Numéro 189 - Mai 2005
( sommaire
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Un mensuel a le grand avantage, par rapport
aux quotidiens et hebdomadaires, de pouvoir prendre du recul face
à lactualité. Cest ce que font ici (pages
4 et 5) Jean-Jacques Peyronel et Laurent Gagnebin en posant, au-delà
de la personne de Karol Wojtyla et de son pontificat, la question
de lcuménisme et de la papauté en tant que
telle.
Le Pape, « icône du Christ » ?
Sur Jean-Paul II et
lcuménisme, que peut dire un protestant italien,
membre dune toute petite Église comme lÉglise
Vaudoise?
Chapelle Sixtine, un des portraits
de pape qui figurent sous les lunettes peintes par Michel-Ange
représentant la généalogie du Christ. DR.
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On cite souvent les rencontres interreligieuses dAssise,
mais on oublie de dire que les projecteurs, et les micros, ont toujours
été braqués sur la figure de ce «grand communicateur».
Les protestants italiens ont fini par décliner les invitations
à ce genre de sommets. De même, lorsque, dans lencyclique
«Ut unum sint», Jean-Paul II affirmait quil était
prêt à «changer les modalités dexercice»
du primat pontifical, personne, à lexception des Vaudois
et des Méthodistes italiens, na relevé que ce qui
fait problème est le primat lui-même, au-delà de
la façon de lexercer. Et que dire de la fameuse «Décla-ration
conjointe luthéro-catholique sur la justification», dont
on vient de fêter le cinquième anniversaire et qui na
produit jusquici aucun changement concret, pas même au niveau
de lintercommunion ou de lhospitalité eucharistique?
Dailleurs, que penser du futur de lcuménisme
quand on sait que lÉglise de Rome continue de se considérer
comme la seule vraie Église et que, pour elle, les Églises
protestantes ne sont que de simples «communautés ecclésiales»?
Jean-Paul II a encore redit, peu de temps avant sa mort, que pour lui
le chemin de lcuménisme était irréversible.
Daccord, mais où mène ce chemin? Si cest à
Rome, les protestants italiens, Vaudois, Méthodistes et Bap-tis-tes
en particulier, disent en chur: «Non, merci!» Le pasteur
et historien vaudois Giorgio Tourn, outré par les hosannas des
médias italiens lors de lhospitalisation et de lultime
maladie du pape, a déclaré à lhebdomadaire
Riforma: «Le catholicisme moderne, forgé par Pie IX, vit
entre deux pôles: Marie (LIm-ma-culée) et le pape
(infaillible). Vatican II est un accident sans importance. La création
de la papauté icône du Christ est destinée à
se développer; et cette création nest pas le fait
de Ratzinger et de ses épigones, mais bien des journalistes et
de la foule rassemblés sur la place Saint-Pierre à Rome.»
Jean-Jacques
Peyronel
haut
Le Pape: image dun système qui dépasse
sa personne
Insignes pontificales sculptées
sur labside Sud de la basilique Saint-Pierre. DR.
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Le pape représente,
de manière symbolique, tout un système dautorité
récusé par les protestants unanimes, même sils
peuvent avoir pour tel ou tel pape un réel respect qui na
rien à voir avec une vénération. Le pape est limage
et lexpression dune hiérarchie, dune institution
pyramidale et dun pouvoir dont nous ne trouvons pas le fondement
et la justification dans la Bible. Dire le pape, cest donc dire
aussi les cardinaux, les évêques et tous les prêtres.
Rome ne reconnaît pas, en plénitude, les
pasteurs protestants consacrés en dehors de sa compréhension
de la succession apostolique. Il manque en effet à leur ministère
quelque chose dessentiel et dindispensable: la succession
apostolique. Elle est là une chaîne qui relierait de manière
prétendument ininterrompue et sensible, extérieure et
visible, par limposition des mains, le premier pape, qui serait
lapôtre Pierre, à tous les au-tres papes, et, par
là, à tous les au-tres membres du clergé romain
au bénéfice de cette même imposition des mains.
Le pastorat exercé dans la tradition protestante se veut, lui
aussi, apostolique. Il sinscrit dans une filiation dordre
spirituel et une fidélité en profondeur au message apostolique
des origines. Ce mi-nis-tère ne saurait être invalidé
du seul fait quil ne relève pas dune lignée
historique et formelle où les évêques seraient les
seuls successeurs légitimes et autorisés des Apôtres.
Cela dit, les Ré-for-mateurs, qui ont refusé
le système pontifical, navaient pourtant pas encore à
souscrire au dogme de linfaillibilité pontificale promulgué
par le pape Pie IX en 1870. Le différend opposant catholiques
romains et protestants sest donc alourdi sur ce point depuis le
XVIe siècle.
Bien sûr, quand un journaliste déclare à
la télévision, sur LCI, la veille de la mort du pape Jean-Paul
II, que celui-ci a été en Pologne «lobjet
dun culte qui ne sest jamais démenti», tous
les protestants sont scandalisés par une telle affirmation: aucun
être humain (le pape, les saint(e)s, Marie) ne peut être
«lobjet dun culte». Cest ce quexprime,
entre autres, notre devise: Soli Deo gloria! («À Dieu seul
la gloire!»).
Laurent
Gagnebin
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