Il faut dire qu’à
50 ans, le père est un jazzman reconnu, mais ça n’est
que son loisir ! Il est devenu le patron de son entreprise et dirige
une quarantaine de personnes. Lorsqu’il a démarré,
ils étaient trois. Un succès ! Avec sa femme et ses deux
fils, il semble heureux. C’est un homme respecté.
À la maison, c’est rare qu’il y ait
un mot plus haut que l’autre. Le père issu d’un couple
où le conflit était violent, s’est interdit toute
remontrance excessive. Les choses sont dites, mais à mi-mot.
C’est l’exemple qui sévit. Le père dit ce qu’il
fait et fait ce qu’il dit. Ses fils l’admirent, l’imitent,
mais n’arrivent qu’à reproduire de pâles copies.
Paradoxalement, c’est parfois terrible d’avoir des parents
qui s’entendent bien, et qui réussissent ! Hélas,
pas de failles ni de reproches. Rien, ou si peu, où se glisser
pour que les fils se révoltent, existent pour eux-mêmes,
et sortent du modèle transmis et finalement introjecté
par les enfants comme la seule forme d’existence possible. Leur
(non)-existence, c’est de ressembler au père. Mais ils ne
sont pas leur père.
C’est la force de l’exemple ! Oui, c’est
aussi le pouvoir réducteur de l’exemple lorsqu’il est
investi affectivement par ceux qui le subissent. Ces deux fils sont
envahis par ce que les parents leur ont transmis. Comment oser se différencier
de celui que tous adulent sans prendre le risque d’être rejetés
? Comment vont-ils se distancer des modèles reçus sans
être dans la seule reproduction des valeurs reçues ? Comment
être libres ?
Reconnaissons que la tâche de ces deux garçons
peut être aussi la nôtre. Et cela prend parfois toute une
vie de se défaire des modèles parentaux, et de choisir
sa vie ! Nous sommes faits de ce que nous avons reçu, mais il
y a parfois des trop-pleins de transmissions dont il est difficile de
se libérer!
Jean-Paul
Sauzède