S’il est un lieu
où le mot frère prend tout son sens, c’est dans nos
Églises. Nous y sommes frères dans la foi, et nous brandissons
ce mot comme un étendard que nous hissons parfois au dessus même
du mot Dieu. Frère : en disant cela, il nous semble avoir utilisé
le terme le plus approprié pour parler des relations privilégiées
que nous pouvons entretenir avec les autres. En regardant les exemples
de fraternité qui nous sont proposés dans la Bible, la
belle aura de ce mot se trouve égratignée. Le premier
exemple donné est celui de Caïn et Abel, comme s’il
nous fallait sans tarder comprendre que les relations forcées
par la vie ne pouvaient mener qu’au drame, et en l’occurrence
à un fratricide. L’expression « on choisit ses amis
mais rarement sa famille », nous montre la complexité de
cette relation fraternelle que nous présentons comme idyllique.
Malgré des exemples décevants dans nos
expériences familiales ou dans nos relations avec ceux que nous
appelons frères, ce terme perdure. Malgré les contre-exemples,
nous continuons à donner à ce terme un pouvoir presque
magique. Cela tient sans doute au fait que la famille, choisie ou subie,
reste le lieu où le pardon peut le plus facilement s’exprimer
et s’expérimenter. Dans nos relations aux autres, ce qui
nous rend proches, c’est cette capacité que nous avons à
trouver des circonstances atténuantes à ceux qui nous
on fait du tort, et ce peut être parce que nous avons conscience
de ne pas être exempts de tout reproche. Jésus lui-même
nous invite à tisser ces liens si particuliers que sont ceux
de la fraternité. Il ouvre de nouvelles relations, où
trahisons et manque de confiance sont présents, mais où
le pardon véritable permet de vivre une relation riche. Frère
ne voudrait pas dire absence de désaccord, de brouille ou de
mesquinerie, mais capacité à pardonner ce qui semble impardonnable.
C’est parce que nous espérons être pardonnés
là où nous ne croyons pas être pardonnables que
nous tenons tant à être et rester frères. 
Isabelle
Lozeron-Hervé