Que ce soit dans une manifestation
sportive, la remise dun oscar, ou encore lévénement
quotidien filmé à la télé, cest
lémotion qui est traquée, cest elle qui
va donner à laction sa force et son intensité.
Filmer lévénement porte peu à conséquence,
mais accrocher sur limage la mort en direct, les larmes qui
coulent ou le cri du désespoir, voilà qui va susciter
limpact, lintérêt de lémission.
Mettre au grand jour ce qui est du secret, de lintime de chacun.
Comme ces files de voitures qui, sur lautoroute, en sens inverse,
ralentissent pour observer laccident et guetter quoi ? Limpact,
les dégâts ou la souffrance de lautre sur le bas-côté,
son émotion et son sang ? Langoisse de lautre et
sa joie, sa souffrance et ses rires, nous renvoient à nous-mêmes,
à nos larmes et nos joies. Ils sont une sorte de regard sur
nous-mêmes. Mais, ouf, il sagit dun autre, des autres
! Regardons, mais passons vite.
Pourtant, dans cette soif démotions, celle de la dernière
course de vélo, et celle qui a traversé le défilé
de mode, ce film, cette exposition, et même cette rencontre
politique, il y a un langage, qui, au-delà des mots et de ma
raison, me touche et me parle. Cest un langage qui me parle,
comme un langage archaïque que je ressens et qui me nourrit de
façon parfois saine ou parfois toxique (les neurosciences nous
le montrent très clairement aujourdhui).
Je me souviens dun président dune grande association
protestante qui après de nombreuses années de service
bénévole, alors quil était généreusement
et justement remercié, dit à la tribune : je ne
suis pas là pour faire du sentiment. Mais si !!! Justement
! Faisons du sentiment, osons dire ce qui nous renoue et nous touche,
parlons de notre cur et pas toujours de notre tête.
Doù vient que nous ayons appris à cacher nos
sentiments, à dire nos colères, nos peurs, nos élans
ou nos chagrins avec tant de difficultés ?
Doù vient que nous soyons toujours à masquer
nos larmes, à détourner les conversations dès
que du sentiment et plus encore de lémotion, surgissent
au coeur de la relation ?
Sans doute, la pudeur vient protéger notre intimité
et masquer ce quil devient risqué de dévoiler
dans le contact et la relation à lautre. Ces émotions
dissimulées nous renvoient aussi vers des évènements
plus anciens et plus douloureux de notre histoire personnelle.
Pourtant, entrer en relation nécessite un dévoilement.
Le dévoilement de son cur, et de ses émotions.
Cela demande pour certains du courage et de la patience. Pour dautres,
simplement un élan spontané.
Entrer en relation demande doser. oser dire et se dire. Oser
se montrer et accueillir lautre avec tout ce quil est,
et pas seulement avec son intelligence.
Entrer en relation demande de prendre le risque de dévoiler
un peu de ce que je suis, de ce que je ressens, de ce qui me touche
ou me fait vibrer, de ce qui parle à mon cur.
Et cela na rien de mièvre. Cest un langage dhomme.
Jean-Paul
Sauzède