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Numéro 194 - décembre 2005
( sommaire )

Bible

Avant de lire la Bible, il faut se la procurer…
Facile aujourd’hui, mais cela ne fut pas toujours le cas.

Une bible accessible ?

L'appartenance du christianisme aux religions du Livre, au même titre que le judaïsme et l’islam, peut sembler de nos jours indiscutable. Pourtant, au Ier siècle, rien ne semblait moins évident : si Jésus a interprété les Écritures juives, il a écrit seulement quelques mots éphémères, griffonnés dans la terre (à en croire l’évangile selon Jean 8,8) ; quant à ses disciples, ils étaient illettrés, si l’on excepte Matthieu, le collecteur d’impôts. Quel contraste avec la situation actuelle, où les chrétiens de toutes les confessions disposent de recueils de textes faisant autorité, des bibles !

Vingt siècles plus tard...

La situation actuelle s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, les Sociétés bibliques et les maisons d’édition religieuse font depuis longtemps tout ce qui est en leur pouvoir pour aider le croyant à lire la Bible. Elles produisent des bibles de poche à des prix modestes et des traductions annotées ; des bibles sont gratuitement distribuées ou mises à disposition dans les hôtels ou les hôpitaux. De plus, en raison de la formation scolaire de base assurée dans une partie de la chrétienté, le croyant est supposé avoir les capacités de lire la Bible et est invité à les exercer – ce faisant, les Églises chrétiennes excluent sans s’en rendre compte les illettrés et les analphabètes, dont la proportion n’est pourtant pas négligeable dans nos sociétés (près de 9 % en France, selon des statistiques récentes).

En somme, dans l’Occident du XXIe siècle, le chrétien qui ne possède pas de bible et qui ne s’y réfère pas est inexcusable. Le temps où l’on pensait que le croyant pouvait recevoir directement de l’Esprit Saint la pleine connaissance des Écritures est devenu à peine concevable – à la fin du IVe siècle, Augustin d’Hippone affirmait avoir eu vent d’un cas récent mais se gardait déjà de lui donner trop d’importance !

La part de l’humanité qui peut facilement se procurer une bible, la lire et la comprendre est en effet à peine supérieure à celle qui ne mange pas régulièrement d’insectes – c’est-à-dire qu’elle ne dépasse guère les 20 %.

Ce chiffre peut paraître désolant, surtout au vu de l’intense activité des sociétés bibliques, mais il est extraordinairement élevé aux yeux de l’historien. Ce dernier rappellera en effet qu’au IIe siècle, Méliton, évêque en Asie Mineure, a dû se rendre jusqu’à Jérusalem pour dresser une liste exacte des livres de l’Ancien Testament, ce qui signifie qu’il ne pouvait consulter d’exemplaire plus près de chez lui. Il en profita pour composer un recueil d’« extraits de la Loi et des prophètes au sujet du Sauveur et de toute notre foi » (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, IV.26.13-14). Des florilèges de ce type, dont certains ont été conservés, permettaient de suppléer à l’absence de bibles intégrales ; ils ont été utilisés par les Pères de l’Église des premiers siècles.

En vertu de son coût et de son volume, la bible resta longtemps inaccessible aux fidèles comme aux petites communautés. Même après l’invention de l’imprimerie, vers 1450, acquérir une bible restait en effet le lot de personnes riches : la bible de Gutenberg, imprimée sur papier, coûtait environ 34 florins, soit moins de la moitié du prix d’une bible manuscrite, mais cette somme correspondait à ce que gagnait un artisan en quinze mois de travail ! De plus, éditer une bible était une opération risquée pour un imprimeur : au XVIe siècle, imprimer une bible à mille exemplaires occupait un imprimeur pendant une année entière, ce qui demandait des capitaux importants.

Ces contingences matérielles expliquent la large diffusion de Vies du Christ ou de bibles partielles jusqu’à l’invention des livres de poche à prix modérés, vendus par des colporteurs dès le XVIIIe siècle, et jusqu’au développement de l’école publique obligatoire à la fin du XIXe siècle.Rémi GounelleAvec l’aimable autorisation du Protestant, journal du protestantisme libéral de Suisse romande. feuille

Rémi Gounelle

Avec l’aimable autorisation du Protestant,
journal du protestantisme libéral de Suisse romande.

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