Internet
Internet est devenu notre grande mémoire collective.
Tout ce qui passe sur la toile y reste prisonnier.
Sauf à détenir la clé d’accès
d’un site, personne ne peut en modifier le contenu et effacer ce
qui s’y trouve.
Combien de demandeurs d’emploi, soucieux de faire
bonne figure, se sont par exemple trouvés piégés
par la mention de leur nom ou la présence de leur photo dans
un site peu recommandable !
Grande mémoire de notre humanité, Internet
en est aussi la grande poubelle.
Tout s’y entasse et s’y nivelle : accumulation
effrayante qui n’autorise aucun oubli.
Cette mémoire n’est-elle pas l’usurpation
d’une qualité jadis réservée à Dieu
: celle de tout savoir et de tout garder ?
Heureuse mémoire vive qu’est ce Dieu, alpha
et oméga de toutes vies, pour qui tout compte, et qui résiste
ainsi à l’impermanence des choses, au morne passage du temps
qui, indifférent à ce qui est, use le souvenir et force
l’oubli. Mémoire heureuse qui, à l’inverse d’Internet,
reste une mémoire cachée et inaccessible ! Ne dit-on pas
couramment que la vérité ultime d’une personne lui
échappe et se trouve en Dieu seul ?
Mais ce Dieu de mémoire, n’est-il pas lui
aussi… terrifiant ? On se souvient de Nietzsche qui fondait notamment
son athéisme sur l’indécence d’un Dieu qui se
rappelle tout. Devant ce Dieu, peut-on en effet se tenir sans honte
et être autre chose que coupable ?
Pour retrouver le Dieu que raconte le Christ, celui de
la créativité, de l’amour gratuit et du renouvellement,
il nous faudrait aussi croire en un Dieu de l’oubli.
Car un Dieu capable d’oublier serait le porteur d’une
mémoire sélective et non mécanique. Une mémoire
qui garderait de nous et du monde, non pas le tout, mais juste le meilleur.
Un Dieu de toutes nos amours et de nos grâces !
Un Dieu à la mémoire infiniment plus précieuse
qu’Internet. 
Raphaël
Picon