Claudette
Marquet
Depuis quelques semaines, jen
perds mon latin. Je ne sais plus quoi penser de la question relative
à la parité entre hommes et femmes en politique. Je
ne sais plus si je suis pour ou si je suis contre.
Ou plutôt, jétais, jusquà ces derniers
temps, une adepte convaincue de la parité. Persuadée
quen ce terrestre monde, rien nest jamais acquis à
lhomme (ni à la femme) et que toute liberté acquise
est une liberté conquise ; convaincue de léminente
dignité et égalité des sexes (en fait, comme
il nen existe que deux, il vaudrait mieux dire : égalité
des deux sexes) ; adepte de la formule cela ne va pas de soi,
mais cela va mieux en le disant qui peut devenir en la circonstance
cela va de soi en linscrivant en toutes lettres dans notre
constitution) ; assurée que les opposants à la
parité, tels les vieux sénateurs de droite (il y en
a peut-être des jeunes, dailleurs) ne pouvaient être
que bêtement et massivement misogynes ; croyant dur comme fer
que les arguments avancés par quelques intellectuelles bourgeoises
ne valaient pas pipette - bref, tout me poussait à me ranger
sans état dâme du côté des députés
et du Président de la République qui, à lunanimité,
ont adopté le projet de loi.
Et voilà que je ne sais plus trop que penser. On me dit que
la parité hommes-femmes, cest humiliant pour les femmes.
Comme sil fallait imposer leur égalité, incapables
quelles seraient de la démontrer chaque jour. Si lon
donne un coup de pouce aux femmes, pourquoi pas aux handicapés,
aux étrangers, aux adeptes de Dieu Oignon ou aux porteurs de
cheveux roux.
On me dit encore que tout cela va dans le sens du communautarisme,
cette vilaine réalité qui consiste à agglutiner,
par paquets spécifiques, des humains ségrégés.
On me dit que lon votera pour une femme, non parce que cest
une femme, mais parce quelle fera un bon député.
Sinon, mieux vaut un homme (même un moins bon, bien sûr).
On me dit que ce serait nier luniversalité de lhumanité.
Un humain est un humain et non dabord un homme ou une femme.
Tant dhorreurs menaçantes ont fini par ébranler
mes convictions les plus fortes. Et je serais tentée découter
les intellectuelles qui, quoique minoritaires, peuvent proférer
des vérités.
Alors quoi faire ?
Réflexion faite, il me semble que tous ces débats
et ces ébats ressemblent dassez près à
ce qui sest passé dans ma chère Eglise voici plus
de 40 ans, lorsquil sest agi de commencer la réflexion
sur le pastorat des femmes.
Les arguments fusaient de toute part : le biblique, le théologique,
lécclésiologique, lcuménique,
lanthropologique, le sociologique, le psychologique. Chaque
partie trouvait les siens dans lun ou lautre domaine.
Et puis il a fallu voter. Ceux qui ont voté pour nétaient
pas forcément plus chrétiens que les autres. Peut-être,
et cest beaucoup, en phase, un peu plus, avec les évolutions
de la société.
Un peu de sagesse, donc, dans cette affaire de parité. Non,
la parité en politique, ne menace personne ; ce nest
pas le début du commencement de la fin ; ce nest pas
humiliant ; ce nest pas dangereux.
Cest seulement et cest déjà beaucoup,
un petit coup de pouce apporté par des hommes à leurs
plus proches prochains.
Car noublions pas que la cause de lopprimé est
aussi défendue et aboutit grâce à l'appui dune
partie du camp adverse.
Gageons que dans 20 ans, lorsquil y aura 50 % de députées
et de sénatrices, tout le monde trouvera la situation normale.
Encore un effort, monsieur Badinter !