Peu connu, le réformateur
hongrois Ferenc Dávid a installé sans violence lunitarisme
en Transylvanie au xvie siècle. Son refus dimposer ses
convictions par la contrainte mérite une grande considération.
Né à Cluj vers 1515, formé à
lUniversité luthérienne de Wittenberg, Ferenc
Dávid exerce de hautes responsabilités dans les Églises
luthériennes de Transylvanie avant de se rallier au calvinisme
en 1564, entraînant avec lui les luthériens hongrois. Il
devient le fondateur de lÉglise réformée
de Transylvanie. Prédicateur de la Cour, il exerce une grande
influence sur le roi Jean Sigismond.
Dávid Ferenc prononçant
l'Édit de Torda, dans une peinture du XIXe. Une reproduction
de qualité de cette peinture au format 40cmx51cm accompagnée
d'un bref essai sur l'Édit de Torda, augmenté d'une
brève notice biographique des principaux participants,
représentés sur le tableau peut -être obtenue
pour le prix de 25 Euros par commande adressée à
la paroisse unitarienne de Bedford: Torda Painting , First Parish
in Bedford, 75 The Great Road, Bedford, Massachusetts 01730
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Biandrata, un médecin italien qui espère
créer en Pologne et en Transylvanie un grand centre unitarien,
expose à Dávid ses doutes sur la Trinité, et le
convainc quelle na rien de biblique. Dávid, suivi
par la population de Cluj, la majorité de lélite
intellectuelle et de la noblesse hongroise, et par le roi lui-même,
devient unitarien. À ceux qui laccusent de se rallier au
judaïsme ou à lIslam, il réplique :
« Dieu mest témoin que ce que jai
appris et enseigné ne vient ni du Coran, ni du Talmud ni de Servet,
mais de la Parole du Dieu vivant. Mon enseignement se fonde uniquement
sur ce que contient la Bible. »
En 1568, Dávid peut imposer dans tout le pays
ses convictions, faire chasser, emprisonner ou exécuter ses adversaires
qui ont essayé de léliminer. Pourtant il écrit
au roi :
« Je supplie votre Majesté de ne pas blâmer
ni sanctionner mes accusateurs. Ils doivent être laissés
libres décrire, denseigner, de sen prendre
à moi. Ils doivent avoir la possibilité de mattaquer
comme ils le désirent. Ce sera Dieu qui défendra lui-même
sa propre cause. »
En 1568, quatre ans avant la Saint Barthélemy,
Dávid fait adopter par la Diète de Transylvanie, réunie
à Torda en présence du roi, lédit suivant
:
« Nous décrétons que tout prédicateur
est libre de prêcher et dexpliquer lÉvangile
tel quil le comprend.[
] Aucun prédicateur ne doit
être inquiété et sanctionné par les autorités
civiles ou ecclésiastiques à cause de son enseignement.
Personne ne doit être privé de travail ni emprisonné,
ni puni de quelque manière que ce soit à cause de ses
opinions religieuses. Car la foi est un don de Dieu, et elle vient de
lécoute de la Parole de Dieu. »
Partout en Europe, protestants et catholiques emprisonnent,
torturent, tuent des gens à cause de leur foi. La majorité
des européens dalors considèrent la Transylvanie
comme une contrée barbare, inculte, mal civilisée. Ceux
qui, à la même époque, défendent la bonne
doctrine par le fer, le feu et le sang jugent que ce roi Jean Sigismond
et ce pasteur Ferenc Dávid sont de mauvais chrétiens,
qui blasphèment Dieu et souillent lÉvangile. Étrange
aveuglement de consciences par ailleurs sincères.
En 1571, à la mort du roi Jean Sigismond, les
grandes puissances, Allemagne et Turquie, écartent le successeur
quil avait désigné. Les unitariens perdent leurs
soutiens politiques. Un acte daccusation est dressé contre
Dávid. En avril 1579, le procès souvre. Ses accusateurs,
des calvinistes, demandent sa mort. Le nouveau pouvoir le condamne à
lemprisonnement à perpétuité. On lenferme
dans le château à Déva. Personne na le droit
de le visiter, et on ne sait rien sur ses derniers mois. Il meurt en
novembre 1579.
Ferenc Dávid a des carences et des défauts.
Il manque de prudence aussi bien théologique que politique. Il
ne sest pas beaucoup soucié dorganiser lÉglise.
On peut trouver légères ses opinions doctrinales. Ses
écrits présentent des faiblesses et des médiocrités,
et ne soutiennent pas intellectuellement la comparaison avec ceux de
Luther, Zwingli, Calvin ou Castellion. Des ombres existent. Elles nempêchent
pas dêtre sensible à son authenticité spirituelle,
à sa volonté de réflexion personnelle et surtout
à son refus dimposer par la force ses convictions.
André
Gounelle