Aux témoignages
de documents comme la Didachè, l’Évangile selon Thomas,
l’Épître de Jacques ou la Lettre sur le Marc secret,
il faut encore ajouter celui des variantes textuelles des évangiles,
spécialement celles remontant à la période qui
suit immédiatement la rédaction finale et première
réunion des évangiles, vers 120, et dure jusque vers 160.
Il existe des évangiles des milliers de manuscrits
dont aucun n’a exactement le même texte que les autres ;
mais une vingtaine suffisent à montrer comment le texte des évangiles
a évolué, de vers 120 à la fin du ive siècle
; et l’un d’entre eux représente mieux que tout autre
le texte existant entre 120 et 160, c’est le Codex de Bèze,
conservé à Lyon d’abord, puis à Genève,
de 1562 à 1581 (il est alors sous la garde de Théodore
de Bèze), et à Cambridge depuis lors.
On y trouve tant de variantes, par rapport au texte édité
actuel, que l’on s’est demandé si ces variantes n’étaient
pas un rassemblement de diverses origines. La question se pose encore,
car la réponse dérange. Faisons donc à nouveau
l’hypothèse que ce manuscrit soit bien le témoin
d’un stade ancien des évangiles, existant entre 120 et 160
et abandonné ensuite par révision de ce texte : qu’est-ce
que ça change ?
Ce simple témoignage fait naître une époque
nouvelle, entre la période de rédaction et celle où
se fixe le texte édité et traduit. Dans ce demi-siècle,
la première période du christianisme s’éteint
lentement, l’auditoire auquel sont destinés les évangiles
s’élargit, ce qui entraîne une simplification du texte,
pour en rendre le sens plus accessible. Le premier christianisme était
resté lié à la culture du temple ; mais après
170, il invente sa propre culture, s’insère dans la société
de l’empire romain, puis fixe les règles de constitution
de son nouveau clergé : il se prépare alors à devenir,
au ive siècle, la religion de l’empire romain.
La théologie résiste encore à reconnaître
le lien originel qui lie le christianisme au judaïsme sadducéen.
Il est plus parlant de parler d’un surgissement nouveau. Mais n’est-ce
pas récrire l’histoire ? 
Christian
Amphoux