Monseigneur, je suis
chrétien, et sincèrement chrétien, selon la doctrine
de lÉvangile. Je suis chrétien, non comme un disciple
des prêtres, mais comme un disciple de Jésus-Christ. Mon
Maître a peu subtilisé sur le dogme, et beaucoup insisté
sur les devoirs ; il prescrivait moins darticles de foi que de
bonnes uvres ; il nordonnait de croire que ce qui était
nécessaire pour être bon ; quand il résumait la
Loi et les Prophètes, cétait bien plus dans des
actes de vertu que dans des formules de croyance, et il ma dit
par lui-même et par ses apôtres que celui qui aime son frère
a accompli la Loi.
Moi de mon côté,
très convaincu des vérités essentielles au christianisme,
lesquelles servent de fondement à toute bonne morale, cherchant
au surplus à nourrir mon cur de lesprit de lÉvangile
sans tourmenter ma raison de ce qui my paraît obscur, enfin
persuadé que quiconque aime Dieu par-dessus toute chose et son
prochain comme soi-même, est un vrai chrétien, je mefforce
de lêtre, laissant à part toutes ces subtilités
de doctrine, tous ces importants galimatias dont les pharisiens embrouillent
nos devoirs et offusquent notre foi, et mettant avec Saint Paul la foi-même
au-dessous de la charité.
Heureux dêtre
né dans la religion la plus raisonnable et la plus sainte qui
soit sur la terre, je reste inviolablement attaché au culte de
mes pères : comme eux je prends lÉcriture et la
raison pour les uniques règles de ma croyance ; comme eux je
récuse lautorité des hommes, et nentends me
soumettre à leurs formules quautant que jen aperçois
la vérité ; comme eux je me réunis de cur
avec les vrais serviteurs de Jésus-Christ et les vrais adorateurs
de Dieu, pour lui offrir dans la communion des fidèles les hommages
de son Église.
Jean-Jacques Rousseau,
Lettre à Christophe de Beaumont (archevêque de Paris)