Sarah, ivoirienne venue
dans notre pays pour sui-vre un français qui devait lui apporter
bonheur et fortune, doit sortir aujourdhui du service de soins
en périnatalité où elle est hospitalisée
avec son nourrisson depuis quatre mois. Le papa du bébé
la abandonnée à lannonce de la grossesse et
de la séropositivité H.I.V. Son problème médical
est traité puisquelle nest « que séropositive
» pour linstant et que son fils, Ézéchiel,
a bénéficié du traitement anti-rétroviral
préventif ce qui a permis quil soit effectivement séronégatif.
Pas de solution dhébergement ! Un centre
maternel, peut-être dans 15 jours
Une place en hôtel
est trouvée pour attendre mieux : jemmène Sarah
et Ézéchiel mais, à notre arrivée, lhôtelier
sécrie : « Je nai pas de place ; lassistante
sociale ma téléphoné à 15 h, mais
jai cru que vous ne viendriez plus car les fonctionnaires finissent
à 17 h ! Jai reloué la chambre. » Que faire
dans une rue sombre et froide, sachant que le lit à lhôpital
était repris par une autre patiente ? Angoisse de la mère
et de lenfant
doutes chez la cadre du service transformée
en chauffeur à la recherche dun toit pour ces deux êtres
fragiles.
Femmes et enfants à lentrée
de lhôpital dAlbert Schweitzer à Lambaréné.
DR.
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Une chambre a été trouvée à
quelques kilomètres ; nous avons traversé des champs et
Sarah sest écrié « mais vous memmenez
en province », totalement paniquée
Comment rester dans les limites de ma fonction ? Il fallait
bien retourner à lhôtel le samedi, avancer les frais,
en attendant que lAide Sociale à lEnfance prenne
le relais, sinon Sarah naurait pu rester à lhôtel.
Impossible de ne pas lui dire bonjour
Et là : « Ézéchiel
respire mal, il a de la fièvre et je nai pas de thermomètre
; cest comme quand mon frère est mort du SIDA. »
Je ne pouvais rentrer chez moi lesprit libre et
aller au culte le lendemain, faisant éventuellement une prière
dintercession
La situation a été investie
par toute la famille pour nous faire réagir, combattre, entrer
dans laction !
Comment laisser dans la rue des femmes fragilisées
par le déracinement, la maladie, la précarité et
inquiètes pour leur bébé ? Faut-il accepter que
la seule solution soit « un accueil provisoire » par lAide
Sociale à lEnfance
cest à dire une séparation
mère/enfant pour précarité sociale ?
Ai-je le droit de travailler à favoriser la santé
de la mère et de lenfant dans mon secteur professionnel,
et de fermer les yeux le week-end quand la patiente est sortie de mon
service ? Pourrais-je alors prêcher lamour du prochain,
lentraide et la solidarité ?
Sarah a pu être soutenue par différents
professionnels et bénévoles avant dentrer en centre
maternel. Elle a ensuite été aidée pour sinsérer
: elle travaille maintenant comme auxiliaire de vie auprès de
personnes âgées à domicile, et a quitté le
centre maternel pour un appartement autonome.
Cest juste dun « coup de pouce »
que ces femmes ont besoin. Ensuite, hébergées correctement,
consolidées dans leur rôle de mère et rassurées
sur leur santé, elles peuvent travailler et sont même souvent
motivées pour accomplir avec une extrême gentillesse des
tâches pour lesquelles lA.N.P.E. a du mal à trouver
des volontaires.
Sarah nest pas la seule. Je travaille quotidiennement
avec des femmes en difficulté comme elle, qui ne peuvent être
« lâchées » à la sortie de lhôpital
! Il faut donc se battre, combattre pour la création de nouvelles
structures daccueil. Le CASP (Centre dAction Sociale Protestant)
travaille depuis des années dans ce sens à Paris.
Cest grâce à Sarah que nous avons
eu la motivation et lénergie de créer une association
à Marly pour monter un établissement daccueil mères/nourrissons
: il y a un manque cruel dans les Yvelines (département malheureusement
réputé riche !) et Sarah nous a permis une prise de conscience.
Le CASP sinvestit pour que ce projet ambitieux voie le jour.
Il faut combattre partout, ne pas baisser les bras et
créer des structures dans tous les départements ! Ce pourrait
être un grand projet dentraide pour toutes les Églises
!
Anne-Laure
Coffinet