfin, la vie éternelle ne peut être qu'une réalité que l'on a, dont on hérite, dit le sens littéral.

Devoir, faire, pour avoir. Vingt siècles plus tard ce sont les mêmes verbes qui conduisent le monde, suivant les mêmes impératifs de la performance et de la rentabilité, dans une société où il vaut mieux être “ jeune, riche, beau, en bonne santé, compétent, performant ” si on veut être reconnu.

Dieu seul est bon

Devoir, faire, pour avoir. L'homme riche n'a encore que ces mots à la bouche, mais toute sa démarche atteste qu'il a déjà compris leur caractère illusoire et leur impuissance à donner un sens à sa vie. Alors c'est en courant, qu'il se jette aux genoux de Jésus et qu'il l'implore, comme on demande une guérison. “ Bon Maître, que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle ? ” (v.17). Jésus a devant lui un homme insatisfait qui, “ depuis sa jeunesse ” (v.20), a pratiqué la Loi en vain.

Un homme tourmenté parce qu'il veut agir et faire le bien par lui-même, pour lui-même et qu'il n'en fait jamais assez. Un homme désespéré parce que la Loi est désespérante.

Alors quand l'homme lui dit “ Bon maître ”, Jésus répond “ Nul n'est bon que Dieu seul ” (v.18). Ces mots constituent la clé de compréhension du texte. Ils ruinent, en effet, toute l'entreprise de cet homme, sa prétention à trouver par lui-même des chemins de bonté et de perfection. Ils prennent à contre-pied les logiques humaines du mérite et de l'efficacité. Désormais le salut n'est plus lié à nos réussites, ni entamé par les échecs qui nous blessent mais il est l'oeuvre de Dieu seul, que rien, ni personne, ne saurait nous ravir. “ Dieu seul est bon ” dit Jésus et c'est pourquoi regardant l'homme riche, “ il se prit à l'aimer ” (v.21).

Un changement de vie

Jésus toutefois n'en reste pas là. Son interlocuteur avait toujours trois verbes à la bouche, qui toujours ramenaient à lui : devoir, faire, pour avoir. Et Jésus lui répond par des verbes qui tous signifient le mouvement de sortie de soi, l'abandon des fausses sécurités, le renoncement aux richesses, la gratuité du don, la mise en route avec lui : “ va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres, puis viens et suis-moi ” (v.21). Ainsi la rencontre avec le Christ ne laisse pas indemne. Et le salut, reçu gratuitement de lui, appelle une réponse personnelle.

Après le salut impossible que proposait la Loi, puis le salut incroyable qu'offre le Christ, le texte parle d'un salut qui transforme l'existence.

Cet homme voulait la vie éternelle et Jésus lui offre une vie nouvelle. Ainsi, l'Évangile n'est pas un message mièvre et rassurant permettant d'assurer le confort spirituel d'une société en manque de sens. Il ne réclame pas un simple aménagement de la vie, mais il appelle à un changement de vie. La parole de Jésus est ici très claire. Elle déloge des sécurités factices et illusoires que l'être humain sans cesse se construit. Confesser le Christ c'est choisir de le suivre et vivre de sa Parole qui démasque et bouscule les idoles familières.

Une vraie bonne nouvelle

Toutefois, un tel travail de conversion, de dépossession, n'est pas facile. Il paraît même hors de portée. C'est pourquoi le jeune homme s'en va “ tout triste car il avait de grands biens ” (v.22). Était-il triste parce qu'il s'était senti incapable de suivre le chemin que Jésus lui proposait, tout en regrettant déjà de n'avoir pas pu saisir la chance d'une vie vraiment nouvelle ? Était-il triste parce qu'il avait bien compris les paroles de Jésus et qu'il avait décidé, à contrecoeur, de se séparer de tous ses biens, mais sans parvenir à vivre cela comme une bonne nouvelle ?

Etait-il triste d'avoir dit non, était-il triste d'avoir dit oui ? On ne peut répondre à ces questions. Mais ce qui est sûr c'est qu'il est parti “ tout triste ”. Les disciples eux-mêmes s'interrogent et s'exclament : “ Mais alors qui peut être sauvé ? ” (v.26). Et Jésus répondit “ Aux hommes, c'est impossible, mais pas à Dieu, car tout est possible à Dieu ” (v.27). Il est bien dommage que l'homme riche n'ait pas entendu ces dernières paroles de Jésus, car sans doute l'auraient-elles consolé. Il aurait pu comprendre que l'ultime ne nous appartient pas, mais qu'il est dans les mains de Dieu. Désormais, quoi qu'il arrive, la bonne nouvelle en reste vraiment une.

Michel Bertrand

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Quel sens donner à la vie ?

Mais est-il possible de lui donner un sens ?

La vie n'est-elle qu'une symphonie tragique ?

La vie a-t-elle un sens ?

La question mérite d'être posée.

La tradition biblique se la pose, et donne, parmi d'autres, une réponse étonnante que je vous livre :

La vie est absurde. Insensée.

En vocabulaire biblique “ Tout est absurde et dérisoire, dit Qohéleth, tout est dérisoire ; littéralement : vain, vain, tout est vain ” (Qohéleth 1,2).

Personnellement, je fais mienne cette analyse, et je me méfierai de moi-même chaque fois que je penserai en maîtriser le sens, car alors ne serai-je pas loin de m'ériger en censeur ?

Le pasteur Daniel Lys écrit :

“ Plutôt que de bâtir un camouflage explicatif sécurisant, reconnaître qu'il nous faut vivre à contre-courant, en repérant les contresens ”1.

La dignité de la vie humaine réside dans ce courage d'être, à contre-courant, à contresens, dans une quête jamais aboutie, mais qui nous ouvre à un cheminement possible.

Ce cheminement passe par un arrachement.

Arrachement de la tyrannie des apparences, de la tyrannie des évidences.

Ce qui rend possible ce courage d'être, cette obstination, cette résistance au tragique et à l'absurde, pour moi chrétien protestant, réside dans cette parole qui vient, qui brise nos évidences et nous met en chemin, vers les autres, vers nous-même, vers Dieu.

Plutôt que de sens à donner à notre vie, je préfère employer le terme de vocation.

Car qui dit vocation dit appel.

Par moi-même, je ne peux rien faire. Il faut qu'une parole me rencontre.

Parole venue d'ailleurs, parole autre qui me permet d'être autrement.

“ Qui ouvre, dans nos coeurs, des chemins ”, dit le psaume 84.

Je souligne le pluriel du mot chemin.

Dans nos coeurs, des chemins possibles.

Car la vie est cheminement, non sans tâtonner, non sans trébucher. Trébuchement, tâtonnement sont déjà cheminement.

“ N'oublie jamais que tu es un voyageur en transit. Tout tient au chemin. Nous sommes plus près du lieu recherché lorsque nous sommes en chemin que lorsque nous nous persuadons d'être arrivé ”2, dit le rabbin Ouaknin, et le pasteur A. Dumas de s'écrier : “ Éternel : tu es moins le terme que la brèche, moins l'horizon que la marche ”3.

Etre homme, femme en chemin, du chemin, c'est redécouvrir que l'homme est fondamentalement un être “ vers ”.

Vers les autres, vers lui-même, vers son Dieu.

- Va, disait le Dieu de la Bible à Abraham, notre père, et sois bénédiction.

Aller, aller vers soi, vers les autres, vers son Dieu, et risquer une parole de bonheur, contre toutes les évidences du malheur.

Risquer une parole de faiblesse, contre toutes les revendications de la loi du plus fort.

Risquer un geste de paix, contre le cercle infernal de la violence,

Risquer un geste de justice, fusse au coeur de l'injustice la plus extrême.

Oui, risquer une vie à contresens, à contre courant, une vie insensée, mais “ n 'avons-nous jamais eu d'autre chois, qu'entre une parole folle et une parole vaine ? ”4 (C. Bobin)

Alors notre vie ne sera plus une symphonie tragique, mais l'ouverture, le premier mouvement d'une symphonie contre le tragique, qu'il nous appartient d'interpréter, ensemble, chacun selon son pupitre, sa partition, son instrument, sa vocation.

Une parabole, pour finir :

L'homme n'est-il pas comme un aveugle, enfermé dans une maison verrouillée ?

A sa disposition, il trouve nourriture, amour et jeux. Mais il étouffe.

Car le voilà réduit à lui-même. Que viennent la maladie, la querelle, l'ennui ou le deuil, alors surgissent l'angoisse et le désespoir. Une seule constatation :

Cela est tragique, cela est absurde. Et c'est la suite sans fin des pourquoi...

Survient une voix :

- Va ouvrir la fenêtre.

- Elle est par-là : laisse toi guider.

Si d'aventure l'homme prête attention à cette voix, il peut parvenir jusqu'à elle.

S'il écoute les conseils de la voix, ses recommandations, il peut parvenir à l'ouvrir.

Alors il sentira le vent sur son visage.

Alors, même aveugle, il sentira la chaleur de la lumière sur ses yeux clos.

Il sentira l'odeur de la rosée sur la fleur. Et plus rien ne sera jamais comme avant.

Peut-être même pourra-t-il se mettre en chemin vers la porte, à laquelle frappe son Dieu ?

Jean-François Breyne

1. In Des contresens du bonheur, ou l'implacable lucidité de Qohéleth, Edition du Moulin, 1998, Poliez-le-Grand (Suisse), p. 73.

2. In Les symboles du Judaïsme, Editions Assouline, p. 28-30.

3. In Cent prières possibles, Editions Cana, 1988, p. 9.

4. In L'homme qui marche, Le temps qu'il fait, 1995, p. 34.

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Salut, l'Église !

Petit conte pour le Temps de la Passion

“ Quand, au sommet de la côte et au pied de l'arbre solitaire où il avait souvent médité Xavier revit le clocher du vieux temple, il s 'écria : Salut, l'Église, et il se sentit enfin à la maison... ”

Et lui vinrent, après tant de périples et de péripéties, ces quelques réflexions qu'il ne pouvait plus contenir et qu'il allait partager avec son ami d'enfance.

Dans l'Église, point de salut !

Il fallait bien, une fois, en finir avec la célèbre formule de saint Cyprien “ Hors de l'Église point de salut ” et en prendre le contre-pied.

Il avait trop souffert de voir sa chère Église protestante, même loin des abus de Rome, glisser dans les mêmes travers : une institution qui se prend pour le centre, sinon du monde du moins de la société, des clercs qui deviennent des hommes d'appareil, un retour à peine masqué vers des doctrines dépassées et érigées en règles de foi incontournables, une bureaucratie fière de son équipement électronique, une liturgie à faire fuir le malheureux en quête de spiritualité, et ce balancement vertigineux entre la condamnation sans appel d'une humanité pécheresse certes mais surtout désespérée et l'effort inefficace d'une adaptation aux moeurs et aux idées du temps.

Il avait donc, comme tant d'autres, pris ses distances, cherché ailleurs, souvent interrompu sa quête, dégagé son esprit des carcans théologiques, tenté de guérir son coeur des traumatismes moralisateurs, et s'était laissé prendre d'une authentique passion pour l'Homme, à défaut de s'abandonner à la passion pour Dieu : car une conviction étrange et douloureuse s'était emparée de lui : dans l'Église, point de salut !

Sans l'Église, point de salut !

Un jour pourtant, dans une région qui avait inspiré à Rousseau ses rêveries d'un promeneur solitaire, il avait quitté la route principale, s'était engagé dans un chemin qui semblait ne mener nulle part, ou rejoindre éventuellement le lac et s'était retrouvé sur une petite place, entre des maisons dont la glycine embaumait le charme d'une architecture sombre, aux angles de grès jaunes... Des femmes revétues de bleu indigo, une coiffe simple retenant leurs cheuveux allaient et venaient, croisant des passants comme lui, ou des personnes qui semblaient être des hôtes, et sur les visages on voyait un sourire discret qui parlait d'hospitalité offerte et reçue. Au fond de la cour, à droite d'une fontaine, se dressait un édifice de bois foncé, qui ne pouvait être qu'une grange ; sous un auvent on voyait un escalier. Une cloche sonna, il suivit les gens qui gravissaient et une fois la porte franchie, il fut saisi par l'ambiance de douceur et de recueillement que produisaient quelques fentes de verre de couleur tombant sur les bancs, sur une table ornée de deux bougies et sur une ou deux icônes...

Des chants s'élevèrent, on pouvait ou non y joindre sa voix, un texte fut lu, et le silence en était le seul commentaire, chacun pouvait ainsi le méditer...

Le voyant seul et nouveau-venu, il le pria de partager un repas pris en musique et sans paroles.

Une femme, connue ailleurs et retrouvée ici, que les épreuves avaient conduite aux portes du désespoir, lui apprit que cette Communauté ne se contentait pas de louer le Seigneur au fil des jours et des heures, mais pratiquait un accueil et un accompagnement personnel auprès de ceux et de celles qui cherchaient.

Et ces deux dimensions, de l'adoration et de la compassion, n'empêchaient pas qu'on entende, au cours des offices, des pensées qui rejoignaient le vaste monde et ses souffrances, des prières pour les servantes et les serviteurs de Dieu, et aussi, dans le local de la réception, des pétitions aux forts et aux puissants en faveur de leurs victimes.

Le sanctuaire s'appelait l'Arche et Xavier comprit que, loin d'emporter, comme celle de Noé, une minorité d'élus méprisant les perdus, cette Nef transportait les souffrants et les espérants vers le Royaume, que le gouvernail en était la prière, qu'on n'y embarquait pas seulement sur les rives de ce lac... Passagers d'une telle croisière, on réalisait que, véritablement : “ Sans l'Église, point de salut ! ”

Malgré I'Eglise, le salut !

Il reprit son bâton de pèlerin et son cheminement le ramena dans le pays de son enfance.

L'Église venait de traverser une crise dont elle était à la fois victime et responsable ; dans deux régions où les relations entre les églises et l'État étaient pourtant fort différentes - l'une séparée devant compter sur les contributions des fidèles, de moins en moins nombreux et généreux, et l'autre subventionnée mais contrainte par les pouvoirs publics à des restrictions budgétaires drastiques - les autorités ecclésiastiques avaient mis en oeuvre des restructurations considérables, bouleversé la géographie paroissiale, augmenté les ministères spécialisés, créé des départements d'investigation ou d'administration nécessitant de nouveaux responsables et soumis les laïcs et les clercs à des réunions, des questionnaires et des évaluations sans fin... Les rapports et les statistiques pullulaient, la presse, toujours avide de sensation, se plaisait à signaler le mécontentement des fidèles, le malaise des pasteurs.

Mais en parcourant les villages, devant les affiches et les bulletins paroissiaux, en sonnant à la porte d'un presbytère ami, en recevant la visite, non annoncee mais bienvenue, du pasteur de son quartier, en apprenant que, renouant avec une tradition ancestrale, une Semaine de jeûne allait être organisée pendant le carême, en lisant une affiche proposant une soirée de mobilisation contre la guerre et en faveur de la paix, en entendant raconter une marche oecuménique régionale, de bourg en bourg, réunissant catholiques, réformés et évangéliques, il reprenait courage et confiance...

Il lisait des ouvrages sérieux et accessibles, sur les aspects les plus divers de la spiritualité et de la piété, qui ne négligeaient jamais les ressources des sciences humaines, mais sans tomber sous leur hégémonie.

Sachant que non seulement en ce lieu visité au bord d'un lac, mais en plusieurs régions étaient ouvertes des communautés et des maisons de prière, de réflexion, de solidarité et d'engagement au service du monde, Xavier sut qu'il retrouvait ce qu'il avait cru perdu, fit le serment de ne plus jamais s'arrêter au banc des moqueurs, de ne quitter les désabusés qu'après leur avoir raconté un peu de ses espoirs retrouvés et de rechercher la compagnie des êtres où la bonne volonté humaine avait rendez-vous avec la bienveillance divine.

“ Sur la colline, il s 'assit, sortit de son sac un morceau de pain et une petite gourde de vin, remercia, but et mangea et, entouré de tous les visages que dessinaient pour lui les nuage, il se dit que dans l'Église, sans l'Église, malgré l'église, et peut-être même hors de l'Église le salut était au bout de la main que Dieu lui tendait. ”

Jean-Jacques Maison

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Paganismes... judaismes... christianismes... islam... sectes...

“ Dieu dit qu'il y ait des luminaires... qu'ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années... les luminaires et les étoiles. ”

(Gen. 1/14-16. - Trad. TOB. C'est moi qui souligne...)

Depuis les origines les humains ont regardé à cette grande horloge céleste (ils n'en avaient pas d'autre). Et ils ont noté qu'il n'y avait pas que les jours et les nuits, mais aussi les “ fêtes ”, hebdomadaires et mensuelles et les années... pas seulement le soleil et la lune, mais aussi les étoiles.

Le jour de l'arrivée du printemps, le soleil est au “ point vernal ” : il se projette (actuellement) dans la constellation des poissons. Très lentement au fil des ans ce point vernal se déplace en sens inverse du soleil, une rotation sur l'ecliptique d'environ 27 000 ans ; c'est la “ précession des équinoxes. ”

Or voici ce que l'on peut constater du point de vue histoire des religions... est-ce coïncidences ? : au temps de Moise le point vernal était passé dans la constellation du bélier, ayant quitté celle du taureau. Dans le temps précédant c'était l'époque marquée dans le monde méditerranéen par les mythes et rites du “ boeuf Apis ” (dont on dit que des traces subsistent encore dans les rites de la tauromachie). Depuis Abraham (Gen 22/13) s'étaient instaurés les rites de sacrifice du bélier (ou du bouc, ou de l'agneau... quelques variantes, selon aussi les diverses traductions des termes anciens). De temps plus anciens encore (le point vernal met donc environ 2 300 ans à passer d'une des douze constellations de l'équateur céleste dans la précédente) le point vernal était dans la constellation des gémeaux... et bien des civilisations gardaient des mythes concernant des jumeaux (Castor et Pollux, Romulus et Rémus... faut-il ajouter Esaü et Jacob) et même des rites de sacrifices humains.

Les évolutions accompagnant cette “ précession ” sont, elles aussi, très lentes, et marquées par des résistances aux changements: exemple Aaron tentant avec le “ veau ” d'or de retourner en arrière devant un avenir inconnu donc inquiétant. Moïse a réussi à maintenir le peuple dans la marche en avant.

Au temps de Jésus le point vernal était passé de la constellation du bélier à celle des poissons. Encore coïncidences ? Début du IVe Évangile (Jean 2) Jésus abolit les sacrifices ; après il ne pourra plus y en avoir d'autres (Hébreux : “ une fois pour toutes ”) et pourtant on a continué et 1'on continue de parler sacrifices (dans les guerres... les kamikazes... et aussi la peine de mort où rôde toujours l'idée d'expiation !) Fin du IVe Évangile : (Jean 21) le signe des poissons. Se rappeler aussi qu'en grec les lettres du mot “ poisson ” (ICHTUS) ont été lues comme l'anagramme de Jésus, Christ, de Dieu le Fils, Sauveur.

Vint ensuite l'Islam. Ne peut-on se demander (avec précautions, pour ne pas risquer de Fatwas radicales...) si Mahomet n'aurait pas réussi là où aron avait échoué : revenir en arrière, au sacrifice du mouton... ? reprenant aussi le calendrier lunaire. D'où sans doute bien des comportements rétrogrades en bien des domaines.

Et maintenant ? Le point vernal termine (dans plusieurs dizaines d'années) son passage dans les Poissons, et s'apprête à entrer dans le Verseau... Et déjà des sectes s'emparent de cela en se disant “ enfants du Verseau ”. Relisons cependant Jean 4 : “ celui qui boira l'eau que je lui donnerai... cette eau deviendra en lui une source jaillissant pour la vie éternelle. ”

Que les outrances sectaires ne nous empêchent pas de recevoir le message ; en retenant aussi l'importante note de la TOB sur le terme “ vie éternelle ” : “ le terme grec ainsi traduit faute de mieux ne précise pas tellement la durée (indéfinie) de cette vie, mais plutôt sa qualité profonde ”

Théodore Monod répétait “ ce n'est pas que le christianisme ait échoué, c'est qu'on ne l'a pas essayé ”. Il reste aux chrétiens de travailler et hâter un temps où chaque être humain pourra recevoir et transmettre, comme un vrai “ verse-eau ”, cette eau qui étanche toute soif et permet de vivre cette qualité particulière de vie, et la transmettre au monde. Cela sans s'accrocher à des mythes et rites qui ont à être dépassés pour être vraiment “ accomplis ”, sans nostalgie de vains retours en arrière. Peut-on aussi rêver que cette perspective devienne réellement universelle, sans particularismes religieux institutionnels... d'où sans doute l'importance des orientations “ libérales ”, dans toutes les religions.

Jean-Louis Richard

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Dans le monde des religions

LES EGLISES CHRETIENNES ET L'IRAK

Les responsables religieux des USA appellent le président George W. Bush à la prudence. Quarante et un hauts responables des grandes Églises protestantes des USA ont demandé à rencontrer le Président (avant qu'il ne se décide). Une délégation conduite par Robert Edgar, secrétaire général du Conseil National des Eglises des USA, a été reçue en Irak, en début d'année 2003. Comme représentant des Églises, Robert Edgar continue ses démarches auprès du Président.

Il lui a écrit : “ L'intégrité morale des USA est en jeu. Il vous faut freiner cette course à la guerre ”.

Les fidèles des grandes Églises traditionnelles se mobilisent pour une vaste pétition. Par milliers (ils espèrent des centaines de milliers) ils adressent de petits sacs de plastique fermés avec du riz cru (une demi-tasse) sous enveloppe affranchie à 1,11 $ (3 timbres à 0,37) adressée à la Maison Blanche (1600 Pennsylvenia Ave. Washington 20500). Une lettre accompagne l'envoi portant cette citation : “ Si ton ennemi a faim, donne lui à manger ” (Rom. 12/20). Une pareille campagne avait eu du succès auprès du Président Eisenhower dans les années 1950.

Les Églises chrétiennes d'Europe et bien des organisations dont la Fédération protestante de France, s'élèvent aussi contre un recours à la guerre avant qu'on ait épuisé toutes les autres solutions.

MUSÉE VIRTUEL DU PROTESTANTISME FRANCAIS

La Fondation Bersier et Meromedia viennent de lancer le 9 janvier 2003, le Musée d'histoire du protestantisme français sur internet, en partenariat scientifique avec la Société de l'histoire du protestantisme français. Ce musée virtuel du protestantisme français vient gratuiment au devant de l'immense public des usagers d'internet. Il n'en est qu'à ses début et son avenir est prometteur.

Son site comporte trois bâtiments : le premier, siècles retrace l'histoire du protestantisme français. Actuellement, seuls les XVIe et XIXe siècle sont opérationnels. Les conseils scientifiques sont : pour le XVIe siècle, Bernard Cottret, pour les XVIIe et XVIIe siècle, Marianne Carbonnier-Burckard, et André Encrevé pour les XIXe et XXe siècles.

Le second bâtiment abrite les grands thèmes du protestantisme : ses lieux de mémoire et sa présence actuelle dans les regions de Franoe. Le troisième bâtiment présente les objets de collection, les oeuvres, et une galerie de portraits.

Nous sommes enchantés par la qualité et la beauté de ce musée virtuel dans la présentation qui nous en été faite ce 9 Janvier, mais avons aussi pris une vive conscience que nous n'en sommes qu'à un début. Je suis sûr que l'existence prometteuse de ce site internet suscitera de nombreuses contributions qui 1'enrichiront rapidement pour répondre aux demandes d'information que produira l'accès du public au musée de l'histoire du protestantisme sur Internet.

La Fondation Eugène Bersier, 1, rue Denis Poisson - 75017 PARIS, tout près de l'Église Réformée de l'Étoile fondée par le Pasteur Eugène Bersier à la fin du XIXe siècle, a uni ses ressources à l'association multimédia pour faire connaître le protestantisme français dans le monde de la communication et du Multimédia.

Paul Lienhardt

ANGLETERRE, FERMETURE D'ÉGLISES

En raison de la situation financière tendue de l'Église anglicane, de nombreuses paroisses n'ont plus les moyens d'entretenir leurs édifices religieux. Plus d'un millier d'églises sont menacées de fermeture, ces dix prochaines années en Angleterre, parmi lesquelles de nombreuses églises datant du Moyen Age et de l'ère victorienne.

DANS LE MONDE, ESSOR PENTECÔTISTE

Les pentecôtistes représentent 500 millions de chrétiens dans le monde. Soit autant que les membres de toutes les Églises non catholiques romaines, c'est-à-dire les luthériens, les réformés, les baptistes et les orthodoxes réunis. Interviewé par le mensuel évangélique l'Avènement, le théologien suisse Walter Hollenweger, spécialiste du mouvement pentecôtiste, affirme que l'essor de ces Églises est tel dans le monde que d'ici une génération, il y aura davantage de pentecôtistes que de catholiques.

FRANCE, LES PREMIERS DIVORCÉS DU PACS

Depuis novembre 1999, 65000 pactes civils de solidarité (PACS), ont été signés en France. Pour la première fois depuis son lancement, le ministère de la justice a fourni la statistique des dissolutions. On dénombrait, fin septembre 2002, 4635 ruptures de PACS, soit 5,5 % des partenariats enregistrés. Il faut noter que le tassement annoncé du nombre de contrats ne se produit pas. En 2002, plus de 22500 PACS auront été conclus (19632 en 2001).

LE GOUVERNEMENT ENVISAGE DE FINANCER LES MOSQUÉES

Au départ, la demande d'une modification de la loi de séparation des Églises et de l'État émane des protestants. Le 6 décembre, la Fédération protestante de France (FPF) a remis à Jean-Pierre Raffarin un dossier dans lequel elle propose de “ rajeunir ” ce texte.

“ La Fédération protestante a toujours été très attachée à la laïcité et à la loi de 1905, déclare en préambule Jean-Arnold de Clermont, son président. Mais force est de constater qu'au fil des ans, dans la pratique, il est devenu difficile pour le associations cultuelles protestantes de s'accorder avec le différentes réglementations. ”

Lorsque l'Assemblée décrète la séparation entre les Église et l'Etat, en 1905, les protestants acceptent la nouvelle donne, les catholiques la refusent. Pour éviter un confli avec les “ papistes ”, le gouvernement vote en 1907 et l908 des “ lois ad hoc pour eux ”, résume Jean Baubérot, spécialiste de la laïcité et président de l'École pratique des hautes études. L'État prend en charge les édifices catholiques existants, les entretient, et les met gratuitement à la disposition des fidèles, ce qui sera moins systématiquement le cas de temples. Depuis les années 70, les prêtres disposent d'un régime de Sécurité sociale et de retraite très avantageux, qui leur est indirectement réservé, puisque le texte prévoit qu'il faut être célibataire pour en bénéficier, ce qui exclut les pasteurs.

Enfin, comme le prévoyait la loi, les églises protestantes se sont constituées, dès 1905, en associations cultuelles. Les paroisses catholiques, elles, l'ayant refusé, n'ont aucune réalité juridique. Mais les textes interdisant aux associations cultuelles de recevoir des subventions, les protestants se trouvent une fois encore lésés. “ Du coup, on a un principe d'égalité formelle, mais pas réelle, entre les cultes. Et c'est cette disparité que la Fédération protestante de France met en avant ”. explique Jean Baubérot.

Outre une modification du régime social des ministres du culte, la FPF réclame un assouplissement des possibilités de subvention des associations cultuelles. “ Ces propositions pourraient d'ailleurs bénéficier à d'autres religions ”, plaide-t-elle.

Et notamment aux musulmans.

Fonds étrangers. Aujourd'hui, ces derniers disposent d'un nombre insuffisant de lieux de culte. Mais comme ils n'ont pas les moyens de combler ce retard, et que l'État ne peut pas officiellement les y aider, les musulmans font appel à des fonds étrangers. La Ligue islamique mondiale, organisation financée par l'Arabie Saoudite, dont le but est de propager l'islam à travers le monde, a contribué à la construction de la mosquée d'Evry. Le roi Fahd d'Arabie Saoudite à celle de Lyon. Pour pouvoir aider les musulmans, les pouvoirs publics ont toutefois bricolé une série de “ subterfuges tirés d'interprétations abusives du droit de l'urbanisme ”.

Les baux emphytéotiques permettent ainsi aux communes d'accorder aux associations musulmanes, pour 99 ans et un loyer symbolique, la jouissance du terrain sur lequel a été construit l'édifice culturel.

Autre “ astuce ” : garantir les emprunts contractés pour l'édification de la mosquée, subventionner les locaux à vocation éducatives et cultuelles attenants - et qui bénéficient, eux, de la loi de 1901 sur les associations -, prendre en charge les réparations.

EUROPE, CROYANCES

Évolution de la situation religieuse des pays d'Europe de l'Ouest sur 18 ans : selon un sondage récent, 2 % des Français se déclarent protestants, pour 36 % la religion est très ou assez importante, 51 % estiment que les Églises apportent surtout une réponse aux besoins spirituels, 56 % croient en un Dieu, 18 % à l'enfer, 28 % au paradis, 25 % à la réincarnation.

Impression dominante en Europe : recul du christianisme mais ce recul n'est plus général (surtout depuis10 ans) et c'est au contraire la progression qui l'emporte chez les jeunes, en l'occurrence les 18-19 ans.

L'ARMÉE DU SALUT REFUSE 100 000 $

L'Armée du Salut de la Floride a refusé une donation de 100 000 dollars, parce qu'elle provenait d'un gain de loterie. Insistant sur les méfaits des jeux d'argent, l'officier des salutistes a retourné le chèque, expliquant qu'il ne pouvait accepter de l'argent provenant d'une pratique non conforme à ses convictions. Le donateur, qui à 71 ans a gagné à la loterie 14,3 millions de dollars (après impôt), a déclaré respecter la décision de l'Armée du Salut, sans pour autant la comprendre.

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Livres

JE CROIS MAIS PARFOIS AUTREMENT. Paul ABELA, Editions l'Harmattan (Paris décembre 2002), 148 pages - 13,5 x 21,5 - 14 e.

Celui qui veut savoir ce qu'est le “ christianisme libéral ” trouvera dans ce petit livre un remarquable résumé de la foi exprimé dans un langage simple et actuel. L'auteur explique “ ce qu'il ne croit plus ” (trinité, mythes sur Jésus et Marie, péché originel, crédos archaïques). Il affirme “ comment je crois ” (le Dieu de Jésus, la fragilité de Dieu, pain et vin, vie éternelle) Ce croyant sincère et courageux (ingénieur et économiste dans diverses entreprises, puis au Bureau international du travail) fait partager son itinéraire spirituel et sa découverte d'un pluralisme généreux. Il réclame une réforme des formulations traditionnelles du christianisme. Cet ouvrage répond à notre attente d'une exposition claire de ce que beaucoup pensent tout bas et n'osent exprimer. Ce catholique dit sa reconnaissance à l'égard de Maurice Zundel et Marcel Legaut.

Christian Mazel

POURQUOI JEANNE D'ARC ? - Eliane Le Rolland-Lenoir - En vente chez l'auteur (Goult 84220, Tél. 04 90 72 21 37), 159 pages 16x24.

Livre illustré de nombreux dessins pittoresques et de photos. Cet ouvrage renouvelle hardiment les traditions folkloriques sur “ la Pucelle d'Orléans ”. Les recherches sérieuses mettent en questions bien des affirmations légendaires : bergère inculte (elle serait la fille d'Isabeau de Bavière, bâtarde d'Orléans donc de famille royale), son âge (un peu plus agée qu'on le dit), son éducation (bien plus soignée qu'annoncée), le voyage à Chinon (où elle est reçue comme pair par toute la noblesse), ce que disent “ les voix ” reste un secret que la Pucelle ne veut pas dévoiler (avec don de mediumnité ?), le Procès de Poitiers (et les preuves de sa virginité et peut-être de sa gynandrie), les honneurs dont Jeanne est comblée et ses relations avec les grands, Jehanne chef de guerre reconnue, son appartenance au mouvement franciscain qui explique bien des soutiens. Jehanne a-t-elle été brûlée sur le bûcher à Rouen ? Les anomalies du procès de réhabilitation laissent bien des zones d'ombres. Mais “ grande dame qui mérite tout notre admiration ”. Excellente galerie biographique des personnages de cette époque.

Christian Mazel

JANSENISME ET PURITANISME - Bernard et Monique Cottret et Marie-José Michel, Edition Nolin (99, rue de Sèvres Paris Juin 2002), 239 pages - 16,5x22,5 - 24 e.

Sur le sujet “ Jansénisme et puritanisme ” un savant colloque s'est tenu aux Granges de Port-Royal des Champs en septembre 2001. Des historiens spécialistes apportent chacun une contribution de grande qualité sur les rapports des deux formes du rigorisme européen au XVIIe siècle qui s'ignorent. Les relations de l'École janséniste avec le protestantisme font l'objet d'études précises. Pourquoi cette hostilité de Port-Royal à l'égard de la Réforme ? Liens, convergences (prédestination et grâce) différences et oppositions, théologies et situations historiques sont présentés. Ouvrage de référence sur les recherches actuelles : Hubert Bost, A. Chazalviel, Bernard Cottret, Monique Cottret, Liliane Crété, T. Gheeraert, J. Gres-Gayer, C. Haigh, Marie-José Michel, J-L. Quantin, C. Tournu, F. Vanhoorne. Illustration : gravures allégoriques provenant de la Bibliothèque Nationale.

Christian Mazel

ELIE L'IMPULSIF (Et pourtant, à chacun sa place) - Daniel BACH, Editions du Moulin Diffusion en France Desclée de Brouwer (Malakoff 0l 46 56 26 93), 75 pages -12,5x18 - 9,91 e.

Le portrait du prophète du IXe s. av. JC ressort de cette étude (1 Rois 17-19, et NT) inattendu et très actuel. Ce commentaire du texte biblique relève la complexité du texte et ses contradictions, mais aussi il montre la permanence des questions relatives à l'inspiration des témoins de Dieu. La découverte du caractère de “ l'homme de Dieu ” n'est pas seulement l'impossibilité de chercher Dieu dans les éléments de la nature (Carmel, Horeb). Il est dans l'acte d'amour envers la veuve de Sarepta (l'étrangère).

Lecture facile d'un commentaire riche de remarques sur ce texte de la Bible : comment savoir si l'inspiration est vraiment de Dieu ? “ Chacun de nous a sa place offerte dans son projet de vie ”.

Christian Mazel

UN ANGE PASSE (sept lieux spiritituels) - Gabriel de Montmollin, Editions Labor et Fides (Diffusion en France et Belgique Sofedis Paris), 304 pages - 15x15 - Nov. 2002 - 20 e.

Dans le cadre de l'Exposition nationale suisse (mai-oct. 2002) au bord du lac de Morat, sept “ lieux ” de présentation de la spritualité étaient proposés aux regards et à la méditation du million de visiteurs. Des artistes et des architectes invitent à la reflexion sur des concepts tels que : le Mystère, l'Au-delà, la Bonne nouvelle, les Relations, la Parole, la Bénédiction et la Création. Ce livre en 7 chapitres avec 225 photos très originales, surprenantes et hautement symboliques offre aussi un commentaire explicatif qui permet la rencontre entre l'art contemporain et la théologie chrétienne. Ce livre d'images et de textes invite à une pensée nouvelle des rapports de la religion et de la culture. Effort étonnant de l'insertion de la foi dans la recherche des réalités spirituelles. “ Un ange passe ” est le thème de cette présentation avec un renouvellement qui frappe l'imagination.

Christian Mazel

L'ARC EN CIEL DES RELIGIONS (Conflits et défis) - Jean Dumas, Editions Labor et Fides (diffusion en France Sofedis Paris), 208 pages - 11x21 - 19 e.

Ce petit livre expose le cheminement spirituel et théologique d'un pasteur accédant à la retraite après un ministère dans la Drôme, puis en milieu minier du Nord. Au début marqué par Karl Barth et Bonhoeffer, il évolue par suite de son expérience pastorale, de ses rencontres avec les bouddhistes, sa participation à la Conférence Mondiale des religions pour la Paix. En fin de parcours contestant l'exclusivité du salut par le Christ, il reconnait la valeur de toutes les religions pour “ guérir les souffrances du monde ”. La dialogue seul peut joindre actions humanitaires et spiritualité authentique.

Christian Mazel

QU'EST-CE QU'UNE VIE RÉUSSIE ? - Luc Ferry, Grasset 2002 - 487 pages.

Le dernier livre écrit par L. Ferry avant qu'il ne devienne ministre. On appréciera la rigueur de l'exposé, la fermeté de l'écriture, l'immense culture qui sous-tend cet ouvrage, qui se veut une nouvelle approche de la question du bonheur. Les grandes articulations se présentent comme suit :

- Une réflexion sur Nietzsche dont l'auteur a une connaissance profonde, loin de tout conformisme ;

- La sagesse des anciens (greco-latins) ; l'exposé des doctrines stoïciennes est remarquable ;

- La prise en main de cet héritage par les penseurs chrétiens du temps ;

- Enfin la proposition d'une doctrine humaniste du salut : La singularisation de nos existences, contre tout sectarisme, tout dogmatisme, en intégrant l'apport “ grandiose ” (p. 475) de Hegel, le critère nietzschéen de l'intensité, l'exigence pasalienne de l'amour, bref, une spiritualité laïque qui se veut une sotériologie, une doctrine de salut : “ Qu'est-ce qu'une vie réussie ? Peut être tout simplement une vie qui accroche aux yeux des hommes, cette grandeur et cette lumière dont parle Hugo ” P. 481 ; Hugo Booz endormi. Mais un chrétien de culture modeste peut toujours, lui, s'appuyer sur 2 Corinthiens : “ Mort, où est ta victoire ? ”. On sent le souffle personnaliste de Mounnier. On souhaite à ce livre bien des lecteurs.

Jean Georgelin

DIEU A LA CROISEE DE NOS QUESTIONS (L'évangile de Jean témoigne), - Anne Maillard, Editions du Moulin (Poliez le. Grand.Suisse) Diffuseur en France Desclée de Brouwer (Malakoff 92240), 91 pages - 12,5x18 - 10,37 e.

On croyait pouvoir se passer de Dieu. Mais il reparait dans nos questions :

Dieu est-il cause de nos maladies, infirmités, mort. Est-il le grand Magicien chargé du bonheur universel ? Avons-nous des preuves de ses interventions ? A quoi sert-il ? A travers les récits commentés de l'évangile de Jean, l'auteur fait découvrir un Dieu qui s'intéresse à ce qui nous arrive et se donne à nous dans l'existence très humaine de Jésus : la culpabilité des parents d'un infirme de naissance, la foule avide de sécurité exprime son besoin de bonheur, les soeurs devant un frère mort. Nous ne pouvons faire 1'économie d'une démarche personnelle. L'évangile de Jean (écrit pour une communauté petite et ébranlée par les objections extérieures) invite au dialogue. Nouvelle brochure de cette excellente collection accessible à tous ceux qui cherchent.

Christian Mazel

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Humour

Un pasteur, nouvellement arrivé dans son Église, a été sollicité pour procéder à un service d'ensevelissement dans un village sis à une quinzaine de kilomètres.

- Quand on est sorti du temple, m'a-t-il raconté, toute l'assemblée a suivi le corbillard pour aller au cimetière. Je m'étais joint à la famille et nous marchions en tête, juste derrière le corbillard. Ce n'était pas un fourgon automobile comme aujourd'hui, mais une charrette à cheval, dont le plateau nu portait un poteau à chaque coin. Et ces poteaux soutenaient une espèce de toit à large rebord peint en noir. Or, voici ce que i'ai vu écrit sur le rebord noir du toit de la charrette aux morts :

JE SUIS LA

J'étais sidéré et plutôt perplexe. Bien sûr qu'il était là. Mais pourquoi semblait-il nécessaire à ce village qu'un défunt affirme post mortem qu'il était bien dans ce cercueil ? Ce ne pouvait pas être une facétie d'un sceptique pour affirmer que quand on est mort on est bien mort : plus on est sceptique, plus on respecte les morts, c'est bien connu.

Ce n'est qu'après la fin du service que j'ai compris, m'a dit mon ami, en faisant le tour du corbillard. Sur les quatre côtés du large rebord du toit étaient inscrites, à la suite, ces paroles de l'Evangile de Jean 11/25 :

JESUS A DIT - JE SUIS LA - RESURRECTION - ET LA VIE

Daniel Lys

 

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