Pilate, le gouverneur romain, qui joue un rôle si important, voire décisif, dans la condamnation à mort de Jésus, s’apparente, dans notre mémoire collective, à la figure du lâche : celui qui s’en lave les mains (Mt 27,24) et fuit habilement devant sa responsabilité. Or il est l’auteur d’une des plus belles affirmations bibliques, une de celles dont on voudrait tant que les chrétiens aient toujours été capables de la prononcer : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit » (Jn 19,22), qui, en latin (« Quod scripsi scripsi »), sonne avec trois mots nets, sans concession, fermes. Elle est exemplaire quand il s’agit de nous inviter à assumer nos paroles, nos écrits et nos actes.
L’homme politique inflexible, entêté, voire brutal, que les historiens nous dépeignent, celui qui ne s’embarrasse pas de réflexions délicates et nuancées, le voici pourtant penseur, un peu sceptique, mais combien interpellateur pour nous tous : « Qu’est-ce que la vérité ? » (Jn 18,38) Cette interrogation est de celles qu’il faut sans cesse reprendre face à des affirmations religieuses trop souvent péremptoires et intransigeantes, à des doctrinaires sûrs d’eux-mêmes et inflexibles. Il y a là une question, qui peut être la nôtre, celle d’une perplexité, d’un scrupule, d’une honnêteté intellectuelle qui ont leur dignité.
Enfin, c’est Pilate, le « païen », qui fait entendre une des plus belles vérités des évangiles, une des paroles les plus fortes et vives qui ait traversé les siècles de nos théologies et de la foi au sujet de Jésus, le fameux « Ecce homo » : « Voici l’homme » (Jn 19,5). Jésus, l’humain par excellence, c’est Pilate qui le proclame ! La vérité serait-elle l’apanage exclusif des chrétiens ? 
Laurent
Gagnebin