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Numéro 178-179
juin-juillet 2004
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Roger Williams (1603-1683)
défenseur des libertés religieuses

Roger Williams est une figure aussi atypique qu’attachante de la théologie nord-américaine à l’ère coloniale. Dans les années 1640, il développe une théologie politique dont les intuitions étonnamment novatrices se révèleront décisives dans l’évolution ultérieure des colonies de la Nouvelle Angleterre, puis des États-Unis d'Amérique.

à Londres au début du XVIIe siècle, Williams reçoit sa formation théologique à Cambridge. Après avoir servi comme aumônier privé dans une famille puritaine, il s’embarque en 1630 pour la colonie du Massachusetts. Il espère y exercer un ministère pastoral, mais ses positions radicales en faveur de la neutralité de l’État dans les affaires religieuses l’entraînent dans de virulents conflits avec les pasteurs et les magistrats de la colonie. Banni du Massachusetts, il trouve refuge auprès d’une communauté amérindienne, dont il découvre avec respect les traditions culturelles et religieuses. Estimant que les terres américaines sont la propriété des peuples qui les habitent, il leur achète un territoire. Baptisé « Providence », l’endroit deviendra la première plantation de la future colonie de Rhode Island.

gravure : indien discutant avec un missionnaireWilliams s’engage alors dans une controverse avec ceux qu’il tient pour responsables de son bannissement. Son principal adversaire est un pasteur de Boston nommé John Cotton (1584-1652), qui cherche à réformer l’Église d’Angleterre dans un sens congrégationaliste. Pour Cotton, en effet, l’État et l’Église ont des droits et devoirs distincts, mais ils doivent coopérer pour créer une communauté qui œuvre au service de la morale et de la foi chrétienne. Cotton demande donc que le droit de voter ou de briguer un mandat politique soit réservé aux membres de l’Église et il s’oppose à ce que la dissidence religieuse soit tolérée.

Dans un pamphlet publié en 1644, The Bloudy Tenent of Persecution, Williams reproche à Cotton de vouloir monopoliser la force de l’État au service de ses propres convictions religieuses. La volonté d’établir l’unité religieuse par la force est à l’origine, selon Williams, d’innombrables crimes. C’est elle qui engendre la persécution des dissidents qui résistent au nom de leur conscience. Williams est ainsi conduit à plaider pour une séparation radicale de l’Église et de l’État, qui seule peut garantir une véritable liberté de culte. Cette liberté de culte est pour lui plus qu’une simple tolérance. À la même époque en Grande Bretagne, les défenseurs de la tolérance limitent généralement cette dernière aux protestants. La liberté de culte réclamée par Williams est plus radicale : il plaide pour que les juifs, les musulmans et les catholiques bénéficient d’une entière liberté religieuse. Même John Locke et la Glorieuse Révolution (1688) n’iront pas aussi loin, du moins pour ce qui concerne… les catholiques ! Dans la colonie de Rhode Island, ce principe de la liberté de culte a permis de faire cohabiter en bonne harmonie des juifs et des quakers avec les communautés puritaines.

Des expériences comme celle de Rhode Island resteront marginales jusqu’au moment de la Révolution américaine. Les puritains d’Amérique se sont montrés peu tendres avec ceux qui ne partageaient pas leurs convictions, qu’ils soient anglicans, quakers ou baptistes. Dans la controverse qui oppose Cotton et Williams, Cotton se contente en définitive de faire valoir des arguments largement répandus parmi ses coreligionnaires. L’idéal politique de Williams finira pourtant par emporter la victoire. Il sera d’abord renforcé par la création de la Pennsylvanie, une colonie que les quakers feront reposer sur des principes semblables à ceux de Rhode Island. Il sera ensuite partiellement confirmé au moment de la Glorieuse Révolution. Il sera enfin pour ainsi dire ratifié avec la création des États-Unis d’Amérique. Le principe de la liberté de culte et de la séparation de l’Église et de l’État entrera alors dans la constitution américaine. Mais la reconnaissance d’une séparation entre l’Église et l’État n’a pas empêché (et peut-être même a-t-elle favorisé) l’émergence, dans la nation américaine, d’un patriotisme teinté de valeurs et de symboles religieux. Il faudra pourtant attendre la seconde moitié du XXe siècle pour que les communautés religieuses étrangères au protestantisme intègrent à leur tour la « religion civile » de l’Amérique. L’élection du catholique John Kennedy en 1960 marque peut-être, de ce point de vue, la concrétisation véritable de l’idéal politique de Roger Williams. feuille

Marc Boss

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