Imaginez un nouveau
musée : celui des électeurs. Ce serait passionnant ! Bien
sûr ce serait un musée contemporain, car tous n’ont
pas disparu au profit des pêcheurs à la ligne… C’est
étrange d’ailleurs de penser que tous les abstentionnistes
sont des pêcheurs. J’ai peur pour la survie des poissons
dans nos rivières…
Dans ce musée on pourrait voir la pièce
centrale, l’œuvre majeure, parce que rare : l’électeur
« convictionnel », qui sait pour quoi et pour qui il vote.
Il pense que tel(le) ou tel(le) candidat(e) incarne une vision globale
de la société et du monde qui correspond à ses
convictions, voire à ses rêves et ses projets. Il est proche
du militant. Mais attention, c’est une espèce fragile car
il donne parfois naissance à une sous-espèce : les «
déçus ». Mais ne soyons pas prophètes de
malheur ; gardons espoir !
À côté de cette œuvre majeure,
il y aurait un autre électeur : le « contriste ».
Il ne vote pas pour, mais contre quelqu’un ou ses idées.
Bon, parfois les circonstances (2002) font qu’il devient majoritaire…
Mais à chaque élection, on voit, et de plus en plus d’ailleurs,
des candidats qui se posent en s’opposant. Les candidats «
anti » deviennent plus nombreux que les candidats « pro
». C’est sans doute le reflet des électeurs.
Le troisième électeur serait le «
structurel ». « Vous comprenez, dans ma famille, on a toujours
voté à droite/à gauche ». Je ne mentionne
pas le centre car il semblerait que cette catégorie soit moins
présente au centre. Trop récent peut-être…
Chez les « structurels », le vote est automatique ; et tant
pis si le(la) candidat(e) n’est pas à la hauteur. Le vote
est au-delà des déceptions ; il fait partie de l’identité,
sans remise en cause.
On pourrait y voir aussi l’électeur «
égotique ». Il vote pour celui ou celle qui augmentera
SON salaire de 1,27 % ou diminuera SES impôts de 2,37 %. Il a
une calculette à la place du cerveau et voit la société
à partir de SA situation.
Bien sûr, il y aurait aussi l’électeur
« affectif », touché de plein fouet par la «
peoplisation » de la politique. « Je vote pour lui ou pour
elle parce qu’il ou elle me plaît. » Ou encore parce
que j’ai eu la chance de le(la) rencontrer (quand ce n’est
pas l’oncle du cousin de mon filleul qui lui a serré la
main…). La sympathie est plus forte que la raison et la «
com » supplante la réflexion.
Dans ce bestiaire de la vie politique, il y aurait sans
doute encore quelques autres archétypes. En tout cas, si le «
convictionnel » a ma préférence, force est de constater
que nous sommes tous plus ou moins un mélange de tout cela. Le
musée, c’est nous ! 
Jean-Marie
de Bourqueney