Le Mas d’Azil
est bâti au bord de l’Arize. Cette rivière vient de
percer de part en part la barrière calcaire du Plantaurel au
pied des Pyrénées. Elle a ainsi creusé une formidable
grotte, un tunnel naturel qu’emprunte la route qui mène
à Saint-Girons. Le Mas d’Azil est mondialement connu car
ici s’est épanouie, il y a plus de dix mille ans, la civilisation
azilienne caractérisée par l’industrie microlithique
et la peinture sur des galets de la rivière.
Mais le Mas d’Azil est aussi connu pour son histoire
protestante dont on peut trouver les restes dans des vestiges de ruines
ou de noms de lieu, ainsi le bastion au « fond de la ville »,
vaste place autrefois fortifiée qui défendait l’entrée
de la ville côté Toulouse et protégeait le «
pont vieux » sur l’Arize. On peut voir aussi en période
d’étiage les restes des remparts au ras de l’eau.
Le
protestantisme arrive assez tard au Mas ; dès 1556 Antoine Caffer
y est pasteur ainsi que dans les environs. C’est Marguerite de
Navarre qui a introduit la Réforme dans la région. Gabre,
Les Bordes, Sabbarat, Camarade, autant de villages touchés, autant
de temples, « d’Églises dressées » (reconnues
par le synode provincial, organisées, avec culte public, par
opposition aux « Églises plantées », sans
pasteur). En 1561 l’église du Mas est dressée au
milieu de difficultés causées par les moines du lieu (d’où
le terme Azil – asile) qui sont obligés de quitter la ville.
Mais le Mas c’est aussi la grotte, sa grotte ! Pendant les guerres
de religion, elle sert de refuge. Ainsi en 1568 les protestants du Carla
(future patrie de Pierre Bayle) se réfugient dans les salles
de la grotte. En 1598 le Mas est une place forte protestante avec son
temple construit cette année-là. Hélas les guerres
de Rohan qui culminent avec la prise de La Rochelle n’épargnent
pas le Mas.
En 1625 a lieu un siège. Avec treize mille hommes,
le Maréchal de Thémines attaque la région. Des
combats ont lieu à Gabre, à Sabbarat, à Camarade,
aux Bordes. Les hommes se réfugient avec leurs troupeaux dans
la ville et dans les grottes. L’ensemble compte désormais
mille deux cents défenseurs. Arrivant sur les hauteurs qui dominent
le Mas, le maréchal dit au comte de Caraman : « Je vous
invite à dîner demain soir dans cette bicoque. »
L’armée attaque, sauf du côté protégé
par la grotte : échec ! Commence alors un siège qui va
durer un mois avec de l’artillerie, trois mille boulets sont tirés,
deux assauts infructueux. Malgré ses chefs : Saint-Blancard,
Valette, Carboust ou La Réoule, la ville est à bout quand
Rohan envoie Dusson avec cent hommes en renfort. Ce renfort, des orages
qui emportent une partie des campements des assiégeants, et le
temps qui passe précipitent les choses. Un dernier assaut est
tenté, préparé par un tir d’artillerie de
deux mille boulets ! Toute la population défend les remparts,
les femmes se distinguent particulièrement par leur courage ainsi
que les pasteurs par leurs exhortations ! Une contre-attaque menée
depuis la grotte contribue à faire échouer ce dernier
assaut. Au bout de trente-sept jours le siège est levé…
Avec la paix, le catholicisme revient. Richelieu fera détruire
une partie des salles de la grotte. Mais surtout en 1685, comme ailleurs,
le temple est détruit. Le protestantisme survivra dans la région
et au Mas. Ainsi en 1763 les frères de Grenier, appartenant à
la noblesse locale, sont arrêtés lors d’une assemblée
à Caussade avec le pasteur Rochette. Ils seront exécutés
à Toulouse. Ils sont les derniers martyrs de la foi réformée
en France.
Aujourd’hui le Mas est une paisible bourgade qui
vit essentiellement du tourisme. Son histoire n’a pas le lustre
de celle des Cévennes, de La Rochelle ou du Béarn. Mais
les protestants de ce pays-là valaient bien une page de souvenir
!