Il existe dans les
bibliothèques de vieux écrits nous renseignant, par exemple,
sur le premier christianisme ; et larchéologie est venue
amplifier cette richesse documentaire. Pourtant, malgré ces apports
nouveaux, la théologie semble immuable, elle demeure ce quelle
était avant ces découvertes documentaires. La théologie
devrait-elle évoluer davantage ? À quelles conditions
lhistoire pourrait-elle avoir une influence sur la théologie
? (Jentends ici par « théologie » avant tout
celle qui repose sur lanalyse des textes fondateurs : ce nest
pas toute la théologie, mais cest une branche dominante.)
Voici un premier exemple. Dans le corpus des Pères
apostoliques, qui réunit surtout des lettres de la génération
daprès les apôtres, un manuscrit grec du xie siècle
conservé à Jérusalem intègre un petit livret
intitulé la Didachè, cest-à-dire lInstruction
(des apôtres). Prudemment, il est encore présenté
comme écrit à Antioche, vers lan 100. Mais la rédaction
est plutôt réalisée à Jérusalem, peu
après 70 ; et le contenu reflète probablement le tout
premier enseignement des apôtres, encore oral, au début
des années 30, entre la mort de Jésus et la mise par écrit
de ses paroles.
Tout ceci nest pas encore clairement établi,
la science des textes progresse lentement. Mais envisageons par hypothèse
que cela le soit : quest-ce que ça change sur la connaissance
du premier christianisme ?
Le chemin du salut est encore la loi ; celle-ci est déjà
centrée sur lamour du prochain, mais ce sont les apôtres
qui le disent ; deux rites communautaires sont mentionnés, le
baptême et leucharistie ; une seule parole est attribuée
à Jésus, le Notre Père ; enfin, le retour de Jésus
est attendu comme imminent pour un jugement selon la loi. Sil
sagit là du premier catéchisme chrétien,
on est bien en marche vers la théologie chrétienne, mais
on en est encore loin. Cela veut dire que les points essentiels sont
venus progressivement et que la part des apôtres est limitée.
Historiquement, cette conclusion est tout à fait
plausible, mais elle ne fait pas laffaire des théologiens
pour qui les textes fondateurs (les épîtres de Paul et
les évangiles) doivent apparaître comme les premiers, avec
leur contenu novateur, en rupture avec la littérature antérieure.
Christian
Amphoux